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Ladybird Knitting Mills : une industrie du textile à Dorion

durée 08h00
26 février 2023
duréeTemps de lecture 4 minutes
Par
Centre d'Archives de Vaudreuil-Soulanges

Pendant de nombreuses années, la ville de Dorion fut un pôle commercial stratégique. De nombreuses industries et entreprises se sont établies sur son territoire profitant de l’avantage géographique que représentait cette ville : tout près de Montréal et sur la route menant à Toronto.

C’est dans cette optique que Dorion a accueilli l’industrie, le Ladybird Knitting Mills, propriété de la Pasold Company. Cette dernière possède une histoire de plus de 300 ans lorsqu’elle vient s’établir ici. Originalement membre de la guilde des tisserands en Europe, au 18e siècle la famille Pasold est devenue pionnière des nouvelles techniques de manufacture.

La compagnie se relocalise plusieurs fois au cours de son histoire pour finalement s’ancrer à Fleissen dans les Sudètes près de la frontière allemande (aujourd’hui en République tchèque).

C’est un tisserand du nom de Johannes George Pasold qui établit son entreprise à Fleissen. La légende veut qu’il ait rêvé une bonne nuit à une coccinelle qui lui aurait parlé et montré comment tisser le plus beau vêtement qui soit. On dit que ce fameux rêve s’est déroulé au moment où Johannes avait reçu l’ordre du roi de confectionner un chandail pour le prince.

C’est ainsi que l’idée pour la marque de vêtements Ladybird aurait pris naissance. Ce rêve aura donc servi de bougie d’allumage menant aux vêtements de marque Ladybird. Ceux-ci connurent une grande popularité auprès du public à travers le monde.

Pour diversifier leur marché et préserver leur compagnie face à l’instabilité politique des années 1930 en Allemagne, les propriétaires installent une branche au Royaume-Uni à Langley.

Après le début de la Seconde Guerre mondiale, ils déplacent leurs quartiers généraux au Royaume-Uni, alors que l’usine de Fleissen en Allemagne est réquisitionnée par le Reich allemand pour la production d’uniformes militaires sous la supervision de la Waffen SS. La décision, dans les années 1930, de s’installer au Royaume-Uni s’avère donc critique. Elle sauva la compagnie de l’extinction.

C’est au Royaume-Uni que la Pasold décide d’exploiter le rêve que leur ancêtre avait eu. Ainsi, ils créèrent la marque Ladybird qui, rapidement, deviendra une marque favorite de vêtements à travers le monde.

Par après, leur marché s’est largement étendu du Royaume-Uni au Canada puis vers les États-Unis. Ils ont alors voulu reproduire le succès de leur usine de Langley au Canada. C’est un cousin de la famille, qui a été chargé de mettre en œuvre le projet d’installer une nouvelle usine en terre canadienne. Tout juste avant la Seconde Guerre mondiale, les Pasold avaient amassé assez de fonds pour lancer ce projet d’installation, mais la guerre y met un frein.

Lorsque la guerre s’achève, la compagnie redémarre son projet d’installation au Canada.

Dorion, petite ville importante située à 23 milles (37 km) à l’ouest de Montréal apparait sur le radar de la compagnie. Dès le 13 décembre 1948, la branche de la compagnie au niveau canadien est incorporée.

Le 18 avril 1950, on inscrit le nom de l’usine Ladybird Knitting Mills au registre des entreprises. Par contre, l’usine n’est toujours pas ouverte.

Après des investissements de 500 000 $, ce qui, aujourd’hui, équivaudrait à plus de 5,4 millions de dollars en équipement moderne, dont la machinerie qui vient quasiment toute de l’Angleterre, l’usine est fin prête pour son ouverture. On fait également venir les matières premières de l’Angleterre.

Au début du mois de novembre 1953, Dorion voit officiellement naître une nouvelle industrie sur son territoire. L’épopée de la Ladybird Knitting Mills commence enfin. Pasold’s desservait déjà 70 pays à ce moment. L’arrivée de cette usine est donc une nécessité pour la compagnie.

On engage initialement 200 Québécoises. La production se centralise majoritairement sur la confection de vêtements pour enfants, mais aussi pour femmes et hommes. Des sous- vêtements réputés de marque Ladybird y sont produits. La distribution de la marchandise se fait par le biais de la Loopknit Limited, mais également par la Pasold elle-même.

L’homme qui prend les rênes de cette industrie se nomme Ingo Pasold, un Tchécoslovaque de naissance. Il sera le président de l’usine de Dorion. Au service de la compagnie depuis une trentaine d’années, il s’occupait de la filiale canadienne et africaine du sud. En 1953, il est un jeune homme actif et réside à Como (maintenant territoire intégré à Hudson) avec sa famille composée de son épouse et de son fils.

Le Ladybird Knitting Mills sera une industrie florissante pendant de nombreuses années à Dorion, mais les difficultés du monde de la manufacture viendront éventuellement affaiblir cette usine et la mèneront à la fermeture. Or, l’industrie textile a depuis été largement transférée dans les pays en voie de développement.

Selon le registre officiel des entreprises, le 12 novembre 1979, l’industrie Ladybird Knitting Mills est officiellement dissoute. La filiale canadienne de la Pasold connaît le même sort le 16 décembre 1980.

Auteur : Michaël Dicaire, Archiviste et Responsable des fonds et collections au Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges