Statistiques Canada
La langue française en net recul dans Vaudreuil-Soulanges

Par Jean-Michel Lhomme, Journaliste
Pour beaucoup de Québécois, le recul de l'usage du français est un ressenti qui, année après année, se fait de plus en plus flagrant. Pourtant certains, continuent à nier le phénomène ne voyant là, qu'une énième façon d'attiser le clivage indépendantiste. Mais, les résultats du recensement effectué par Statistiques Canada vont les faire changer d'avis.
Le débat autour de la loi 96 et d'éventuelles évolutions de la loi 101 a beaucoup souffert d'un manque de données objectives. Comment trouver le bon remède quand on n’est pas certain d'avoir fait un juste diagnostic ? Qui plus est, les quelques audits réalisés ne couvraient que l'île de Montréal dont tout à chacun reconnait le cas particulier.
C'est pour cela que les résultats du recensement effectué par Statistiques Canada sont essentiels. Ils permettent enfin de mesurer le problème et sa dynamique d'évolution.
L'inexorable anglicisation de Vaudreuil-Soulanges ?
Évidemment, avec la proximité de l'Ontario, il est assez logique qu'ici plus qu'ailleurs il y ait une attirance naturelle vers l'anglais. Mais cela reste quand même impressionnant.
Dans Vaudreuil-Soulanges, par rapport au recensement de 2016 :
- le nombre d'habitants ne parlant qu'anglais a bondi de + 34,8%
- le nombre d'habitants ne parlant que français a reculé de -5,3%
- le nombre d'habitants bilingues français-anglais a progressé de + 10,7%
Un déclin plus rapide qu'ailleurs
Quand on compare ces chiffres avec ceux de la province tout entière on s’aperçoit que si le déclin est bien une réalité sur l'ensemble du territoire de la province, il est encore plus accentué dans Vaudreuil-Soulanges qu'ailleurs.
Quand le nombre d'habitants ne parlant qu'anglais progresse de +19,6% au Québec, il monte à + 34,8% dans Vaudreuil-Soulanges.
Même chose pour le recul des monolingues francophones, dont le nombre baisse de -1,3% dans la province et -5,3% ici. Le chiffre peut sembler faible, mais cela va près de 4 fois vite dans Vaudreuil-Soulanges que dans le reste du Québec !
Évolution de la langue la plus souvent parlée à la maison
VILLE | FRANÇAIS | ANGLAIS | ||
2016 | 2021 | 2016 | 2021 | |
Vaudreuil-Dorion | 62,4% | 54% | 32,5% | 37,7% |
Terrasse-Vaudreuil | 65,5% | 59,4% | 32,5% | 40,3% |
Pincourt | 49,2% | 45,3% | 46,9% | 49,6% |
Pointe-des-Cascades | 83,4% | 75,2% | 9,8% | 13,0% |
Pointe-Fortune | 81,9% | 81,2% | 13,8% | 12,8% |
Rigaud | 76,4% | 70,4% | 17,4% | 20,4% |
Vaudreuil-Soulanges | 67,4% | 62,5% | 30,6% | 34,5% |
Province du Québec | 82,4% | 81,0% | 12,0% | 13,2% |
Sources : Statistiques Canada - Recensement 2021
Est-il déjà trop tard ?
Sur le papier, le Québec, c'est 8 millions de francophones cernés par 360 millions d'anglophones. Le rapport de force est déjà bien compliqué et ce que nous apprend Statistiques Canada, c'est qu'au sein des 8 millions de Québécois, une par de plus élevée ne parle pas français. Sur ces bases, l'anglicisation de la société de Québécoise semble inexorable.
Mais, quand en 1977, le Québec a adopté la loi 101, la situation n'est pas si différente de ce qu'elle est aujourd'hui. Pourtant cette loi a permis un sursaut et une relance du fait français au Québec. Cela a même tellement bien fonctionné que nous avons fini par baisser la garde.
Baisser la garde c'est quoi ? On pense souvent que la défense de la langue passe par la culture. Oui, mais ça ne suffit pas. Si c'était le cas, on n’en serait pas là. La culture québécoise n'a jamais été aussi prolifique qu'aujourd'hui : nos auteurs s'exportent, nos écrivains rayonnent à l'international, la plateforme Salto (une sorte de Netflix européen et francophone) a fait son ouverture avec une série québécoise ("C'est comme ça que je t'aime").
Non, le vrai levier est ailleurs. Comme le montre le documentaire de Flavie Payette-Renouf "La Disparition tranquille", baisser la garde, c'est avant tout permettre aux entreprises de s'exonérer petit à petit du strict cadre de la loi 101. Par exemple, il y a quelques semaines, le site d'emploi Indeed affichait une offre d'emploi en marketing dans Montréal qui précisait noir sur blanc "ce poste ne nécessite pas de savoir parler français".
Et l'immigration dans tout ça ? La dernière campagne semble avoir fait un lien direct entre immigration et déclin du français. Mêler les deux sujets est probablement le meilleur moyen de mettre une chape de plomb sur le problème. Un écueil que la loi 101 avait parfaitement su éviter... avec un certain succès.
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