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Julie Bellefeuille, Archiviste/Directrice du Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges

Explosions en entreprises : B.E.M., Dragon et Standard Explosives

durée 08h00
4 juin 2023
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Par Centre d'Archives de Vaudreuil-Soulanges

Le 20 juin 2023, cela fera 10 ans qu’avait lieu un tragique événement à Coteau-du-Lac. Une explosion mortelle est survenue dans l’entreprise B.E.M. Souvenirs et feux d’artifice inc. située sur le bord de l’autoroute A-20 tout à côté du viaduc du chemin Saint-Emmanuel.

L’entreprise familiale, existante depuis 50 ans, a été constituée sous ce nom en 1983 selon le Registraire des entreprises du Québec. Présidée par Bernard Masson, elle vend des souvenirs, mais surtout des pièces pyrotechniques de catégories familiales et professionnelles. Au moment du drame, elle employait plus de 25 personnes.

Le jour de la catastrophe, tout avait débuté comme à l’habituel. Les employés s’activaient, chacun à sa tâche. Vers 8 h 40, un incendie a débuté dans un garage adjacent au bâtiment principal. Il s’est ensuite propagé à l’entrepôt et de violentes explosions ont suivi. Les employés ont pris la fuite. Tandis que l’incendie faisait rage, les pièces pyrotechniques s’enflammaient et les explosions se poursuivaient.

Un panache de fumée se dégageant du brasier était visible de très loin. Les déflagrations étaient ressenties d’aussi loin que Vaudreuil-Dorion, Salaberry-de-Valleyfield et Rigaud selon certains témoignages recueillis. Des témoins ont vu le toit de l’édifice monter haut dans les airs.

L’incendie se poursuivait, se propageant d’un bâtiment à l’autre. Tant et si bien qu’un périmètre de sécurité d’un rayon d’un kilomètre avait été établi tout autour du secteur. La population avoisinante était évacuée incluant l’école primaire L’Éclusière.

On craignait fortement de nouvelles explosions. On appréhendait également que d’autres incendies, produits par les étincelles des explosions, ne débutent aux alentours. Un gigantesque bouchon de circulation a eu cours sur l’autoroute A-20, car les voies passant près de l’entreprise ont dû être fermées pour assurer la sécurité des usagers. Les détours suggérés étaient tout aussi bloqués.

Plus de 150 pompiers ont travaillé durement à circonscrire le feu. Ce fut une tâche difficile compte tenu de la nature de l’incendie qui était l’explosion de feux d’artifice et qu’il n’y avait pas de bornes-fontaines à proximité; les pompiers devant puiser l’eau dans le canal. C’est 14 services d’incendie qui ont joint leurs efforts pour éteindre les flammes. Plusieurs heures ont été nécessaires pour contrôler le brasier.

Au final, deux bâtiments ont été rasés par les flammes : des entrepôts. Les flammes ont épargné la boutique, un 3e entrepôt et l’immeuble abritant les bureaux. Malheureusement, ce violent incendie a fait deux victimes, mesdames Françoise Lacroix et Carole Brisson.

Au cours de la fête du Canada, un hommage leur a été rendu à Coteau-du-Lac. Le maire a prononcé un discours émouvant, des bâtons lumineux ont été distribués en guise d’espoir, le 1er Régiment de grenadiers à pied de la garde impériale a tiré du fusil et deux faisceaux lumineux ont traversé le ciel en l’honneur des deux disparues. En signe de solidarité, autant lors de la Saint-Jean-Baptiste qu’à la fête du Canada, la très grande majorité des villes et municipalités des environs ont préféré ne pas faire exploser des feux d’artifice.

Toujours située à côté de l’autoroute A-20 sur le chemin Saint-Emmanuel, l’entreprise BEM existe encore, a reconstruit et poursuit ses activités dans le domaine pyrotechnique.

Cette tragédie nous permet de faire le lien avec d’autres explosions ayant eu cours dans des milieux de travail. Voyons celles qui a eu lieu à Dragon, hameau localisé à 3,7 km à l’est de Rigaud, au début du 20e siècle.

En 1907, la Teutonite explosives company reçoit le feu vert par la législature provinciale pour la construction d’une usine à Rigaud. L’usine est inaugurée la même année en décembre.

Quelques mois après son installation, elle passe aux mains de la Northern explosive company, dont le siège social se trouve àMontréal. Des améliorations avaient été apportées et la plupart des pavillons avaient été agrandis.

En 1911, c’est la Curtis and Harvey Canada company, l’une des plus anciennes usines de fabrication de poudre sur la planète, qui prend la place. Sur les lieux, on trouve pas moins de 17 pavillons séparés par au moins 150 pieds.

Près de 70 employés y travaillent à ce moment. Les explosifs fabriqués par la Curtis and Harvey sont de la poudre à fusil (peu explosive), de la poudre noire (peu explosive), de la dynamite (très explosive) et du TNT (très explosif).

Le hameau de Dragon fut ainsi nommé en l’honneur de l’emblème de la fabrique d’explosifs de la Curtis’s and Harvey, une vieille compagnie dont le siège social était localisé en Angleterre.

Trois explosions ont eu lieu à Dragon : en 1911, 1914 et 1917. Celle de 1911 a fait le plus de victimes, ces dernières étant au nombre de quatre. La deuxième est celle ayant eu le moins d’impacts et qui n’a pas fait de victime. Quant à l’explosion de 1917, c’est celle dont on a le plus parlé : beaucoup de dommages, des pertes financières, mais heureusement, peu de victimes.

C’est aussi cette dernière qui a fait réfléchir l’usine sur son avenir. À cette époque, c’est près de 5 000 personnes qui habitent au hameau, ce village privé dédié à une compagnie. Venant de partout, la population est plutôt cosmopolite. Entre 1 200 et 1 500 employés s’activent malgré la fatigue. Ils doivent produire plus vite pour produire plus.

Le 18 août 1917, aussi vers 8 h 40, les employés travaillent dans l’usine qui fonctionne à plein régime. La Première Guerre mondiale sévit et l’usine est devenue une industrie de guerre qui rencontre malgré tout, des normes de sécurité.

Un employé sort d’un bâtiment, voit le feu et sonne l’alerte disant de fuir. Une première explosion se fait entendre. Les employés, au nombre de 200 à 300 présents pour ce quart de travail, courent aux trois barrières pour sortir, mais les soldats n’ont pas reçu l’ordre de les laisser aller. Ils refusent donc d’ouvrir.

Des chevaux paniqués briseront l’une des barrières, se sauvant ainsi, suivis d’une partie des employés. À la deuxième barrière, un garde énervé échappe ses clefs, la 2e barrière s’ouvre. D’autres employés pourront escalader les clôtures électriques, car au même moment, l’électricité sera coupée. D’autres prendront la fuite en se cachant dans la rivière Raquette. Tous nagent, courent ou partent en voiture.

Les bâtiments explosent l’un après l’autre. Plusieurs déflagrations retentissent. Les secousses sont ressenties jusqu’à Saint-Placide, Vaudreuil et Valleyfield, alors que des fenêtres sont soufflées à Hudson. Le mouvement de panique gagne la population : les résidents fuient vers la montagne à leur tour en voyant les employés filer. À Rigaud, les rues sont remplies de gens effarés. La catastrophe fera la une des journaux de l’époque, et ce, jusqu’aux États-Unis.

Par après, l’enquête du Coroner nous apprendra que la cause de l’incendie et des explosions était due à une réaction chimique. Il n’y a pas eu de négligence ni aucune défectuosité de mécanisme ou de machinerie. Ce fut un accident imprévisible et incontrôlable.

Malgré tout, le bilan demeure le même : terrain en ruine, usine rasée, maisons du hameau détruites ou écrasées par les débris. Quelques-unes tiennent debout. Les fermes et les maisons des environs ont brûlé. On a déploré un décès et six blessés. Après cet événement, la compagnie a pris la décision de tout fermer. Aujourd’hui, le site semble paisible. Un lac trône au milieu du terrain où se trouvait l’industrie et quelques maisons forment un petit quartier. Rien ne laisse transparaître la tragédie qui est survenue à cet endroit.

Auteure : Julie Bellefeuille, Archiviste/Directrice du Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges

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