Il a été admis au Barreau le 6 mai 1975
Me Jacques Vinet: 50 ans au service du droit et de l’humain
En ce 50e anniversaire d'admission au Barreau du Québec, Me Jacques Vinet est associé avec Me Alexandre Dubé, avec qui il travaille depuis 2014
Le bureau du duo est situé à quelques pas du Palais de justice de Valleyfield
Le duo pose devant les nombreux Code criminel parus depuis l'admission de Me Vinet au Barreau du Québec
Ce mardi 6 mai marque une étape exceptionnelle dans la carrière de Me Jacques Vinet avocat criminaliste bien connu à Valleyfield : il célèbre ses 50 ans d’admission au Barreau du Québec. Cinquante années de plaidoiries, d’évolution du droit, de nuits blanches… et surtout, de passion inébranlable pour la justice.
Derrière son regard vif, Me Vinet est une mémoire vivante du système judiciaire québécois. Quand il commence ses études à Ottawa, entre 1970 et 1973, les lois canadiennes sont bien différentes de celles d’aujourd’hui. « Il y avait encore la peine capitale et la peine du fouet. On appelait ça "The cat of nine tails" en anglais. Une sentence qui pouvait être imposée à un homme – pas à une femme – pour certains crimes comme un attentat à la pudeur. C’est aujourd’hui considéré comme une agression sexuelle mineure, mais à l’époque, c’était passible de cinq ans et du fouet. »
La peine de mort ne sera abolie officiellement qu’en 1976. Depuis, le Code criminel a été revu à plusieurs reprises. Me Vinet estime qu’il a vu au moins quatre refontes du Code au cours de sa carrière.
La technologie change la donne
Au fil des ans, il a été témoin de l’arrivée progressive de la technologie dans les salles de Cour. À Valleyfield, il a plaidé les premières causes d’écoutes électroniques, une nouveauté à l’époque. Aujourd’hui, c’est plutôt le téléphone cellulaire qui est devenu l’arme principale… et la preuve à charge.
« Un cellulaire, ça peut tout contenir. Des menaces à l’ex-conjointe, des vidéos, des messages de harcèlement… et même des preuves de trafic de stupéfiants. Les gens s’incriminent eux-mêmes sans le savoir. » Il évoque le cas de clients qui ont envoyé des dizaines, voire une centaine de messages au cours d’une même nuit. « Ils pensent avoir tout effacé, mais les policiers savent comment aller chercher l’information avec un mandat. Et une fois que c’est dans le dossier de preuve… souvent, tu n’as plus le choix que de plaider coupable. »
Les changements touchent aussi les sentences : emprisonnements avec sursis, travaux communautaires, peines minimales… « Au lieu de purger ta peine en prison, tu fais ton temps à la maison. Si c’est un an, c’est six mois avec un couvre-feu et six mois sans couvre-feu, mais à la maison avec des conditions strictes. »
Des causes plus humaines, mais plus lourdes
Si les lois changent, les comportements aussi. Me Vinet le constate : la nature des crimes a évolué. Il note une nette augmentation des cas de violence conjugale et sexuelle. « Beaucoup plus qu’à mes débuts. C’est au point où il y a maintenant une cour spécialisée chaque mercredi à Valleyfield où l'on traite les dossiers de cette nature. »
Il soupçonne que la pandémie et la drogue ont eu une influence sur la multiplication de ce type de dossiers à la Cour. « Dans ma carrière, j'ai rarement vu de commission d’infraction de sang-froid comme tel, c'est toujours intoxiqué soit par l'alcool ou par la drogue. C'est inévitable. Aussi les sortes de drogues qui se vendent, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux sur le marché. Quand on parle de toutes ces méthamphétamines-là, les gens achètent ça parce que la cocaïne c'est trop cher, mais pour aller chercher un effet semblable. Il y a du crack aussi, ce n'est plus juste du cannabis.»
Une carrière de disponibilité totale
Être avocat criminaliste, c’est bien plus qu’un métier de bureau. « C’est 24 heures sur 24. Tu peux te faire réveiller à 2h du matin pour un dossier de facultés affaiblies, ou une intervention en violence conjugale. Il faut être prêt. Et surtout, il faut être travaillant. C’est la principale qualité dans ce domaine. »
Pendant longtemps, les nuits hachurées faisaient partie de son quotidien. Aujourd’hui, il travaille un peu moins, mais reste toujours prêt à répondre à l’appel. « Il faut aussi une bonne mémoire. Quand tu reçois un appel à 3h du matin, tu n’as pas le temps de prendre des notes. Tu dois te souvenir de tout, du client, du numéro et de la situation. »
Il se rappelle l’époque des téléavertisseurs, où les messages arrivaient du central : "Arrestation de Joe Blo à Dorion. Tel numéro." Aujourd’hui, tout passe par son cellulaire. Plus simple, mais toujours aussi exigeant.
L'humanisme et une conscience morale assez large sont aussi de bons outils pour réussir dans ce milieu selon le juriste d'expérience. « Il faut que tu puisses faire la part des choses devant un client récidiviste qui a tué quelqu'un lors d'un accident par exemple. Tu dois aussi être endurant pour voir les photos et les vidéos déposées en preuve, qui, la majorité du temps, sont difficiles à regarder. J'ai vu des avocats changer de domaine, car c'était trop difficile. Il y a des avocats en défense qui ont traversé du côté de la Couronne. J'ai vu des gens pleurer en regardant un dossier. Ce n'est jamais évident, mais à la Cour, tu n'as pas le choix de contrôler tes émotions et de la poser ta question. »
Une passion pour la liberté… et pour le voyage
Malgré cette carrière absorbante, Me Vinet a toujours su prendre soin de lui. Amateur de ski, de golf, de pêche et de vin, il a voyagé à travers le monde – souvent en croisières, mais aussi pour visiter les vignobles d’Europe ou pour dévaler les pentes enneigées du Canada, de l'Europe ou du Québec.
« Je skie toutes les semaines, même à 74 ans. J’ai encore fait un voyage de ski cette année. Je pars à la pêche à ma fête, chaque année. Je suis un amateur de golf aussi. C’est ça qui m’a permis de continuer aussi longtemps dans le domaine », indique-t-il.
Il tient à s’éloigner pendant ses vacances. « Si tu restes dans la région, les gens te trouvent. Alors moi, je pars. Je déconnecte vraiment. » Même les Régates, autrefois un lieu de rencontres festives, il les évite aujourd’hui.
L’équilibre entre carrière et famille
Dans ce parcours de demi-siècle, Me Vinet a aussi été père et grand-père. Deux filles, cinq petites-filles, une conjointe fidèle – Johanne – qui est aussi son adjointe. « On n’a pas eu d’enfants ensemble, mais on forme une équipe solide. Et avec mes filles, j’ai toujours été présent. Je suis un père impliqué. »
Et la magistrature?
S'il avait voulu, sa carrière aurait pu prendre un autre tournant. Il aurait pu devenir juge. « Oui, ça m’a traversé l’esprit. Beaucoup de juges nommés ici sont des amis proches. Mais j’ai choisi une autre voie. Mon bureau a toujours bien fonctionné et je ne me voyais pas quitter mes associés pour devenir juge. J’ai fait un choix de vie. »
Aujourd’hui encore, Me Vinet continue de pratiquer. Moins qu’avant, mais toujours avec passion. Il demeure une figure respectée du milieu juridique, un témoin privilégié de l’évolution du droit, et un modèle de rigueur professionnelle. Un ténor du Barreau, comme on en croise rarement.
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