Cité-des-Jeunes
Un tirage au sort pour déterminer l’avenir d’élèves motivés
Éloi, 14 ans, étudie à la Cité-des-Jeunes. Présentement en deuxième secondaire, Éloi a une facilité en classe, mais comme certains jeunes, il préfèrerait passer plus de temps à vaquer à ses occupations. Il trouve tout de même la motivation à travers le programme Everest, un programme enrichi offert pour les étudiants de la première à la troisième année du secondaire.
Malheureusement, dans les derniers jours, Éloi a appris, tout comme les quelque 45 élèves de deuxième secondaire inscrits au programme, que son parcours dans le programme Everest allait peut-être prendre fin en juin. Que pour sa troisième année au secondaire, il devra peut-être se tourner vers un programme régulier, ou une concentration artistique ou sportive, une option qui n'enchante guère l'étudiant.
C'est que par manque d'inscription, la direction de l'établissement scolaire de Vaudreuil-Dorion a annoncé qu'un groupe devra être retranché. L'administration procédera, dans les prochains jours, à un tirage au sort afin de déterminer qui pourra poursuivre le programme.
Dans un courriel envoyé aux parents des élèves concernés et dont Néomédia a eu copie, la direction de la Cité-des-Jeunes, confirme que la sélection des élèves ne se fera pas sur la base des résultats scolaires, mais bien par le hasard.
« Nous tenons à vous assurer que tous les élèves actuellement inscrits dans les groupes EVEREST 2025-2026 méritent leur place. Ce processus ne vise en aucun cas à identifier les élèves les plus performants. C’est pourquoi nous avons opté pour un tirage au sort, que nous considérons comme la méthode la plus équitable dans les circonstances », pouvons-nous lire dans la missive.
Un sentiment d’injustice chez les élèves et les parents
Le jeune Éloi se dit déçu de voir son parcours potentiellement interrompu.
« Ce que j'aime avec le programme Everest, c'est que nos apprentissages vont plus vite et nous avons plus d'activités à l'extérieur de l'école. J'aime aussi le fait que nous ne changeons pas de groupe. Nous sommes toujours ensemble. Nous avons donc créé des liens entre nous », confiait le jeune adolescent lors de sa rencontre avec Néomédia.
Selon Éloi, l'argument voulant qu'il n'y ait pas assez d'étudiants inscrits ne tient pas la route puisque l'an passé, les deux groupes du programme comptaient chacun moins de 30 élèves. « Je ne comprends pas pourquoi ça fonctionnait avant, mais plus maintenant », déplore-t-il.
C'est la mère d'Éloi, Mélanie Bouchard qui a lancé un cri du coeur sur les réseaux sociaux pour exprimer sa déception, mais aussi son incompréhension face à la situation. « C'est vraiment une décision injuste pour nos jeunes. Je trouve dommage qu'on leur demande de faire confiance au système, on leur offre des alternatives pour les motiver, et ensuite, on leur enlève ».
« Éloi apprécie beaucoup le programme Everest et aime rester avec son groupe. C'est différent pour chacun, mais je trouve ça plate de les pousser vers un programme et de leur enlever au gré des inscriptions », ajoute la mère.
Sur les réseaux sociaux, plusieurs parents ont partagé la déception de Mme Bouchard. Une mère a écrit:
« Mes jumeaux sont dans l’une des classes. Ils sont très tristes face à toute cette situation. Et si l’un était choisi et pas l’autre ? Leurs camarades de classe sont aussi tristes et ne veulent pas être répartis dans d’autres groupes. Nous avons reçu un courriel ce matin et cela ne fait qu’augmenter ma colère ! Mes enfants m’ont dit que pour l’an prochain, l’école n’a que 45 élèves pour les deux classes. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas garder les deux groupes. »
Une autre ajoutait:
« Il y a pourtant deux groupes dès la première année... Que se passe-t-il pour qu'en troisième année, on décide de supprimer une classe ? Est-ce parce que certains élèves ne répondent plus aux critères ? Est-ce que des élèves quittent volontairement le programme, et si oui, pourquoi ? Ou s'agit-il d’un manque d’enseignants ? »
« Ce que je trouve déplorable, c'est que nous sommes mis devant le fait accompli. J'ai écrit à la direction de l'école et on m'a indiqué qu'ils ne feront aucun retour d'appel ou de rencontre individuelle avec les parents pour discuter de la situation », poursuit Mme Bouchard.
Néomédia a tenté d'obtenir des informations du Centre de services scolaires des Trois-Lacs, mais, à ce jour, la demande est restée lettre morte.
Les programmes particuliers comme levier contre le décrochage
Alors que le taux de décrochage scolaire connaît une remontée au sein du réseau public québécois, les données présentées par le ministère de l’Éducation, le 30 avril dernier, indiquent que les élèves inscrits à un projet pédagogique particulier (PPP) sont beaucoup moins susceptibles de quitter l’école sans diplôme ni qualification.
Selon les statistiques dévoilées par le ministre Bernard Drainville, dans le cadre de l’étude des crédits budgétaires, le taux de sortie sans diplôme des élèves participants à un PPP, sans critère de sélection, comme pour le programme Everest, se chiffrait, pour l'année scolaire 2023-2024 à 7,8%.
Pour le ministre de l’Éducation, ces données confirment l’importance d’élargir l’accès à ce type de programme. « Ce que ça démontre, c’est qu’effectivement, les projets particuliers sont une source de motivation pour les élèves. Et quand les élèves sont motivés, il y a moins de risques qu’ils décrochent et il y a plus de chances qu’ils obtiennent un diplôme ou une qualification », a déclaré Bernard Drainville.
En 2024-2025, le nombre de projets particuliers offerts dans les écoles secondaires a augmenté de près de 5 %, dans le but de bonifier l’offre et de rendre ces programmes accessibles à un plus grand nombre de jeunes. Le ministre a également souligné que les PPP ont un impact positif sur l’attachement des élèves à leur milieu scolaire. « Les projets particuliers, ça fait aimer l’école », avait ajouté le ministre.
« Quand on sait qu'il est plus difficile de garder nos jeunes garçons dans nos écoles, je trouve déplorable que des programmes qui justement, les gardent motivés soient coupés parce qu'il manque quelques élèves », conclut Mme Bouchard.
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