En mars 2005, en se rendant au travail par une matinée hivernale, sa voiture a dérapé et la vie d’Odette Michaud, seule au volant, a basculé, ainsi que celle de son mari Peter Pouw : traumatisme crânien sévère, trois semaines dans un coma artificiel, deux mois avant de reprendre ses sens. La première année, Peter n’a manqué qu’une seule journée auprès d’Odette. Le pire aurait pu être passé… et tout a commencé.

Mariés depuis 38 ans aujourd’hui, ils en avaient déjà discuté avant que cela arrive et se l’étaient promis : si l’un des deux devenait très malade ou impotent, l’autre serait là pour lui. Et depuis 17 ans, cette promesse, Peter la tient et y tient : «C’est la vie que j’ai choisie. On avait une complicité. Il était entendu que c’était ce qu’on allait faire l’un pour l’autre ».

S’adapter

Le couple a deux filles majeures qu’ils ont adoptées avant l’accident. Tous les liens des membres de la famille ont été bouleversés et tous ont consulté des psychologues, à divers moments.

Peter n’a pas un mot à dire sur le suivi de la SAAQ. Le lendemain de l’accident, il recevait dans son compte bancaire 5 000$ pour faire face aux premières dépenses et ils ont toujours reçu un soutien adéquat, précise-t-il.

Grâce à l’aide financière disponible, la salle de bain a été adaptée et d’autres aménagements ont été organisés.

La nouvelle Odette

Odette n’est plus la même. C’était une femme fonceuse, déterminée, active. « C’est à cause d’elle que je suis qui je suis aujourd’hui. Elle m’a forcé à prendre des décisions. Elle m’a dit : “ Tu es capable ”, elle a changé ma vie pour le meilleur. »

La nouvelle Odette a perdu de la mobilité, elle est moins active, incontinente et elle est très impulsive : « Elle a perdu son gris; elle voit blanc et elle sourit; elle voit noir et elle crie », explique Peter. Sa condition ne peut pas s'améliorer.

Les médicaments l’aident à calmer ses plus grands emportements. Elle a énormément besoin de routines et du respect de ses routines, sinon elle peut devenir colérique.

Elle ne pleure plus. « Je ne l’ai pas vu pleurer depuis l’accident. Elle a perdu sa mère, elle a perdu son chien qu’elle avait depuis 12-13 ans, elle n’a pas versé de larmes ».

Mener une vie presque normale

Peter a continué à travailler durant 7 ans chez Air Canada en informatique. Trouver des personnes pour prendre soin de sa conjointe s’est avéré plus difficile qu’il ne l’aurait cru. Après 7 ans, il avait droit à une retraite à 58 ans et il a arrêté de travailler.

Il a souhaité, plus que tout, continuer à mener une vie de couple agréable et normale. Il participait à des week-ends entre amis, allait souper au resto, visitait la famille et il a toujours amené Odette.

Ils sont allés en Italie, en croisière en Grèce pour renouveler leurs vœux de mariage après 25 ans; où une cérémonie a eu lieu, officiée par le capitaine du bateau. De très beaux moments.

Les difficultés

Peter élabore : « Ce que j’ai trouvé très difficile et ce n’est pas encore entièrement fait, c’est de faire le deuil de la Odette d’avant; pour moi ce sont deux personnes différentes. J’ai consulté à ce sujet. »

« Dans un sens, mon grand amour pour elle est devenu excessif après l’accident. Je ne faisais pas confiance à l’aide extérieure. Je voulais tout contrôler. Je ne me blâme pas. Je ne pense pas que j’aurais pu faire autrement. Cela a cependant créé une extrême dépendance d’Odette envers moi ».

L’imprévisible…

En janvier dernier, Peter a appris qu’il était atteint d’un cancer du foie, stade 4, et qu’il lui restait au plus deux ans à vivre.

C’était la suite d’une hémochromatose diagnostiquée neuf ans auparavant, maladie héréditaire qui consiste en une absorption excessive de fer, qui peut s’accumuler dans les organes vitaux.

À cette époque on lui avait fait des saignées par ponction veineuse durant 42 semaines, mais on aurait dû vérifier la condition du foie par scanner, ce qui n’a malheureusement pas été fait.

Des décisions rapides

La maison de Saint-Lazare a été mise en vente et a trouvé acheteur rapidement, grâce au boom immobilier, lié à la Covid-19. Il a fallu trouver un lieu de vie pour Odette en résidence privée pour aînés (RPA) à Vaudreuil-Dorion.

Peter vit pour le moment dans les résidences de ses deux filles, l’une à Hudson et l’autre à Saint-Lazare. « Je ne peux pas être plus chanceux, les deux veulent m’avoir », dit-il reconnaissant. Il continue de visiter Odette trois à quatre fois par semaine et elle l’appelle très souvent.

Psychologiquement, c’est plus difficile pour Odette que pour Peter. Elle s’est demandé si elle pourra continuer à vivre sans lui, avoue Peter. Odette vit avec des personnes dont l’âge se situe autour de 80 ans et elle a 67 ans, ce n’est pas tout à fait adapté pour elle.

Ses amies prennent bien soin de continuer à la visiter régulièrement mais ce n’est pas comparable à quelqu’un qui était là en tout temps, avec elle et pour elle, presque 24 heures par jour. Le couple a toujours maintenu des liens de tendresse et d’affection.

Peter reçoit des traitements réguliers d’immunothérapie pour des soins de confort et pour le moment, il se sent raisonnablement bien. Il a fait récemment des petits voyages avec des amis et de la famille proche en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve et il a beaucoup apprécié.

Leurs filles vont bien. L’une est mariée et l’autre se marie sous peu. Financièrement, il a pris bien soin d’organiser ses affaires et il se considère chanceux.

Aujourd’hui et maintenant…

Récemment, il a changé sa liste de vie (bucket list), elle est simple et va à l’essentiel : voir la famille, et les amis, trouver la paix; pour cela, la nature l’y aide beaucoup. Il crée des liens aisément Il a toujours jugé important d’entretenir ses relations familiales et amicales. Encore plus aujourd’hui.

Il a également créé ce qu’il appelle sa liste Je m'en fous : «Quand je me demande si j’ai le droit, si je peux ou ne peux pas, je ne laisse pas passer les choses, j’y vais. Je pense maintenant à moi en premier, c’est nouveau. »

Le futur proche

Peter vit dans la transparence plus que jamais. Odette aurait voulu prendre soin de lui quand il sera rendu à ses derniers moments, mais Peter sait qu’elle ne le peut pas, en dépit de sa bonne volonté. De plus, Odette a développé récemment une condition médicale évolutive.

Peter aborde le moment présent avec sérénité. Il apprécie que ses médecins prennent bien soin de lui. Son médecin de famille et sa rhumatologue l’appellent le soir pour prendre de ses nouvelles.

Au cours de ses prochaines visites médicales, il abordera le sujet de l’aide médicale à mourir, quand sera venu le temps pour lui de la demander. D’ici là, il profite de chaque moment.

Il veut que tout soit en ordre financièrement et légalement pour faciliter l’avenir d’Odette et de ses filles. Il a moins d’énergie et de force qu’avant et ne peut plus prendre soin d’Odette comme il l’a toujours fait, mais elle demeure une priorité. 

« Je veux qu’elle soit bien et qu’on s’occupe bien d’elle. Mes filles m’ont promis d’être là pour elle quand je serai parti. Je suis certain qu’elle ne manquera jamais de rien ».

Merci à tous ceux et à toutes celles qui allègent la vie d'un proche et parfois de plusieurs proches, avec beaucoup de compassion et d'amour. Ils allègent simultanément notre système de santé qui en a bien besoin.

Ce portrait a été réalisé dans le cadre de la Semaine nationale des personnes proches aidantes qui se déroule du 6 au 12 novembre 2022. On compte environ 1 500 000 personnes proches aidantes au Québec. La Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes a été adoptée par l’Assemblée nationale le 28 octobre 2020.