La 34e édition de la Semaine de prévention du suicide bat son plein au Québec jusqu'au samedi 10 février. L'occasion est donc toute désignée pour s'entretenir avec Lydie Elisha, directrice générale de l'organisme Le Tournant, centre de crise et de prévention du suicide pour dresser un portrait de la situation sur le territoire du Suroît. 

Dans le cadre de sa mission, l'organisme Le Tournant, qui célèbrera ses 40 ans cette année, a mis en place une série de courtes vidéos afin d’encourager les personnes en détresse dans les MRC de Vaudreuil-Soulanges, Beauharnois-Salaberry et le Haut Saint-Laurent à aller chercher de l’aide.

Ces vidéos partagent la réalité des usagers via la porte-parole Varda Étienne et des acteurs qui mettent de l'avant les problématiques les plus souvent rencontrées auprès de la clientèle. Les capsules ont été réalisées avec l'aide de A-gence de comm et des Studios BeGreen. Le script a été confié à Julien Therrien. 

Voici la première capsule réalisée par Le Tournant:

Au cours des dernières heures, l'organisme a dévoilé une seconde capsule:

Les appels de détresse en hausse? 

Est-ce que les demandes sont à la hausse en ce temps où le contexte économique et social est plus que difficile avec la hausse des taux d'intérêt et des loyers? « C'est en effet le cas depuis la pandémie. On remarque une augmentation des appels et de la détresse. En 2023-2024, le Tournant a reçu environ 5 600 appels. Pour l'année 2022, le bureau du Coroner a dénombré sur les 17 décès par suicide pour le territoire du Tournant, soit: 13 hommes et 4 femmes (4 dossiers en cours). La moyenne d'âge des femmes et des hommes est de 59 ans. Dans Vaudreuil-Soulanges, on comptait 6 décès par suicide pendant cette période contre 8 dans Beauharnois-Salaberry et 3 dans le Haut-Saint-Laurent», raconte-t-elle. 

Fait intéressant: l'organisme est aussi une bonne ressource pour les proches de personnes qui ont mis fin à leur vie et qui ont besoin d'aide pour accepter et vivre avec la décision du défunt. 

Les raisons pour lesquelles les gens se tournent vers la ligne de crise du Tournant sont nombreuses: difficulté à joindre les deux bouts financièrement, anxiété, deuil difficile, perte de logements, perte d'emplois, rupture amoureuse ou problématique de santé mentale. Il n'est pas nécessaire d'avoir des idées suicidaires pour demander de l'aide à cette ressource. 

Au Québec, on compte en moyenne trois suicides par jour, une statistique encore d'actualité selon Mme Elisha. Au Tournant, c'est en soirée et la nuit que les appels de détresse sont les plus nombreux. « Il n'y a pas de profils types de nos appelants. C'est monsieur et madame tout le monde, d'âges et de statuts variés qui nous contactent via notre ligne de crise et de prévention du suicide. Certains appelants ont des troubles concomitants comme une problématique de santé mentale ou l'usage de substances, d'autres appellent à la suite d'un élément déclencheur dans leur vie (comme une rupture amoureuse) qui engendre des pensées suicidaires», explique-t-elle. 

Plusieurs services offerts au Tournant

Au quotidien, Le Tournant offre une vaste gamme de services. Tous les énumérer prendrait plusieurs minutes, mais Mme Elisha les résume ainsi. 

- Centre de crise prévention du suicide : « On offre un soutien téléphonique à des gens aux prises avec toutes sortes de problématiques : crise suicidaire, crise psychosociale ou encore qui composent avec les conséquences d'un événement traumatique dans leur vie comme un accident, un incendie ou le suicide d'un proche. Notre clientèle est variée. Par exemple, on peut venir en aide à une maman qui a une charge mentale importante et qui a peur de faire du mal à son enfant. Dans ce cadre, nous offrons de l’hébergement de crise de courte durée. Aussi, nous avons deux lits de disponibles au besoin dans nos locaux. »

« Nous avons également d’autres types de services dit de réadaptation psychosociale en santé mentale, de moyenne ou de longue durée. Via ce volet, on peut accompagner la personne bénéficiaire pour faire en sorte qu'elle maintienne ses capacités, développe son autonomie et qu'elle se remobilise autour d'un projet.»

Dans ce cadre, Le Tournant propose à des personnes souffrant de problèmes de santé mentale graves, le projet Mi-chemin. Ce dernier leur offre un service d'hébergement d'une durée de trois à six mois et la mise en place d'un plan d'intervention afin de leur permettre de se réinsérer dans la société.

Un autre exemple d'hébergement possible au Tournant est le concept de maison supervisée qui compte 5 lits. Celui-ci s'adresse aux personnes ayant des problèmes de santé mentale graves, mais qui sont tout de même autonomes. « Elles restent avec nous un an environ avant de retourner dans leur milieu de vie. Au cours de leur séjour avec nous, elles doivent participer à des suivis hebdomadaires en groupe et individuels. »

En plus de cela, Le Tournant offre aussi les services suivants: interventions de crise dans le milieu, suivi étroit pour les personnes à risque suicidaire élevé, groupe de soutien pour les endeuillés par suicide, formations et un soutien d’intensité variable. 

Moins stigmatisé de demander de l'aide? 

De nos jours, est-il moins mal vu de demander de l'aide lorsqu'on souffre de détresse psychologique? « Personnellement, je dirais qu'on en parle de plus en plus. Cependant, il y a encore du travail à faire. Avant de pouvoir prendre soin des autres, il faut prendre soin de nous. Chacun doit connaître ses limites personnelles et savoir se retirer si on fait face à une situation qui les transgresse. Il faut aussi continuer d'en parler. Certains sont encore honteux ou gênés d'appeler à notre ligne d'Intervention accessible 24h sur 24h sept jours sur sept.»

Enfin quels sont les signes qui peuvent laisser penser qu'un proche a besoin d'aide? « La perte d'espoir est généralement un bon indicatif. Si la personne expose un plan concret, c'est aussi un bon signal que sa réflexion est entamée. Si la personne a fait une tentative de suicide dans le passé, qu'elle consomme ou qu'elle a tendance à perdre le contrôle d'elle-même, ce sont de bons signes. 

40 ans au service de la communauté

En 2024, l'organisme Le Tournant va célébrer ses 4 décennies d'existence. Comment soulignera-t-on ce moment important dans l'histoire de l'organisme? « On travaille sur l'organisation d'un événement visant à réunir et remercier les partenaires du Tournant et ceux qui ont joué important dans sa fondation et sa pérennité. Plus de détails seront dévoilés à une date ultérieure», conclut-elle. 

L'organisme qui emploie au quotidien 40 employés à temps plein et partiel dessert un territoire composé de trois MRC, soit Beauharnois-Salaberry, Haut-Saint-Laurent et Vaudreuil-Soulanges qui regroupent une population d'environ 243 000 habitants.