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Lettre ouverte au CRTC

MaTV - Votre TV - Pus d'TV ou chronique d'une mort annoncée

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10 septembre 2023
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Alors qu'on apprenait récemment la fermeture de la chaîne télévisuelle MaTV Montréal, programmée pour la fin août 2024, André Desrochers, cinéaste impliqué et actif dans la télévision communautaire locale signe une lettre ouverte à l'attention du CRTC. 

Plus tôt cette semaine, il en a fait parvenir une copie à Néomédia. La voici dans son intégralité: 

Voilà, le couperet attendu vient de tomber. Le milieu des télé communautaires s’y attendait. MATV Montréal ferme les portes de ses studios. Après la fermeture du journal Métro, le blocage des nouvelles par Méta, le grand Montréal va se voir départir d’une autre source à partir de septembre 2024 : l’information locale et communautaire télévisuelle.

Il y a à peine quelques semaines, le monde de la télé communautaire au pays célébrait l’avancée. avec la Loi C18. En effet, les télévisions communautaires gérées par des OBNL sans but lucratif ont été insérées et identifiées dans la Loi (et non plus seulement dans la Politique) comme élément majeur permettant à l’élément communautaire de la Loi sur la radiodiffusion de se développer. Au même titre que les canaux communautaires gérés par les entreprises de radiodiffusion. Ces producteurs de contenus 100% canadiens et de nouvelles locales siègent désormais à la même antenne de la Loi que les producteurs privés, les producteurs publics et les chaînes communautaires gérées et appartenant aux télédistributeurs.

Mais, on ne se le cachera pas, depuis l’acquisition de Vidéotron par Québécor, ce dernier n’a pas été un enfant de cœur au chapitre de la programmation de sa télé communautaire.

Particulièrement pour sa licence du grand Montréal. L’entreprise s’est vue reprochée par le CRTC depuis la fin des années 1990, et ce à de nombreuses reprises, sa non-conformité dans sa programmation. Les réprimandes et les conditions de renouvellement de licence ont été nombreuses : Obligation de partager les ondes avec les producteurs d’accès que sont les OBNL de télévisions communautaires et leur nombreux bénévoles alors que l’entreprise leur avait coupé l’accès aux ondes intentionnellement - Réduction du nombre d’année de la licence -

Obligation de mettre en place des comités citoyen de programmation -

Obligation de modifier sa programmation - Intégration de la diversité linguistique et ethnoculturelle dans sa programmation - Meilleure participation citoyenne à la production des émissions, et j’en passe.

Ironiquement, ce sont les agissements de Québécor vis-à-vis sa télé communautaire qui a principalement été le déclencheur de la mise en place de la Politique du canal communautaire, et qui sert toujours d’assise au CRTC en matière de réglementation pour cet élément de la Loi.

Les célébrations du mois dernier se sont vites éteintes le 30 août. Par communiqué, Québécor a annoncé la fin des activités de production de la chaîne MAtv de Montréal. L’entreprise de câblodistribution explique dans son communiqué avoir pris la décision « ...dans un contexte de forte concurrence des médias et d’importants défis financiers à relever pour l’ensemble de
l’industrie télévisuelle ».

Mais la mort de ce modèle désuet était annoncée depuis longtemps. Le CRTC a peinturé lui-même l’élément communautaire dans le coin avec ses décisions depuis une vingtaine d’années.

Petit contexte historique 

D’abord, lors de l’adoption de la Politique du canal communautaire au début des années 2000. Les nombreux OBNL qui venaient de se faire retirer l’accès aux ondes, mais qui participaient à la vitalité du canal communautaire, demandaient une reconnaissance et une portion de rémunération en échange de la livraison d’émission au canal communautaire du câblodistributeur. Le CRTC a tout simplement mis en place dans une Politique du canal communautaire qui a souligné : 1- la reconnaissance de ces entités 2- l’obligation au télédistributeur de leur donner accès aux ondes et 3- a reconduit l’interdiction de la publicité conventionnelle, n’autorisant que la diffusion de publicités de prestige, sociétales et gouvernementales sur ce canal. Mais sans exiger aucune redevance en échange de la production de ce contenu 100% canadien et local. Seule une recommandation fut faîtes aux entreprises de distribution de « peut-être » rémunérer les OBNL, sans obligation. Vidéotron fut bon joueur pour quelques temps, en remettant une somme aux OBNL par demi-heure de production. Après avoir atteint des sommes frôlant l’équivalent du marché, payer une station de diffusion pour les rendre un peu plus autonomes et pouvoir mettre en ondes des émissions
en direct tel que le Bingo et les galas locaux, lors du renouvellement de licence qui ont suivi, la manne s’est vue réduite, baissant chaque année. Puis en pleine pandémie, se fut la coupure complète des redevances. Ce n’était pas (et ce n’est toujours pas) une obligation. L’entreprise va mal financièrement, on coupe...

La mort annoncée en 2016

Les producteurs d’accès que sont ces OBNL ont dû faire preuve d’imagination pour financer leur production. À la suite de modifications minimes pour préciser certains points de la Politique, en 2016, le déclin inéluctable de la présence de la programmation communautaire sur le système actuel de radiodiffusion (élaborée dans un tout autre contexte au début des années 1990 alors que le fax était l’innovation de l’heure...) est annoncé et autorisé par le CRTC.

En manque de revenus publicitaires qui remplissaient les cagnottes des entreprises de télédistribution, et devant la baisse continuelle des abonnés chez les télédistributeurs au profit des plateformes en ligne, ces derniers sont venus demander au CRTC de les aider en leur permettant d’utiliser une portion du Fonds réservé à la programmation communautaire pour le rediriger vers les stations sœurs de leurs entreprises en difficultés financières. Tout en
demandant au passage d’être équitable et que les grands GAFAM de ce monde paient leur redevance au système canadien. La demande d’aide a été accepté.

Depuis, Vidéotron a régulièrement redirigé ses sommes vers ses stations privées en région. Aujourd’hui, on ferme la production d’émissions à contenu local de MAtv Montréal qui y était attachée. Suite à des vérifications avec plusieurs OBNL concernés, Vidéotron promet que le canal va demeurer opérationnel, mais sans émissions produites par MAtv Montréal. Comme les abonnements au câble et les revenus publicitaires sont en chute libre, quelle sera la prochaine coupe de Vidéotron ? On ferme le canal ? Où pourront diffuser leurs émissions les producteurs d’accès que sont les OBNL ?

L’avenir est peu reluisant pour l’élément communautaire dans ce modèle dépassé, particulièrement à Montréal. Ce sont 8 OBNL qui diffusent leurs émissions à partir de la licence de Montréal. Longueuil, Beloeil, Terrebonne-Lanaudière, Chateauguay, Vaudreuil-Soulanges, St-Jean sur-richelieu, Basse Laurentides St-Jérôme-Boisbriand, Repentigny.

Si Vidéotron et les télédistributeurs poursuivent leur mission pour convaincre le CRTC (ce qui se trame en coulisse déjà depuis plusieurs années) que le canal communautaire n’est plus une option viable dans la stratosphère télévisuelle actuelle, et qu’il doit retirer l’obligation aux télédistributeurs de mettre en ondes un canal communautaire ou de financer un Fonds pour les télés communautaires appartenant à ces derniers en contrepartie d’obtenir leur licence, les OBNL producteurs d’accès et de contenu local seront face à un mur pour la diffusion de leur émission.

Il faut trouver d’ici peu une alternative à la viabilité de la programmation communautaire qui, faut-il le rappeler, met en ondes des émissions produites, par - pour et avec sa communauté. Il n’y a pas plus « contenu local » que la programmation d’une télévision communautaire. Sans compter qu’il est le seul moyen de production actuellement qui permet au spectateur passif dans son sofa, de devenir un spectateur actif directement dans la conception, la production et la réalisation des émissions qui sont le reflet de chez lui; qui allume et alimente un sentiment d’appartenance à sa communauté.

C’est un cri du cœur que je lance aujourd’hui au CRTC. Il y a plus de 25 ans que je m’implique dans la télévision communautaire, autant dans ma région, au niveau provincial que fédéral.

L’actuel Avis de consultation sur la Loi C18 (CRTC 2023-138) sous-titré « La Voie à suivre » est une opportunité hors pair pour que vous mettiez les outils nécessaires à la modernisation du système de radiodiffusion, pour indiquer la voie à suivre. Pas seulement aux autres éléments de la Loi, pas seulement aux GAFAM, mais aussi à ceux et celles qui s’investissent à faire grandir l’élément communautaire. Certes, les géants du web doivent payer leur juste redevance équitable pour utiliser et déployer leurs contenus dans notre pays, mais il faut en profiter pour dessiner le futur portrait qui insérera la télévision communautaire dans le monde numérique et en dehors du carcan actuel de simple « producteur d’accès » pour les télédistributeurs. Au risque de me répéter, les OBNL sont des producteurs de contenu 100% canadien et local.

Vous venez de les insérer dans la Loi sur la radiodiffusion;

Patrimoine Canada a une entente pour les aider avec le programme de Journalisme local; Une aide financière a été déployée pour les aider à passer à travers la COVID; Vous avez inséré des questions concernant son avenir dans le système de radiodiffusion dans votre Avis de consultation;

La télévision communautaire est un atout majeur et un moyen unique que le pays s’est doté pour rejoindre les collectivités en y présentant du contenu local qu’aucun autre élément de présente. Il faut maintenant assurer leur pérennité et leur place dans ce nouveau portrait où la télévision conventionnelle tire peu à peu sa révérence. Vidéotron vient de vous confirmer que le modèle actuel est désuet pour lui, c’est une question de temps pour que les autres câblodistributeurs emboitent le pas.

Le CRTC a une chance unique de désenclaver les OBNL qui produisent du contenu local à leur la télé communautaire dans un simple rôle de « producteur d’accès ».

Historiquement, mettre en ondes un canal communautaire était une obligation pour les télédistributeurs en échange d’utiliser un bien public qui appartient aux canadiens : les ondes. Tout comme le sont les forêts, l’eau, les mines et toutes autres ressources. Si le contexte est aujourd’hui modifié, que le canal communautaire est un poids démesuré dans l’atteinte de leur objectif réglementaire et financier, il faudrait peut-être repenser la redevance. Ce qui permettrait aux OBNL de se libérer du carcan actuel, de devenir pleinement autonome et participer au système canadien à la mesure de leur capacité. Mais dans ce nouveau contrat social, il faudrait leur permettre d’avoir accès équitablement aux revenus qu’ont les autres éléments du système de radiodiffusion. L’élaboration du nouveau cadre réglementaire concernant les contributions pour soutenir le contenu canadien et autochtone doit inclure les
OBNL qui font désormais parti de la Loi.

André Desrochers, cinéaste 
245, rue Dunant
Beauharnois, Qc,
J6N 3P1
438-492-0874
Citoyen de Beauharnois
Membre fondateur de l’équipe de réalisation de la TVC de Châteauguay
Membre fondateur de la coopérative de solidarité de télévision communautaire Csur la Télé
Ex-administrateur à la Fédération des TVC autonomes du Québec
Ex-président de CACTUS
Toujours impliqué et « actif » dans la télévision communautaire locale

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