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Connaissez-vous Pierre Patry, spécialiste de l’éducation et des communications

durée 08h00
14 décembre 2025
duréeTemps de lecture 8 minutes
Par
Centre d'Archives de Vaudreuil-Soulanges

Dans les précédents textes parus sur Pierre Patry en 2024 et 2025, nous vous faisions connaître l’homme de radio, de théâtre et de cinéma ainsi que de culture. On se souvient que, né en 1933, ce personnage phénoménal a mené plusieurs carrières dans sa vie, souvent deux ou plus de front. Depuis tout jeune, il s’est intéressé au monde artistique et culturel. Aussi, après ses études, il s’est impliqué dans le monde de la télévision au Canada depuis 1952, du film ainsi que dans celui du socio-culturel. Ses expériences passées l’ont amené à utiliser différents médias.

C’est donc tout naturellement qu’il mettra le pied dans le milieu de l’éducation en devenant enseignant au cours des années 1971-1973 à l'Université de Montréal et au Cégep du Vieux-Montréal.

Pour lui, tout tournait autour de la communication, qu’elle soit artistique, culturelle ou éducative. Ainsi, depuis les années 1970, Pierre Patry, l’homme qui a toujours osé parler et écrire pour exprimer son opinion, a multiplié les activités liées à la communication. En 1973, il fait son entrée au ministère des Communications, à la Direction générale des communications gouvernementales (DGCG). C’est lorsqu’il occupe le poste de conseiller en communication interne qu’il lui est demandé d’élaborer un projet intégré de communication interne au ministère et au gouvernement. Ce sera un projet d’envergure : le Laboratoire humain. Celui-ci remettra en question les méthodes et moyens de relations internes à la fonction publique tout en permettant de changer l’idée qu’on se fait d’un fonctionnaire. Comités, assemblées plénières, enquêtes, « brainstorming » lui permettront de poser un diagnostic et de rédiger un plan d’action général. « Tout a été dit. Tout le monde a conscience du problème. […] Mais c’est à des individus qu’il incombe de changer le système. Le système ne se changera pas lui-même. »
Pierre Patry, Le fonctionnaire : un mutant ?, page 145, 29 mars 1974.
© Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges, Fonds Pierre Patry, P121/F,2,2.

Le résultat est mitigé. Certains grinceront des dents se sentant visés et ridiculisés. La majorité vantera l’approche et les conclusions justifiant la participation des employés de tous niveaux et delà, la grande variété de témoignages, d’idées et de soutions apportées. 

En tant qu’intervenant, Pierre Patry, un brin philosophe, n’entend pas être arrêté dans ses réflexions. Il voit grand et met son expérience variée à disposition afin de faire avancer le monde des communications. Ce premier contrat à la DGCG le portera vers un deuxième. Il travaillera, en effet, sur le développement d’un projet de télévision par câble bidirectionnel à la DGCG. Ayant aussi été conseiller consultant auprès de la compagnie Télécâble Vidéotron au début des années de 1970 et ayant participé aux premiers développements de la télévision par câble dans différentes régions du Québec, il pourra associer communication, technologie et éducation. Il dira de Télécâble Vidéotron qu’il est un outil versatile, complet possédant des canaux multidirectionnels mis au service d’une communauté. 

C’est en 1980 qu’un projet de télévision communautaire de la fonction publique est créé : Canal 24 (CCTF-24). Lieu de partage, ce média unique au monde et dédié pour une première fois à l’expression des fonctionnaires, permet à ces derniers, sur une base volontaire, de s’exprimer sur un sujet de leur choix. Plusieurs objectifs : on retiendra l’établissement d’une relation état-citoyens en plus de la démystification de la complexité des appareils étatiques. Une programmation variée est planifiée comme on peut le voir sur l’une des images jointes.

De 1975 à 1992, son cheminement le mènera à œuvrer dans le réseau de l'Université du Québec (UQ), notamment au niveau international. Il se joint d'abord au siège social de l'UQ comme directeur de la coordination à la vice-présidence aux communications. Par la suite, il mettra sur pied et dirigera, à partir de 1984, le Bureau de la coopération extérieure à la Télé-université. Cet organisme a pour but de favoriser l’enseignement à distance et d’accélérer l’ouverture sur le savoir national et international. À ce sujet, le communicateur mentionne, « Je pars de ce que l’UQ veut faire ; et ce n’est pas d’abord de la communication. C’est transmettre le savoir ou plutôt c’est d’échanger le savoir : là, ça devient de la communication. »
Pierre Patry, Plan du plan intégré, p.4, avril 1975.
© Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges, Fonds Pierre Patry, P121/F,3,1 (3).

C’est connu, Pierre Patry est un intervenant de premier plan dans le domaine de la télévision éducative. Mettre à profit son expérience variée en communication et celle acquise avec la technologie des communications ainsi que partager son expertise en enseignement à distance le mène à contribuer à la création et à l'établissement de réseaux institutionnels de formation à distance au Canada et à l'international. Au début des années 1980, Pierre Patry a en tête un modèle d’éducation favorisant l’apprentissage à distance. Et pourquoi pas l’éducation à distance ? Pas de campus, câblée et connectée au monde entier. Toujours à l’emploi de la Télé-université alors qu’il est directeur du Bureau de Montréal, il participe à l’implantation de la première chaine de téléenseignement au monde, connue sous le nom de Réseau de télévision éducative. 

Il devient, par la suite, l’un des membres fondateurs du Canal Savoir, connu aujourd’hui sous l’appellation Savoir média. Un consortium regroupant treize institutions québécoises d'enseignement collégial et universitaire, fait l’acquisition du canal spécialisé en télé-enseignement créé en 1980 par Vidéotron.  

C’est le début d’un réseau connu sous le nom de C.A.N.A.L. (Corporation pour l'avancement de nouvelles applications des langages). Le choix du nom est simple : montrer l’intention d’user de la télévision comme catalyseur. Sur les lettres patentes datées du 9 juillet 1984, Pierre Patry est nommé comme directeur de service ainsi que président. Il le sera jusqu’en 1994. En 1985, cet organisme est reconnu par le CRTC. En 1987-1988, le réseau décroche sa licence de diffusion en téléenseignement permettant ainsi aux étudiants d’obtenir des crédits pour les cours suivis en ligne. 

Notre sujet voit grand, a foi en ses capacités et dégage une grande confiance. Il est un homme de projets et de changements qui croit, de longue date, dans le partenariat. Encore en 1994, il le confirmera lors d’une allocution : « Aucune institution à elle seule ne peut prétendre maintenant, non seulement posséder tous les programmes du savoir, mais ne peut à elle seule posséder toutes les technologies. C’est en créant des partenariats techniques, des partenariats de services et des partenariats de contenus qu’on pourra y arriver. »
Pierre Patry, extrait d’un discours donné lors d’une conférence à l’Université de Genève, 1994.
© Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges, Fonds Pierre Patry, P121/F,9.

Le partenariat est un fil conducteur pour Pierre Patry. Ce système de relations humaines et d’affaire est présent tout au long de sa vie active. Donc établir des liens. C’est ce que ce visionnaire des communications s’efforce de faire partout et avec tous. Il voyagera dans tous les coins du monde pour porter son message et tenter de rendre accessibles ses projets d’apprentissage : Côte d’Ivoire, Miami, Chine, Colombie, Costa Rica, Argentine, … Pour lui, « Communiquer, finalement, c’est à la fois être et agir, interroger et répondre, participer et attendre, faire corps avec, c’est essayer de s’unir dans un même état d’esprit. C’est tenter de communier. »
Pierre Patry, De la communication à la communion, p.2, 1975.
© Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges, Fonds Pierre Patry, P121/F,3,1 (3).

Ainsi, toujours sur sa lancée et parce qu’il possède une habileté certaine pour susciter la concertation et le travail d'équipe, il développe de nombreux réseaux d'éducation à distance dont notamment le Consortium international francophone de formation à distance (CIFFAD) entre 1987-1995 et dont il est le directeur-fondateur. Ce réseau rassemblait des institutions de 45 pays francophones membres de l’Agence de coopération culturel et technique, utilisant le multimédia. Mentionnons également le Consortium-réseau d'enseignement à distance des Amériques (CREAD) actif en 1994-1995 dont il le fondateur et vice-président. Il fut aussi le co-fondateur des réseaux suivants : le REFAD, réseau multimédia comprenant l’ensemble des institutions francophones pratiquant le duo-mode et le COL, Commonwealth of Learning, comprenant des institutions de 50 pays du Commonwealth et utilisant le multimédia pour favoriser l’apprentissage. 

Le développement de ces nombreux organismes a mené Pierre Patry à fonder et présider un comité mondial de concertation nommé Concertation mondiale des réseaux d'éducation à distance (COMRED) en 1991. Ce comité était en fait un mécanisme de solution de problèmes sous forme d’une table de concertation mondiale réunissant une trentaine de décideurs de haut niveau. Jusqu’en 1994, notre sujet donnera des conférences et gèrera les activités de cet organisme. 

Bien que pleinement investi dans tous ses projets d’éducation à distance au cours des années 1970, 1980 et 1990, Pierre Patry verra ces organismes et comités disparaître les uns après les autres. L’arrivée sur le marché de nouveaux outils de communication, la prolifération des réseaux de télévision par câble et satellites, la multiplication des possibilités d’accès à l’information et à l’apprentissage à distance, la difficulté de financement, entre autres, auront raison de ses projets. 

De 1995 à 2000, bien qu'il se soit officiellement retraité de l’Université du Québec et qu’il se retire peu à peu du monde actif, il préside toujours des associations et des tables de concertation. Par exemple, en 1995-1996, Pierre Patry devient l’un des membres fondateurs et président d’honneur de l’Association africaine francophone d’éducation à distance (ASAFFAD). Auteur de plusieurs publications, il prononce maints discours en plus de donner des conférences à travers le monde dont les principaux thèmes portent essentiellement sur la réappropriation et la réhumanisation de la technologie, le réseautage, la formation à distance et les perspectives internationales. Communicateur reconnu, il devient, en 1994, consultant pour les Nations Unies et conseiller pour des projets précis dont un en Lybie en 1998. 
         
Lui qui souhaitait tout remettre en question ou presque, mais surtout qui a participé à la mise en place de nombreux projets culturels, qui a, en compagnie de partenaires, permis à toute une population de communiquer et de s’instruire, et ce même à distance mentionne qu’en l’an 2000, son nouveau travail sera de prendre soin de sa grande famille. La série Artisans de notre histoire du Canal Historia lui rendra un hommage télévisuel alors qu’il est l’invité à une émission en début d’année 2000 parce qu’il est considéré comme un témoin de l’évolution de la société. Il pourra raconter, dans le cadre de cette épisode, l’histoire de son point de vue. Il sera en fait plus qu’un témoin ayant pris part activement aux activités et projets modulant la société. Pierre Patry, qui a soulevé les passions et qui ne laissait pas indifférent, décède en juin 2014, à l'âge de 81 ans, laissant dans le deuil sa nombreuse famille et plusieurs amis. 

Si vous souhaitez en apprendre davantage sur Pierre Patry ou encore approfondir les sujets décrits dans ces chroniques, communiquez avec le Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges pour consulter les archives. Du fonds Pierre Patry/P121.

Auteure : Julie Bellefeuille, archiviste, Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges

 

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