Malgré sa grande popularité, l’équipe de hockey féminin de type « prep school », lancée en septembre dernier par le Collège Bourget, n’arrive pas à obtenir de Hockey Québec la sanction lui permettant d’affronter les équipes membres de la fédération provinciale et même nationale. Une situation que dénoncent vivement les instigatrices du projet, Hanna Bunton et Mélodie Daoust.

Pourquoi une telle fermeture de la part de Hockey Québec? Eh bien, personne ne peut le dire avec certitude. Pourtant, un programme exactement comme celui du Collège Bourget a obtenu l’absolution de l’organisation, il y a une dizaine d’années déjà, au Collège de Stanstead en Estrie.

« Comme pour le programme de Stanstead, on veut offrir aux joueuses un environnement sain où elles peuvent se développer dans leur sport, tout en leur offrant une qualité de vie équilibrée entre le hockey et l’école », lance d’entrée de jeu Hanna Bunton, rencontrée à l’aréna du Collège.

Contrairement au programme Sport-études, le programme « prep-school », propose d’intégrer le sport à l’intérieur, même de l’horaire des étudiantes. Par exemple, entre un cours de français et un cours de sciences, les filles jouent au hockey.  « On croit que c’est une bonne idée de leur permettre de s’entraîner durant les heures de classe en intégrant le hockey à leur horaire. Ça leur donne du temps le soir pour étudier au lieu de devoir se déplacer, souvent loin de chez elles, pour participer à des entraînements », poursuit Mme Bunton.

Pourtant, Hockey Québec semble voir dans le projet d’Hanna Bunton et de Mélodie Daoust une menace pour la survie des équipes membres de la Ligue de hockey d’excellence du Québec (LHEQ). Néomédia a tenté à plusieurs reprises d’en savoir plus sur la vision de Hockey Québec. Malheureusement, nos demandes n’ont pas trouvé écho.

Or, dans une entrevue accordée à Radio-Canada, le directeur principal des opérations hockey chez Hockey Québec, Marcel Patenaude, laissait entendre que la Ligue de hockey d'excellence du Québec avait perdu une quinzaine de joueuses parce qu’elles avaient décidé de joindre les rangs du Collège Bourget. Qui plus est, selon M. Patenaude, des équipes avaient presque fermé. En d’autres mots, il « accuse » les entraîneuses d’avoir été recrutées directement dans les équipes civiles pour former son équipe.

« Ce que les gens d’Hockey Québec ne semblent pas vouloir comprendre, c’est que nous ne sommes pas allées chercher les joueuses. Ce sont elles qui sont venues à nous. Nous avons annoncé notre programme sur les réseaux sociaux et rapidement, nous avons eu 25 familles qui se sont manifestées. Nous aurions pu, facilement, faire une deuxième équipe », ajoute Mélodie Daoust. Force est de constater que le programme répond à un besoin des familles des hockeyeuses.

L’un n’empêche pas l’autre

Pour Hanna Bunton et Mélodie Daoust, il est clair que leur programme n’enlève rien aux organisations civiles. Comme l’explique la deuxième, ce n’est pas tout le monde qui a les moyens d’envoyer son enfant au Collège Bourget. « Non seulement ça, mais, il y a des jeunes pour qui jouer au civil leur convient parfaitement. Tout ce que l’on veut c’est offrir une alternative. On veut permettre aux filles de choisir comme c’est le cas pour les garçons ».

Car oui, même s’il y a une douzaine d’années, le hockey scolaire masculin s’est buté aux mêmes difficultés que le volet féminin, aujourd’hui, toutes les équipes masculines sont sanctionnées et tout va bien.

Vivre sa passion, mais pas au détriment de sa santé

Pour la capitaine de l’équipe féminine de hockey du Collège Bourget, Camille Lavergne, joindre le club était une évidence même.

En secondaire 5, Camille joue au hockey depuis plus de 10 ans, notamment au sein des Warriors du Lac-Saint-Louis. Habitant la région de Vaudreuil-Soulanges, Camille devait régulièrement, se rendre, le soir, à Dorval pour ses entraînements, en plus de jouer les fins de semaine. Entre l’école, les pratiques et les matchs, il devenait difficile pour l’étudiante de trouver un certain équilibre.

« Personnellement, je suis venue ici à cause de la structure. Avant j’arrivais à la maison vraiment tard le soir, je devais faire mes devoirs et il arrivait que je me couche aux petites heures du matin. C’était vraiment difficile, surtout sur ma santé mentale. Maintenant, j’ai un équilibre entre l’école et le hockey. Tout est bien balancé », explique la joueuse de 16 ans.

« C’est exactement ce que l’on veut offrir aux filles; un équilibre. Une chance de se développer dans leur sport, tout en ayant une vie scolaire, sociale et familiale », renchérit Mélodie Daoust.

Hockey Québec mis devant le fait accompli ?

Au micro de Jean-Charles Lajoie, le directeur général d’Hockey Québec, Jocelyn Thibault a tenu à préciser certains faits. « Nous avons été mis devant le fait accompli en avril dernier. Rapidement, nous avons fait des rencontres avec eux (l’équipe du Collège) pour comprendre de quoi il en était. On nous a mentionné qu’une équipe avait été mise sur pied, qu’elle voulait jouer des matchs et que son objectif est de jouer, surtout en Ontario et aux États-Unis ».

De leur côté, Hanna Bunton et Mélodie Daoust démentent les propos du directeur général.

« Nous avons présenté notre projet une première fois en 2018 et une deuxième fois en 2021. Nous avons eu plusieurs rencontres en Zoom. Nous avions même présenté notre échéancier. Il est totalement faux de dire qu’ils ont été mis devant le fait accompli », s’indigne Hanna Bunton.

Selon Jocelyn Thibault, des solutions auraient été proposées, mais personne n’aurait donné suite.  « Le dossier n’est pas fermé. On veut travailler avec le Collège Bourget et avec les écoles qui veulent développer le hockey féminin. Mais, il faut le faire de façon équilibrée, réfléchie », confiait-il à Jean-Charles Lajoie.

Intimidation de la part de Hockey Québec

Les deux entraîneuses dénoncent également la forme d’intimidation dont ont été victimes trois de leurs joueuses cet été.

En juillet, Camille Lavergne, et huit de ses coéquipières ont participé au camp de Team Québec. Juste avant de monter sur la glace pour la finale, trois joueuses, dont Camille, ont été abordées par des représentants de Hockey Québec. Mis au fait que les filles étaient inscrites au programme du Collège Bourget, ils auraient tenté de les dissuader.

« En fait, ils ont dit aux filles que si elles venaient au Collège, elles ne pourraient plus représenter Hockey Québec. Comme notre équipe n’est pas sanctionnée, les filles ne le seraient plus. C’est littéralement de l’intimidation. Aucun jeune dans aucun sport ne devrait vivre ça. C’est inacceptable et on ne peut pas fermer les yeux là-dessus », s’indigne Mélodie Daoust.

Dans les dernières semaines, Hockey Québec aurait aussi tenté de dissuader les équipes féminines de l’Ontario et de l’Île-du-Prince-Édouard de jouer contre le Collège.

« C’est d’une tristesse sans mot. On veut simplement développer le hockey féminin. Ça me rend malade que nos filles doivent se limiter à une seule option. Pouvons-nous juste les laisser décider? Pouvons-nous juste laisser nos filles jouer au hockey? », conclut Mélodie Daoust.