À Hudson, le projet de réfection de la rue Lakeview continue de faire couler de l'encre entre citoyens et élus municipaux. Plusieurs résidents dénoncent l’ampleur des travaux, leur impact sur le quartier et le manque de consultation. Lors d’une séance extraordinaire tenue le 16 juin, le conseil municipal a entériné l’octroi du contrat, révélant des divisions profondes au sein du conseil et de la communauté.

La rencontre, tenue en soirée, a attiré plus d’une centaine de citoyens, dont plusieurs ont exprimé leur mécontentement. Le vote a été serré : quatre élus ont appuyé le projet, tandis que trois s’y sont opposés.

Les conseillers Douglas Smith, Benoît Blais et Reid Thompson ont voté contre, alors que Peter Mate, Mark Gray et Daren Legault ont donné leur appui. La mairesse Chloé Hutchison a également voté en faveur.

Un chantier d’envergure controversé

La Ville a reçu cinq soumissions pour la réfection de la rue Lakeview. Le contrat a été attribué à Excavation Gricon, le plus bas soumissionnaire conforme, pour un montant de 3 658 336,99 $.

Le projet bénéficie d’un financement partiel de 2 010 000 $ provenant du Programme de fonds pour le transport actif d’Infrastructures Canada.

Le solde sera assumé selon les modalités du règlement d’emprunt no 776-2025. La Ville avait déjà investi 803 475 $ dans ce dossier.

Inquiétudes dans la communauté

Beaucoup de citoyens ont critiqué le manque de transparence de la Ville quant aux informations liées au projet. Leurs préoccupations sont au nombre de quatre :

- Un élargissement excessif : Le doublement prévu est démesuré pour l’échelle de Hudson ;

- Manque de consultation : Les résidents concernés n’ont pas été informés adéquatement ;

- Perte d’aménagements matures : Arbres, haies, entrées et sentiers sont en péril ;

- Des solutions existent : Un sentier ou trottoir pourrait être ajouté sans tout bouleverser.

Parmi les critiques, Breck McFarlane, ancien architecte et résident de Hudson, remet en question les intentions de la Ville. « Ce que la Ville ne dit à personne et refuse de reconnaître, c'est que son projet décale la route vers le sud d'au moins 50 % sur la majeure partie de sa longueur. La nouvelle chaussée doit être construite sur au moins 50 % de la route, ce qui est bien plus coûteux que de simplement creuser et aménager une route qui existe depuis un siècle. »

Il avance que la Ville pourrait favoriser indirectement certains intérêts privés. « Ce que je dis, ce que nous disons, c'est qu’il doit y avoir un agenda caché pour bénéficier au propriétaire du terrain de l'autre côté de la route, qui a un permis de construire pour un immeuble de quatre étages. » Il précise néanmoins qu’il ne souhaite pas faire d’accusation.

Selon lui, le nouvel aménagement profiterait à certains propriétaires terriens. « Si votre bâtiment est situé très près de la limite de propriété de ce côté de la route et qu'il y a une voie de circulation juste à côté, ce n’est pas une bonne idée », explique-t-il.

« En ajoutant un chemin de 2,5 mètres et une plantation de 1,5 mètre, votre relation avec la route est soudainement nettement améliorée, et les logements valent beaucoup plus cher », ajoute-t-il.

Une opposition au sein du conseil

Benoît Blais, conseiller du district 2, fait partie des élus qui se sont opposés au projet. À ses yeux, les travaux dépassent largement les besoins réels. « C’est trop gros, ce n’est pas nécessaire. »

Il déplore également le manque de consultation citoyenne et estime que la population n’a pas pleinement saisi la portée du projet. « Je pense que les gens ne portaient pas attention de manière suffisante... »

Il rappelle que l’idée d’aménager une piste cyclable sur Lakeview remonte à l’époque des travaux sur Main Road, il y a plus de quatre ans. « Quand Main Road a été agrandie et modifiée, il était déjà dit que Lakeview devrait avoir une piste cyclable. Ça remonte à plus de quatre ans déjà. C’est juste dernièrement que les gens ont réalisé l’ampleur des travaux. »

La mairesse défend le projet

Chloé Hutchison affirme avoir présenté le projet à douze reprises lors de séances du conseil. « Personne n’est venu me demander de quoi aurait l’air le projet, s’il allait y avoir une consultation publique. Pour moi, c’était un indice que le projet semblait passer. »

Elle souligne qu’à l’automne dernier, la Ville menait déjà trois consultations publiques, ce qui a forcé à faire des choix. « Il aurait fallu mettre de côté le plan de conservation ou bien le plan directeur des parcs et espaces verts. À un moment donné, il faut faire des choix, car on ne peut pas tout faire en même temps », explique la mairesse.

« Étant donné que les citoyens étaient très participatifs avec les autres enjeux, et que personne n’exprimait d’opposition au projet Lakeview, que personne n’avait exprimé d’inquiétudes en lien avec les informations du projet, nous avons pris cette décision. »

Elle insiste sur la transparence du processus. « Ce n’était pas malveillant, il n’y avait pas d’intention de faire des cachettes. »

Des critiques alimentées par une mauvaise communication

Selon la mairesse, plusieurs critiques seraient attribuables à une mauvaise circulation de l’information. « Les mauvaises informations ont été distribuées, et c’est vraiment navrant. Je pense aussi que les médias ont un rôle à jouer, de s’assurer de ne pas juste donner de la visibilité aux personnes qui génèrent des fausses informations, mais aussi d’aller chercher le pouls des gens qui soutiennent le projet. »

Elle explique que la réfection vise notamment à corriger la géométrie de la rue Lakeview, qu’elle juge irrégulière. « On va régulariser la géométrie de la rue, donc c’est sûr qu’il va y avoir des tronçons plus impactés que d’autres. »

Un projet en préparation depuis cinq ans

La réaction du public face au projet a surpris Chloé Hutchison, qui considère que l’étape des consultations préliminaires est désormais chose du passé. « Que les citoyens fassent des propositions schématiques, ce n’est pas une mauvaise chose, mais dans le cas de ce projet, nous sommes passés à cette étape depuis longtemps », explique la mairesse.

Elle rappelle que les premières étapes du projet remontent à 2021. « Ça fait cinq ans que nous sommes dans le projet. À quel moment est-ce qu’une ville doit aller consulter pour des croquis au départ d’un projet de rue ? Je comprends quand on change un règlement, quand on change la densité, quand on vient avoir un impact sur la propriété privée, ça je le comprends. Ça me surprend un peu qu’on ait cette même attente sur un projet de rue. »

La mairesse a tout de même reconnu qu’il était « regrettable que des propriétaires aient été informés du projet par des entrepreneurs souhaitant soumissionner sur ce dernier », a-t-elle exprimé lors de son allocution au début de la séance du 16 juin. « Nous pouvons certainement faire mieux, et nous continuerons à le faire », a ajouté Chloé Hutchison.

Des ajustements encore possibles

Même si le projet a été entériné, la mairesse affirme qu’il peut encore être ajusté. « J’essaie de faire valoir aux élus que ça serait bien de passer de six mètres à cinq mètres et demi pour la partie véhiculaire. Des citoyens ont demandé s’il y avait une ouverture de la part des conseillers municipaux à réduire à moins de deux mètres et demi la largeur du sentier multifonctionnel. »

Elle défend le choix de Lakeview, affirmant qu’il s’agit de l’un des secteurs les plus peuplés de la ville. « C’est l’endroit où il y a le plus de résidents. Ça va servir aux familles et aux personnes qui sont dans ce voisinage-là. »

Favoriser les déplacements actifs

À ses yeux, ce type de projet peut transformer positivement les habitudes de déplacement au quotidien. « L’avoir fait sur une rue plus commerciale, ce sont des commerces et des stationnements qui sont là, et non des jeunes familles. Les habitudes de vie des gens vont être justement de se rendre plus souvent à pied à l’école, qui est dans la même artère, à la piscine ou au parc, au lieu de se faire conduire. C’est ça, l’intention. »

Des craintes face à la densification

La mairesse reconnaît néanmoins que plusieurs citoyens redoutent une transformation de l’identité de leur quartier. « Les citoyens présents ici ont peur du changement du caractère de leur ville. Pour eux, ce projet est similaire au projet de forte densité des condos que l’on a. »

Elle conclut en lançant un appel à un dialogue collectif sur l’avenir d’Hudson. « Comment densifier Hudson ? C’est là que nous devons avoir la conversation. Comment mieux vivre ensemble, comment reconstruire la ville sur la ville. Je me dis qu’en ce moment, ils sont mobilisés, alors il faudrait mettre en place un processus, peut-être parler d’un plan directeur de mobilité. »

Informations sur le projet

Toutes les informations sont disponibles sur le site de la Ville de Hudson, sous l’onglet Lakeview.

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