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La bénédiction paternelle du Jour de l’An

durée 08h00
31 décembre 2023
duréeTemps de lecture 3 minutes
Par
Centre d'Archives de Vaudreuil-Soulanges

Il fut une époque, où tôt le matin du jour de l’an, avec une certaine fébrilité, les enfants s’agenouillaient en cercle devant leur père. L’ainé(e) de la famille s’approchant pour demander, au nom de tous ses frères et sœurs, sa bénédiction. Le père levait alors les mains au-dessus de sa famille pour, d’un signe de croix, les bénir.

Même une fois devenus parents eux-mêmes, les enfants s’assuraient de revenir à la maison familiale pour recevoir cette bénédiction.

Dans un premier temps, il est intéressant de rappeler que le terme « bénédiction » tire son origine de deux mots latins « bene » qui veut dire « bien » et « dicere » pour « dire » qui mis ensemble, ont donné « bénédictio » pour exprimer l’action de dire ou de souhaiter du bien ou du bonheur. C’est exactement cela que le père transmet aux membres de sa famille lors de sa bénédiction du Nouvel An.

Il est important de souligner qu’il s’agissait de la première bénédiction de l’année avant même celle du pasteur et qu’elle devait assurer le lien, la protection et le bonheur de la famille.

Habituellement solennelle et souvent un peu maladroite, courte ou longue, elle était toujours effectuée avec bienveillance. Bien que certaines personnes aient transcrit certaines paroles et méthodes, la lecture de plusieurs souvenirs de différentes provenances nous laisse à penser qu’il ne semblait pas y avoir de formulation formelle et que les paroles, laissées au soin de l’inspiration des pères, aient évoluées à travers le temps et la personnalité de chacun.

Il est difficile de déterminer avec exactitude l’origine de cette tradition. Certains auteurs y voient son origine dans les textes sacrés. Elle serait présente au Québec depuis les débuts de la Nouvelle-France.

Dès la fin du XIXe siècle, il est possible de retrouver dans les journaux de la période des fêtes des textes qui rappellent son importance et les souvenirs nostalgiques qu’elle éveille dans la population. Ces articles l’ancrent dans un passé noble et lointain dans les familles canadiennes-françaises. Déjà, ils soulignent toujours, en introduction, la crainte de voir cette tradition disparaître ou bien le fait qu’elle s’éteint déjà tranquillement.

À cause de son importance dans l’histoire québécoise, la bénédiction paternelle a été représentée sous différentes formes dans les arts, comme la gravure, la peinture et la sculpture.

Nous pouvons penser ici au tableau de l’illustrateur Édmond-Joseph Massicotte qui est très souvent utilisé pour illustrer les textes traitant de la question. Dans un autre domaine, il existe une chanson dont les paroles sont l’œuvre du révérend père Édouard Laflèche qu’il est possible de retrouver dans le recueil de partitions La bonne chanson de 1939.

La tradition a aussi été une source d’inspiration pour les contes et légendes. Nous pouvons simplement souligner ici le livre Aux douze coups de Minuit publié en 1932 chez Beauchemin dans lequel la bénédiction y est décrite et encouragée.

Cette bénédiction qui semble être en compétition avec l’autorité de l’Église est pourtant encouragée par le clergé qui souhaite s’assurer de la conservation des traditions canadiennes-françaises.

Ici même, dans le diocèse, à l’occasion du Nouvel An, Mgr Émard, premier évêque de Valleyfield, souligne dans une lettre du 22 décembre 1894 adressée à ses collaborateurs, les prêtres et curés du diocèse, l’importance de garder cette tradition précieusement. Il souligne le lien de filiation de la bénédiction transmis des aïeux.

Il souligne même l’importance de ce geste pour l’espérance d’assurer le règne de Dieu dans les foyers et la religion dans le cœur des membres de la famille. Ce geste simple permet d’assurer les valeurs traditionnelles et l’importance du lien familial. En plus, il ne faut pas se le cacher, de souligner une certaine autorité paternelle.

En l’absence de la figure paternelle, certaines familles se tournaient vers la mère pour recevoir la bénédiction. Ainsi, la tradition se perpétuait et la famille était bénie pour l’année.

En terminant, cette tradition s’est transformée passant de la bénédiction officielle aux vœux chaleureux de la part des parents à leurs enfants et famille, leur souhaitant ainsi le bien-être, le bonheur, la paix et la santé pour l’année débutante.

Nous en profitons pour vous souhaiter une belle et heureuse année 2024.

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