Proche aidante depuis 15 ans
Ginette et Gilles : presque un miracle et une belle continuation
Il y a 15 ans, Gilles Fournier se préparait pour aller travailler et il a subi un accident vasculaire cérébral, qui fut suivi de cinq autres en quatre semaines. Il a été conduit à l’Hôpital du Suroît, puis transféré à l’Institut neurologique de Montréal, où il a été placé dans le coma durant deux semaines et ensuite : « Il ne marchait plus, ne mangeait plus, ne parlait plus, était incapable de déglutir; il était complètement paralysé d’un côté avec une ataxie de l’autre côté; ça bascule une vie de couple, une vie de papa », se souvient clairement sa conjointe Ginette Legault.
Mariés depuis 48 ans, ils avaient déjà discuté ensemble de la possibilité qu’une situation semblable se produise et de leurs limites dans l’aide mutuelle. Quand il était à l’hôpital, Ginette confie qu’il avait écrit sur un tableau « Où est-ce que tu me places? ». Cependant, Gilles ne garde à peu près aucun souvenir de ses AVC ni de son séjour dans les hôpitaux.
« On ne pouvait pas savoir exactement ce qui serait touché et de quelle façon, précise sa conjointe. La réadaptation a duré six mois à l’Institut de réadaptation Gingras-Lindsay-de-Montréal. J’ai rencontré des spécialistes : ergothérapeute, psychiatre, préposée en réadaptation, pour me guider pour le retour à la maison. Gilles a ensuite poursuivi des traitements à Montréal et à Kirkland. »
Côté financier, tout s’est bien passé. Ginette a bénéficié d’un congé de neuf mois avant de retourner au travail, où elle a eu la possibilité d’obtenir un horaire de quatre jours par semaine, avant de prendre sa retraite trois ans plus tard. Gilles a reçu son salaire durant un an, puis l’assurance-invalidité. « Nous avons été privilégiés ».
La toilette et la douche ont été adaptées à la maison. Leur résidence de Pincourt a été vendue, ils ont acheté un condo à Pincourt puis sont déménagés à Vaudreuil-Dorion dans les dernières années.
Ginette est une femme d’action et elle explique : « Ma devise a toujours été : Aide-toi et le ciel t’aidera; Gilles a fait, et fait toujours, sa part ».
« Je travaillais à l’Hôpital Sainte-Anne, j’ai pu recevoir des conseils, être bien guidée. Mais oui, je suis proche aidante, mais si je ne l’avais pas aimé, je ne serais pas là, admet-elle. Les gens n’ont malheureusement pas tous la capacité de chercher de l’aide mais ce n’était pas mon cas ».
Bien que ce soit sans doute normal dans les circonstances, « Les deux premières années, Gilles n’a pensé qu’à lui, et c’était difficile. Mes filles trouvaient parfois que j’étais dure avec leur père, mais elles le voyaient une fois par semaine, moi j’étais toujours là ».
« Après deux ans, un ami m’a offert de prendre une semaine de vacances, de rester avec Gilles et j’ai accepté l’offre. Cela m’a fait énormément de bien; j’ai alors décidé, à partir de ce moment-là, que je prendrais dorénavant de courtes vacances, deux fois par année. » Avec quelques arrangements pour les repas et des visites, Gilles peut se débrouiller.
Ce que Ginette a trouvé le plus difficile, en plus de l’énorme charge mentale durant les quatre premières années, c’est de s’adapter à la nouvelle réalité : « On avait des projets d’avenir et de retraite, et on a dû les modifier; le futur s’écroulait, mais la beauté de tout ça, c’est qu’on a eu la force de se relever. »
Elle ajoute en riant : « Avant, c’était Gilles qui s’occupait de laver les murs, les planchers, de passer l’aspirateur, j’ai dû accepter ce changement-là aussi. »
L’amélioration de la condition de Gilles a tout de même été assez miraculeuse. Il peut marcher avec une canne, il peut parler, son bras gauche n’est pas fonctionnel et la motricité fine de son bras droit n’est que de 20-25 %. Son cerveau fonctionne normalement. Selon Ginette, il prend ses décisions un peu plus lentement; il a un peu moins la notion du temps qu’avant; mais ce n’est pas dramatique.
Il avait même récupéré son permis de conduire, mais Ginette avoue qu’elle se sentait nerveuse quand il était au volant. Il a laissé aller son permis il y a quatre ans.
« Gilles a aussi fait beaucoup de sacrifices, continue Ginette. Il chantait, il était musicien, il jouait au hockey, au tennis, et cela s’est arrêté. Cependant, il s’est remis à la peinture récemment, activité qu’il pratiquait avant. »
« Quand ma fille a passé son échographie après les AVC, elle est venue nous montrer la photo du bébé qu’on lui avait remise. Gilles ne voulait pas la regarder et il pleurait, il disait qu’il ne voulait pas que la petite ait un grand-papa dans son état. Aujourd’hui, Inès va avoir 15 ans et elle est très fière de son papi. »
Merci à toutes celles et à tous ceux qui allègent la vie d'un proche et parfois de plusieurs proches, avec beaucoup de compassion et d'amour. Ils allègent simultanément notre système de santé qui en a bien besoin.
Ce portrait a été réalisé dans le cadre de la Semaine nationale des personnes proches aidantes qui se déroule du 6 au 12 novembre 2022. On compte environ 1 500 000 personnes proches aidantes au Québec. La Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes a été adoptée par l’Assemblée nationale le 28 octobre 2020.
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