« La vraie valeur de ma collection est historique et non monétaire » -Luke De Stéphano
À la recherche des trésors du passé
Le dictionnaire Larousse définit le mot collection comme étant la réunion d'objets rassemblés et classés pour leur valeur documentaire, esthétique, pour leur prix, leur rareté, etc. Pour les collectionneurs, il s’agit plutôt d’une passion, parfois inexplicable, pour un objet.
Pour Luke De Stéphano, la valeur de sa collection de cartes postales réside bien au-delà d’une simple valeur monétaire. En effet, elles sont toutes à l'effigie des villes et municipalités de Vaudreuil-Soulanges.
Passionné d’histoire, Luke De Stéphano a écrit trois livres sur la région de Vaudreuil-Soulanges, en plus de sa collection.
Une passion pour l’histoire régionale
« Elles représentent des images de la région et très souvent, ce sont les seuls vestiges d’une époque lointaine », explique le résident de l’Île-Perrot. « Avant, les personnes ne prenaient pas beaucoup de photos, que ce soit des maisons, des commerces, de leur environnement, etc. »
Il explique qu’à l’époque, la région de Vaudreuil-Soulanges était un arrêt quasi obligatoire pour les voyageurs qui se dirigeaient vers l’ouest. De nombreuses cartes postales étaient donc disponibles pour les voyageurs désireux de communiquer avec leur famille.
« Beaucoup de personnes étaient de passage dans la région, que ce soit à Rigaud ou à Vaudreuil. Ils étaient en voyage ou se dirigeaient vers Ottawa ou Toronto. Ainsi, au lieu d’utiliser le téléphone, la majorité d'entre eux envoyaient des cartes postales avec des attraits de la région pour donner des nouvelles à leur famille. »
Une passion née dans les années 70
Il entame sa première collection alors qu’il était plus jeune, dans les années 70. Habitant alors la municipalité de Sainte-Justine-de-Newton, il trouve une vieille carte postale à l'effigie de la municipalité et, de fil en aiguille, il commence à en chercher des autres des environs.
« J’ai commencé à élargir vers Saint-Clet, Très-Saint-Rédempteur, Saint-Polycarpe pour finalement me concentrer sur Vaudreuil-Soulanges. »
Après des années à collectionner des cartes postales, et trouvant que leur prix devenait trop élevé, Luke De Stéphano se défait de sa collection auprès d’un marchand avec qui il faisait affaire. Un an seulement après s’en être débarrassé, il recommence de plus belle.
« Depuis 1993, j’ai recommencé et je n’ai pas arrêté depuis. Avec les années, j’ai réussi à trouver des cartes qui sont très rares. » explique-t-il. « À l’époque, les gens commandaient leurs photos sous forme de cartes postales, donc en seulement quelques exemplaires. Elles sont donc beaucoup plus rares. Parfois il s’agit de photos ou de moments personnels et les personnes faisaient quelques copies pour envoyer à leurs proches. »
Une collection rare et unique
En tout et partout, sa collection totalise près de 2000 cartes postales de Vaudreuil-Soulanges. Il mentionne que ses cartes les plus rares proviennent souvent de villages qui n’existent plus, en raison de fusions avec d’autres villes ou bien de leur taille réduite. « Des petits villages comme Dalhousie, l’Île-Cadieux, Très-Saint-Rédempteur, ou bien des villages qui ont été fusionnés comme, par exemple, Choisy ou bien Como. »
Là où se trouvaient les stations de train ainsi que les touristes se trouvaient les cartes postales, ce qui explique l’abondance d’exemplaires provenant de Rigaud, Vaudreuil et Saint-Clet.
Pour Luke De Stéphano, sa collection est un témoin de la mémoire collective de la région. « Ces cartes sont des témoins de l’histoire de la région de Vaudreuil-Soulanges. »
À la recherche de trésors perdus
Pour trouver ses trésors du passé, Luke regarde sur internet et se déplace aussi dans plusieurs expositions de cartes postales un peu partout au Canada et même aux États-Unis. « J’en ai trouvé à Toronto, Brockville, Vancouver et Halifax aussi. C’est pas vraiment dans la région que j’en trouve. Aux États-Unis, j’en ai trouvé à Cocoa Beach en Floride, à New York. J’en trouve beaucoup à Montréal et à Québec aussi, mais ça devient de plus en plus difficile. »
Pour le collectionneur, il s’agit d’un art qui se perd peu à peu avec le temps. « Il n’y a presque plus de cartes postales de nos jours. Les gens n’écrivent plus de lettres alors ça disparaît tranquillement. »
Une collection sans valeur monétaire
En termes de valeur, Luke ne sait pas combien peut valoir sa collection, mais cela lui importe peu. « Il n'y a pas de prix. De toute façon ma collection va aboutir au centre d’archives parce que personne ne voudrait payer pour ça. En tout, j’ai dû dépenser au moins 50 000 $. La vraie valeur de ma collection est historique et non monétaire. »
Le chanoine Olivier Dufault
Questionné sur sa passion pour l’histoire et son désir de la conserver, Luke De Stéphano raconte qu’une anecdote, partagée par une habitante de Sainte-Justine-de-Newton, l’a non seulement convaincu de s’intéresser à l’histoire, mais aussi de la préserver.
La résidente en question lui racontait que, plus jeune, sa mère l’avait amenée aux funérailles du curé Olivier Dufault, décédé en 1926. Une fois arrivée avec sa mère, la résidente dit s’être souvenue que le curé était exposé non pas dans son cercueil, mais bien assis sur une chaise.
Luke De Stéphano a gardé cette anecdote en tête et, après avoir entendu plusieurs variantes de cette même histoire, il rencontre Thérèse Bériault, qui finit par lui révéler la véritable histoire des funérailles du défunt curé.
« Elle est allée chercher une boîte à chaussures pleine de photos et parmi elles, une photo du curé bel et bien décédé, mais qui avait été exposé assis dans son cercueil. Le cercueil avait été monté sur une table au milieu de l'église. »
Après avoir questionné la dame, elle lui raconte que, sur la photo, figure son beau-père, qui avait préparé le corps pour les funérailles. « Le beau-père était très fier de son travail, donc il a demandé au photographe présent de le prendre en photo avec le corps. »
Après que Thérèse Bériault a emprunté la photo pour en faire des copies, Thérèse Bériault est décédée et sa boîte à chaussures pleine de photos a été jetée, et les souvenirs associés aux photos, perdus à jamais.
« Cette histoire, cette photo du curé, c’est ça qui m’a donné le goût de collectionner des cartes postales et des photos. Tous les trésors qui sont perdus, c’est incroyable et cette photo en est un parfait exemple. » mentionne Luke De Stéphano.
La photo et le récit de Thérèse Bériault sont la preuve que les paroles s’envolent et que les écrits restent. « Les images sont de bien meilleurs témoins que la tradition orale. Sans photos, c’est le genre d’histoire que l’on entend, mais dont on n’est jamais trop sûr si elle est vraie. Ce sont des histoires qui finissent par se perdre avec le temps. »
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