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La neige : blancheur du paysage hivernal québécois

durée 08h00
21 janvier 2024
duréeTemps de lecture 5 minutes
Par
Centre d'Archives de Vaudreuil-Soulanges

Mme Micheline Merizzi Brault a composé un texte savoureux rempli de souvenirs sur le sujet d’aujourd’hui. À travers celui-ci, d’autres compléments d’information ont été ajoutés. Comme l’écrivait si bien Émile Nelligan… « Ah ! Comme la neige a neigé ! »

Au Québec, depuis toujours, les quatre saisons colorent nos vies. L’hiver nous amène le blanc
qui scintillera sous le soleil. Un blanc que nous espérons vivement la première fois pour cacher le terne de novembre.

Dans nos cités d’antan, la neige restait au sol. Les carrioles se promenaient gaiement. Dans les campagnes, chaque agriculteur devait dégager son bout de terre pour permettre de circuler dans tout le rang. On ne connaissait pas la grosse machinerie des temps modernes. Les gens étaient fascinés au passage d’une des 24 charrues achetées par la ville de Montréal en 1905.

En 1925, Arthur Sicard, un contemporain de J. Armand Bombardier, invente la souffleuse. Même si on est encore loin des mastodontes d’aujourd’hui, cette invention va résoudre bien des problèmes de neige.

Dès 1932, la plupart des grandes routes seront déneigées. Arrive l’hiver 1970-71, le Québec connait alors des chutes de neige hallucinantes. Montréal qui reçoit en moyenne 218 cm de neige à cette époque, en a vu tomber 383 cm cet hiver-là. Les bancs de neige étaient terriblement hauts. On ne savait plus où mettre ces bordées blanches.

Les 3 et 4 mars 1971, ce fut la « tempête du siècle ». Des vents de 75 km/h soufflaient sans arrêt avec des pointes à 110km/h. La neige et les vents ont formé des congères atteignant par endroits le second étage des maisons et les routes sont devenues impraticables.

Seules les motoneiges et quelques personnes s'aventurant en ski de fond ou en raquettes pouvaient circuler. Les écoles ont fermé, les déplacements routiers, ferroviaires et aéronautiques ont été interrompus, les activités économiques grandement dérangées et la vie sociale s'est résumée à rester à la maison.

Montréal a reçu 54 cm de neige durant cette mémorable tempête.

Rappelons qu’il y a eu d’autres moments enneigés au Québec dont les journées suivantes. En
effet, les 3 et 4 avril 1975, l’hiver refusait de laisser sa place et rappelait que ce n’était pas fini en recouvrant de 43 cm de neige la ville de Québec.

La région de la Montérégie-Ouest a aussi connu différents épisodes de neige importante. La journée du 14 décembre 1937 a été mémorable pour les gens de la région de Rigaud alors qu’une tempête immobilisa complètement les activités. Il tomba tellement de neige en si peu de temps que les routes devinrent absolument impraticables entre Rigaud et Pointe-Fortune.

Les chevaux disponibles de Rigaud ont été réquisitionnés pour aller aider les automobilistes empêtrés dans la neige. Plusieurs d’entre eux, partis de Montréal le 14 décembre au matin, ont été totalement arrêtés par la neige rendus à Rigaud vers la fin de l’après-midi. Aussi, un camion massif de la firme Baillargeon s’étant solidement enfoncé dans un banc de neige était toujours en fâcheuse position en soirée.

La seule manière de pouvoir se rendre en Ontario à ce moment était d’atteler une paire de chevaux à l’automobile et de la tirer jusqu’à Pointe-Fortune. Cette parade de véhicules tirés par des chevaux fournissait un spectacle plaisant pour les résidents qui les regardaient passer devant leur demeure. La route entre Vaudreuil et Rigaud était elle aussi dans un état lamentable.

Fait à noter, Rigaud était parfois complètement isolé l’hiver au début du 20e siècle. Seul le chemin de fer assurait avec fiabilité les communications. Le chemin menant à l’Ontario était souvent dans un piteux état l’hiver ce qui causait beaucoup de maux de tête aux automobilistes de la région.

En 1937, Rigaud tentait toujours d’obtenir de la part du gouvernement provincial, des charrues pour déblayer le chemin d’une longueur de 38 kilomètres entre le village et l’Ontario. Les tentatives pour obtenir l’équipement nécessaire au dégagement des voies routières demeuraient infructueuses.

Février 1954. Une tempête laisse tomber entre 41 et 57 cm de neige selon les données des différentes stations météorologiques situées sur le territoire du Suroît. En mars 1955, il serait tombé environ 46 cm et en décembre 1969, on pelletait entre 41 et 74 cm de neige tombée sur une période de trois à quatre jours. La mesure la plus élevée étant mesurée à la station des Cèdres.

Mais, comme déjà mentionnée, la tempête qui a marqué les souvenirs est celle de mars 1971, et ce, même dans notre région de Montérégie-Ouest. Lors de cet épisode neigeux, les chutes de neige ont été importantes et les bourrasques de vent violentes.

Le journal Progrès de Valleyfield nous informe, quelques jours plus tard dans son bilan, que la tempête aurait laissé sur la région plus de 20 pouces (plus de 50 cm) de neige. Toute cette neige s’ajoutait à celle de trois tempêtes remarquables qui avaient déjà eu lieu en moins de cinq jours durant février.

Cumuls des chutes de neige du 3 au 5 mars 1971
Station Cumul (cm)
Coteau-du-Lac 47
Les Cèdres 45.7
Ormstown 54.6
Rigaud 45.7
Saint-Anicet 53.8
Saint-Clet 51.3
Saint-Lazare 53.3
Valleyfield 53.3


Durant cette tempête, toutes les activités sont arrêtées. On signale même la fermeture de plusieurs usines et commerces. Les déplacements sont hasardeux et dangereux même pour les forces de l’ordre. Plusieurs mentions dans les journaux soulignent le travail des motoneigistes qui ont appuyé les équipes d’urgence dans leur travail.

On note à cet effet l’épopée d’une future mère de Saint-Clet qui devait accoucher à Pointe-Claire. Cette dernière accompagnée de deux motoneigistes de l’endroit tenta de rejoindre l’hôpital. Devant l’incapacité de se rendre, elle finira par accoucher dans une résidence de Saint-Lazare. À Saint-Timothée, on rapportera même une poursuite policière à.... motononeige pour rattraper deux voleurs de voiture.

Devant les coûts liés au déneigement des rues, plusieurs villes et villages de la région ont proposé une taxe supplémentaire ponctuelle pour aider à les défrayer. À la lecture des articles et des lettres ouvertes, cette démarche ne faisait réellement pas l’unanimité. Mais devant une chute de neige exceptionnelle, il fallait une mesure exceptionnelle...

À ce moment, l’entraide et la collaboration sont au rendez-vous. Monsieur Armand Levac, des Cèdres, s’est vu désigner par un comité spécial le titre Empereur ‘71 pour son dévouement à ses concitoyens. Il se serait assuré de la sécurité et de l’approvisionnement en nourriture des gens de son quartier.

Les prises de conscience et les réflexions ont alors cours dans différentes municipalités de la région. Cet épisode incitera les dirigeants de la région à se doter d’équipements et de personnel pour assurer le déneigement de leur territoire.

Ah! Que la neige a neigé.

Aujourd’hui, les changements climatiques éloignent ou retardent la neige et apportent leur lot de pluie, de grésil et de désagrément. Les neiges éternelles reculent. Les pôles fondent. Les citadins veulent des routes d’hiver déneigées pour circuler comme en été. Le déneigement coûte des millions de dollars aux municipalités. Peut-être qu’un jour, au Québec, nos hivers d’antan seront disparus…

Comment seront les hivers de demain? La question est posée!

Auteurs: Micheline Merizzi Brault, bénévole et membre du conseil d’administration et l’équipe du Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges

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