« La Loi 2 a été bâtie avec une méconnaissance de notre réalité »
Les patients les plus vulnérables dans l’angle mort de la Loi 2
La Loi 2, adoptée sous bâillon par le gouvernement Legault le samedi 25 octobre 2025, a été vivement critiquée par les médecins québécois qui craignent de devoir mettre un terme à leurs services de soins à domicile.
Plusieurs professionnels de la santé du CISSSMO ont exprimé, ce mercredi, que, dans sa forme actuelle, la réorganisation du système de la santé portée par la CAQ nuira non seulement au travail des médecins, mais aussi et surtout aux patients les plus vulnérables.
En leur imposant de prendre en charge un nombre accru de patients, les médecins de la région soulignent que la Loi 2 menace directement les services à domicile.
À ce chapitre, Dre Ariane Charliers-Lazure, chef de service des soins intensifs à domicile (SIAD) au CISSSMO, estime que la CAQ contribue à détruire ce qui est en construction depuis des années. « On travaille pour l’avenir du système de santé, on aide à désengorger les urgences, mais là on nous demande d’atteindre des cibles qui ne sont pas réalistes », explique-t-elle.
Sa collègue Alexandra Massicotte, médecin en chef du GMFU de Vaudreuil, confirme qu’elle peut recevoir entre 30 et 60 appels par jour pour des soins à domicile. « Ça, c’est de 30 à 60 personnes qui se retrouvent aux urgences si on ne les prend pas en charge et, avec ce qui est demandé par la Loi, notre service de soins intensifs à domicile (SIAD) va devoir fermer à partir de janvier parce que je ne pourrai plus le faire rouler », annonce Dre Massicotte. Il s’agit là d’un recul majeur pour une région toujours dépourvue de centre hospitalier.
Les soins à domicile sont également menacés par de nombreux départs. Le Dr Philippe Smith, vice-président de l'Association des médecins omnipraticiens du Sud-Ouest (AMOSO), prévient qu'avec les pertes d’effectifs, la surcharge de travail et l’impossibilité de maintenir des gardes 24/7, « des parties entières du service pourraient tomber ».
Les soins palliatifs et l’aide médicale à mourir, assurés par un nombre restreint de spécialistes, souvent les mêmes, sont eux aussi en péril. Les procédures, lourdes et exigeantes, deviennent presque impossibles à concilier avec les nouvelles cibles qui seront imposées. « Dans ce contexte-là, les cibles de performances, ça me fait rire pour ne pas dire que ça me fait pleurer », se désole la Dre Maria Marquicio qui donne du temps à la maison de soins palliatifs Libella à Hudson.
« Absolument impossible d’ouvrir un hôpital »
L’absence de relève ajoute à l’ampleur de la problématique. Si la tendance se poursuit, il manquera certainement de médecins, d'infirmières et d'autres professionnels pour faire fonctionner le nouvel hôpital de Vaudreuil-Soulanges à pleine capacité.
« Le GMFU a été construit stratégiquement à côté de l'endroit où il va y avoir le nouvel hôpital, on est là pour attirer du recrutement. Le but, c'était de combler les besoins, mais on est passé de 100 % d'intérêt à rester dans la région à 0 %. Il n'y aura pas de recrutement et il n’y aura pas de médecins qui vont aller travailler dans cet hôpital-là, on fournira clairement pas », indique Dre Alexandra Massicotte.
Dans Vaudreuil-Soulanges, 86 000 patients sont pris en charge par des médecins alors que 43 000 personnes sont considérées comme orphelines et 35 000 patients sont suivis par des professionnels d’autres régions. « Avec les cibles gouvernementales, on va se ramasser avec quasiment 80 000 patients de plus à prendre en charge avec une centaine de médecins seulement. Ça veut dire que chacun des médecins dans la région de Vaudreuil va devoir prendre 800 patients supplémentaires si on veut inscrire toute la population », explique le Dr. Sylvain Dufresne, président de l'AMOSO.
« Comment peut-on prendre toutes ces personnes en charge et faire de l’hospitalisation en plus ? C’est absolument impossible avec l'équipe qu’on a présentement d’ouvrir un hôpital », déclare-t-il.
Les médecins avec qui Neomedia s’est entretenu mercredi critiquent la réforme qui tend à centraliser la gouvernance. Toujours selon eux, la loi 2 crée un fossé entre les réalités régionales et les attentes ministérielles. « La Loi 2 a été bâtie avec une méconnaissance de notre réalité […]. Il y a plein de zones d’ombre et d’angles morts », exprime le Dr. Dufresne.

