Une première au Canada
La culture hivernale de fraises arrive dans Vaudreuil-Soulanges
Manger des fraises en plein hiver, cueillies dans les 24 dernières heures et produites dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres : c’est ce qu’il sera bientôt possible de faire dans la région. L’entreprise Fermes d’hiver vient d'inaugurer sa première installation en partenariat avec les Serres Vaudreuil à Vaudreuil-Dorion.
« On veut apporter une solution pour la souveraineté alimentaire [...] Notre mission, c’est de couvrir la partie que les maraîchers ne peuvent pas produire : l’hiver », indique Alain Brisebois, président et chef de la direction de l’entreprise, rencontré ce jeudi dans leur première salle encore en démarrage.
Que ce soit la luminosité, l’humidité, l’aération, la température, le degré d’inclinaison de la plante ou la pollinisation, les fraises d’hiver poussent dans un environnement où chaque détail est scruté et contrôlé virtuellement à l’aide de capteurs.
Au terme de leur implantation, les serres verticales produiront 180 000 kilos de fraises par an, et ce sur une superficie de 1150 mètres carrés. Ce type d’installation, représentant un investissement de 6,6 millions de dollars, est près de trente fois plus productif que la culture en champ, selon M. Brisebois.
Toutefois, ce dernier ne veut pas voler la part de marché aux producteurs maraîchers, à qui il voue une admiration sans bornes. L’objectif est d’éviter l’importation provenant de la Californie ou du Mexique.
L’entreprise vise à remplacer 10% des importations au Canada d’ici quelques années, c’est-à-dire 130 millions de kilos de fraises par année. « Notre intention est d’arriver avec une fraise qui n’a pas traversé le continent au complet », précise-t-il.
Leur modèle d’affaires est fondé en partenariat avec des producteurs comme André Saint-Denis, propriétaire des Serres Vaudreuil. « La serre extérieure, c’est ce qu’on leur demande. Amène-moi un toit, l’électricité et l’eau et après on arrive avec [le reste des installations] », mentionne Alain Brisebois.
Il rend ensuite à César ce qui est à César. Le producteur maraîcher s’occupe de la production, des récoltes et des opérations.
À la fine pointe
La serre verticale compte 11 corridors qui comprennent chacun 5000 plants de fraises. Chaque rangée représente une étape de la maturation du fruit, afin d’assurer une production constante.
Les Fermes d’hiver arrivent avec des équipements qui sont pratiquement tous brevetés. Alain Brisebois est particulièrement fier des lumières suspendues entre les rangées, dont le spectre lumineux est adapté à la production de fraises. Elles assurent les 16 heures de lumière nécessaires par jour.
M. Brisebois avoue qu’une serre de la sorte consomme beaucoup d’électricité. La chaleur produite est cependant récupérée à travers un système de tuyaux d’eau, passant à l’intérieur de chacun des tubes lumineux. Cette eau permet de chauffer les serres voisines produisant d’autres aliments.
« Non seulement on fait des fraises, mais on est une fournaise », lance-t-il. Les Serres Vaudreuil ont pu se débarrasser en majeure partie des énergies fossiles comme le gaz propane.
Contrairement à la culture en champ, cet environnement fermé évite toute contamination et donc l’utilisation de pesticides et de fongicides. Des prédateurs biologiques, soit de petits insectes, sont au besoin utilisés. Des bourdons assurent quant à eux la pollinisation des plants.
L’eau est distribuée au goutte à goutte et empêche les plantes d'être inondées et développer des maladies. « La beauté, c'est que c’est exactement la production traditionnelle, mais on fait juste mettre les meilleures conditions possibles », spécifie Alain Brisebois.
Il s’agit également des meilleures conditions pour la cueillette. Un chariot élévateur peut se glisser entre les rangées sur des rails. « On n’est pas à quatre pattes dans un champ au gros soleil », raconte le président de la compagnie.
Une prévisibilité
La serre n’est pas soumise aux bouleversements climatiques, parfois extrêmes, qui affectent l’agriculture traditionnelle, surtout depuis quelques années. Cet avantage assure donc un rythme de production et une qualité constante pour les détaillants.
Pendant 40 semaines, du mois de septembre à juin, des fraises d’hiver seront ainsi produites à Vaudreuil-Dorion. Cette prévisibilité est aussi ressentie pour les maraîchers. Pour les mêmes coûts fixes, ils peuvent produire des fraises à longueur d'année.
« On se sent privilégié d’avoir été choisi pour implanter la première. On est content d’avoir des fraises fraîches du Québec l’hiver et de participer à cette aventure-là », témoigne André Saint-Denis, pris sur le vif en pleine préparation pour la saison froide.
L’utilisation de lumière artificielle empêche l’entreprise d'obtenir sa certification biologique au Canada, mais pour M. Brisebois, ce n’est pas un enjeu qui importe. « On se positionne plus sur la qualité du produit », indique-t-il.
L’entreprise s’occupe d'ailleurs du volet marketing et de la mise en marché. « Les maraîchers ne veulent pas nécessairement développer une image de marque. Nous on leur dit : on s'installe chez vous en échange de la production de fraises, on te donne une marque, on te garantit un achat à prix fixe et 100% des produits », explique Daphné Mailhot, responsable marketing et communication de Fermes d’hiver.
Une entente de cinq ans a été conclue avec IGA pour la distribution de ses fraises dans une quinzaine de supermarchés dans le grand Montréal. Il est déjà possible de s’en procurer dans celui de la Famille Déziel à Saint-Lazare. Cinq autres épiceries IGA les auront prochainement dans leurs étals sur le territoire de Vaudreuil-Soulanges.
Retrouver ses racines
Alain Brisebois, qui cumule une trentaine d’années d’expérience en distribution pour des supermarchés et son associé, Yves Daoust, ingénieur de formation et fondateur des Fermes d’hiver, se sont lancés dans cette aventure en 2019.
Après avoir effectué des tests avec différentes variétés de fraises dans une petite serre de Brossard, accompagnés d’experts en agronomie, ils étaient fin prêts à faire le saut.
M. Daoust avait pour sa part un lien particulier avec les Serres Vaudreuil, puisqu’il est né sur cette terre. Ses parents l'ont vendu à la famille Saint-Denis au début des années 80, qui l’opère depuis ce temps.
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