Hécatombes au Manoir Harwood: un an plus tard
« Tant que tu ne l’as pas vécu, c’est difficile de se faire une idée de ce que c’est réellement. » - Vincent Bastien
Mi-avril 2020, plus rien ne va au Manoir Harwood de Vaudreuil-Dorion. Les cas de COVID-19 explosent, les résidents et des membres du personnel sont atteints du fameux virus venu d’Asie, mais dont on ignore encore les répercussions à long temps. D’autres employés, par peur, face à ce nouvel ennemi inconnu, ont quitté le navire.
Jean-François Blanchard, propriétaire du CHSLD fait appel à Vincent Bastien et son équipe de Cubix pour traverser la frontière. Près d’un an plus tard, celui qui est maintenant, directeur du Service de la culture et des loisirs, à la Ville de Vaudreuil-Dorion, Vincent Bastien revient sur son expérience au Manoir Harwood.
« Pour nous, chez Cubix, il était naturel d’y aller et de prêter main-forte à Jean-François et son équipe. D’ailleurs, si c’était à refaire, je le ferais demain matin. Ceci étant dit, l’adrénaline qui m’habitait, jumelée à une accumulation d’un très grand nombre d’heures de travail, il m’a fallu plusieurs mois pour retrouver mon énergie », lance d’entrée de jeu, Vincent Bastien. Habitué à travailler sur les évènements tels que le Festival de cirque de Vaudreuil-Dorion, c’est dans un tout autre univers que Vincent Bastien a mis en oeuvre son expertise en matière de gestion d’évènement.
Bien qu’il avait été avisé des défis qui l’attendaient et qu’un programme d’aide psychologique était à sa portée, jamais Vincent Bastien ne pouvait se préparer à ce qu’il s’apprêtait à vivre. « Tant que tu ne l’as pas vécu, c’est difficile de se faire une idée de ce que c’est réellement. L’équipe du Manoir Harwood nous avait avertis, mais on ne peut pas le savoir tant qu’on ne l’a pas vécu , ajoute Vincent Bastien.
Accompagner vers la mort
C’est face à la mort et à la douleur humaine que, pendant huit semaines, Vincent Bastien s’est donné corps et âme pour aider le Manoir Harwood à traverser la tempête. Accompagner des gens en fin de vie et voir autant de gens mourir, c’est loin de ne pas laisser de cicatrices. Sachant que ses familles n’ont pas pu accompagner leurs proches en fin de vie, c’est atroce », souligne Vincent Bastien qui se souvient d’avoir vu des familles faire leurs adieux, à un proche à travers une fenêtre de l’établissement.
« C’est certain que ces images vont rester ancrées à jamais. À un certain point, on dirait qu’il n’y a plus rien, qui a du sens. Les petits bonheurs de la vie ne sont plus là. Voir autant de souffrance devient ta réalité. Les gens entrent au travail déjà stressé. Ils ont peur pour leur santé, celle de leurs proches. Ils savent qu’ils vont voir des gens mourir. L’être humain n’est pas fait pour être stressé aussi longtemps. Nous sommes habitués, nous sommes faits pour trouver des solutions. Mais là, on ne contrôlait pas la situation, on ne pouvait rien appréhender », ajoute-t-il.
Parce que la vie continue
S’il se considère privilégié d’avoir été en mesure de venir en aide à sa communauté, Vincent Bastien garde une pensée pour le personnel de la santé « Moi je n'ai été que de passage dans la résidence, mais le personnel y est encore. La fatigue chronique finit par se faire sentir. Revenir de toutes ses émotions sera long pour eux » de dire Vincent qui admet avoir mis du temps à se remettre des émotions vécues durant ses huit semaines au CHSLD.
« Je ne sais pas comment on va traiter de ce sujet dans l’histoire. J’ai hâte de voir quelles seront les vraies pistes de solutions qui seront mises en place par rapport à nos aînés, mais aussi comment le système de santé va se remettre de cette crise. J’ai aussi des inquiétudes face aux effets sur les enfants qui ont été privés d’école et des sports. En ce moment, le personnel de la santé tient le système à bout de bras, mais qui va prendre soin d’eux une fois la tempête passée? Nous sommes encore très loin de pouvoir mesurer les impacts à long terme de cette crise », conclut Vincent Bastien.
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