Fabio Puglisi est accusé de deux meurtres et d'une tentative de meurtre
La Cour Supérieure déclare un meurtrier comme délinquant à haut risque
C'est ce lundi 7 juillet que le dossier de Fabio Puglisi, ce quadragénaire accusé de meurtres au second degré, de tentative de meurtre avec voies de faits armées et de voies de faits graves commis à Vaudreuil-Dorion en février 2024, revenait devant la Cour Supérieure au Palais de justice de Salaberry-de-Valleyfield.
Vers 10h30, l'accusé est apparu menottes aux poignets et calme dans le box des accusés devant l'Honorable Alexandre Bien-Aimé Bastien. Rappelons que le 12 mai dernier, l'accusé a obtenu, de la bouche du même juge, un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux pour ces dossiers.
Les procureurs au dossier sont Me Lili Prévost-Gravel et Me Patrick Cardinal pour le ministère public et Me Alexandre Dubé en défense.
Un risque élevé de récidive violente
Cette nouvelle audience visait à entendre la psychiatre légiste Dre France Proulx de l'Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel à la suite du dépôt de son rapport visant à faire déclarer l'accusé délinquant à haut risque. L'intervenante a été déclarée comme experte en psychiatrie légale par la Cour, puisqu'elle a aussi rédigé l'évaluation sur la non-responsabilité criminelle de l'accusé dans le même dossier.
Pour les non-initiés au système de justice québécois, le Registre des délinquants à haut risque a pour principal objectif d’identifier les délinquants représentant un risque élevé de récidive violente.
Cet outil permet de faciliter les demandes de déclaration de « délinquant dangereux » et de « délinquant à contrôler », en plus de favoriser l'échange d’information entre les provinces et territoires canadiens. Il permet d'avoir une meilleure connaissance du profil criminel d’un délinquant à l’échelle nationale.
La durée de cette ordonnance peut varier en fonction de la nature de l'infraction et de la décision du tribunal.
Dans son rapport visant à faire déclarer M.Puglisi comme délinquant à haut risque, la Dre Proulx précise qu'il souffre d'un trouble schizo-affectif de type bipolaire, qui dans son cas, se traduit par la présence d'idées délirantes très ancrées, d'hallucinations et d'éléments modifiant l'humeur tels que la dépression, l'irritabilité ou une manie qui s'accompagne d'idées grandioses.
« Par exemple, Monsieur Puglisi a la conviction profonde qu'il est le propriétaire d'une collection d'oeuvres d'arts et d'autres objets d'une grande valeur ou encore qu'il a été la cible des persécutions d'un cartel de drogue infiltré dans la résidence où il demeurait au moment des faits. Lorsqu'il consomme de l'alcool, sa propension à la violence est exacerbée et M. Puglisi est incapable de tout auto-contrôle, ce qui fait qu'il est désinhiber et à tendance à poser des gestes de violences plus facilement. Depuis son arrivée à l'Institut, il n'a pas commis de gestes violents, puisqu'il n'a pas accès à de l'alcool », a témoigné la Dre Proulx dans un premier temps.
À ce jour, M. Puglisi absorbe une dose quotidienne de 275 mg de clozapine, un médicament faisant partie de la famille clinique des antipsychotiques de seconde génération. « La dose n'a pas augmenté depuis son arrivée à l'Institut. Nous avons noté une amélioration de son humeur, notamment au niveau de l'irritabilité, mais les symptômes psychotiques, comme les idées délirantes persistes. ll faudrait augmenter la dose pour espérer voir une amélioration de cet aspect, mais M. Puglisi refuse que ce soit fait. Chez certains patients qui prennent ce médicament, il faut une certaine période de temps pour observer des changements, on parle d'au moins six mois. M. Puglisi prend ce traitement depuis plus longtemps que ça et il exprime toujours des idées délirantes», a ajouté la professionnelle de la santé.
Mme Proulx précise que par le passé, certains de ses patients consommaient jusqu'à 800 ou 900 mg de clozapine. « À ce moment-ci, si M. Puglisi consentait au traitement, la meilleure stratégie serait d'augmenter sa dose quotidienne ou encore de combiner ce médicament avec un autre traitement. On serait rendu là», a admis l'experte qui a précisé au Tribunal qu'elle n'est plus le psychiatre traitant de M. Puglisi.
Selon elle, cette façon de faire pourrait avoir un impact important sur la présence d'idées délirantes chez l'accusé, et par le fait même, sur son risque de récidive. « En ce moment, M. Puglisi est incapable de tout autocritique face à ses problématiques. Selon lui, il n'a pas besoin de traitement et Dieu va s'en occuper. Sa mère est son ange-gardien et veille sur lui. Sa capacité d'auto-critique est très pauvre. De son point de vue, il n'a pas de problème de santé mentale et il ne commettra pas de gestes violents dans le futur. Entre mon évaluation du 19 juin dernier et ce lundi 7 juillet, il n'y a pas grand-chose de nouveau dans sa vie, mis à part une récente visite de son père. C'est plutôt positif pour cet aspect», a mentionné la Dre Proulx.
Dans son rapport déposé en preuve, la Dre Proulx précise les risques de récidive de l'accusé en fonction d'un outil clinique qu'elle utilise au quotidien. « À la suite de mon évaluation, il s'est classé dans la catégorie 3 sur 9, ce qui signifie qu'il présente un risque de récidive avec violences de 16% dans un horizon de cinq ans et de 33% dans un horizon de 12 ans. Il faut aussi garder en tête que les gestes posés dans les dernières années l'ont été, chaque fois, avec une escalade de violences. En 2012, il a été accusé de voie de faits envers un conducteur à la suite d'un accident de voiture. En 2020, il a été accusé de fraude, sans toutefois user de violences. En novembre 2023, il a été accusé de voie de faits sur une femme croisée au hasard sur la rue. On peut donc penser que cette escalade de violences n'augure rien de bon pour la suite s'il est libéré éventuellement et qu'il cesse son traitement médical», a-t-elle confié.
Est-ce que M. Puglisi pourrait voir son état mental se stabiliser au point d'être libéré de l'Institut Pinel s'il accepte que sa dose quotidienne de médicaments soit augmentée ? « C'est difficile à dire, car on ne connaît pas l'avenir. Par expérience, il est difficile de voir les idées délirantes disparaître complètement ou s'atténuer si elles sont ancrées depuis très longtemps. Cependant, il ne faut pas perdre espoir. On a vu de belles histoires dans le passé de patients qui se sont rétablis de manière significative.»
Des victimes traumatisées à vie
Après le témoignage de la Dre France Proulx, le procureur du ministère public Me Patrick Cardinal a déposé deux déclarations de victime. « La première provient de la troisième de M. Puglisi, soit celle qui a survécu. La seconde déclaration est celle du mari de celle-ci.»
À la Cour, via la bouche de Me Cardinal, la victime a raconté être complètement dépendante de son mari, pour l'exécution des tâches de la maisonnée. « Ça a complètement changé ma vie. J'ai mal aux jambes en permanence et je ne peux plus sortir sans lui. J'ai peur de me faire attaquer. J'aimerais aller au Pakistan pour revoir ma famille, mais je ne peux pas le faire sans lui. Je dois me déplacer en marchette à la maison et avec une canne quand je suis à l'extérieur avec mon mari. J'ai mal au cou et au nez, soit aux endroits où j'ai été agressé. Les images roulent toujours dans ma tête. Cela a eu un impact sur toute la famille. La femme de mon 3e fils a développé une peur des couteaux si forte que son mari doit les apporter avec lui quand il quitte le domicile. Elle ne peut pas rester seule le soir, car elle a peur d'être attaquée», a-t-il lu au magistrat,
Pour sa part, son mari, a aussi livré un récit touchant via l'avocat du ministère public. « Je me sens coupable de ne pas avoir pu la sauver lorsqu'elle a été attaquée et de ne pas avoir pu sauver la voisine qui a été tuée. J'ai été de longues heures sans nouvelles d'elle à la suite de l'attaque et très perturbé de la voir à l'hôpital avec le visage enflé. Je ne la reconnais pas. Lors de sa sortie, nous n'avons pas été capables d'habiter à la maison. Nous sommes restés chez un de mes fils et je faisais des aller-retour pour aller récupérer des vêtements. J'ai vu des choses qui restent en tête comme un tapis plein de sang. J'ai encore souvent des flashback des évènements quand je suis au volant et je dois m'arrêter sur le côté quand cela se produit. J'ai dû cesser mon occupation à la suite des faits pour prendre soin d'elle, et parce qu'elle a peur de rester seule. Il a fallu déménager, car on ne pouvait plus rester dans cet édifice où les faits se sont produits. Notre indemnisation de l'IVAC cesse dans six mois et je dois avouer que cela me stresse beaucoup lorsque je songe aux difficultés financières auxquelles on s'expose. »
L'accusé déclaré délinquant à haut risque
Face au témoignage de la Dre Proulx et aux récits des victimes, le juge Bien-Aimé Bastien a penché en faveur de la demande des parties au dossier et a déclaré l'accusé comme délinquant à haut risque.
« En prenant en considération la gravité des délits commis et le risque de récidive jugé important par les psychiatres qui ont évalué M. Puglisi, je dois me ranger du côté des procureurs et vous déclarer comme délinquant à haut risque. Cela signifie que ce dernier va demeurer en détention à l'Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel et qu'il ne pourra sortir qu'en de rares exceptions, notamment médicales, et ce, sous escorte si c'est le cas. Son état demeure instable et il refuse, pour le moment, tout traitement différent. Il a aussi confié à la Dre Proulx son intention de cesser le traitement médical dans un avenir rapproché», a résumé le magistrat.
Notons que la levée du statut de délinquant à haut risque ne peut être prononcée par un juge de la Cour Supérieure.
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