Autocar Royal dénonce un conflit qui l'oppose à la Ville de Saint-Lazare
«On est obligés de se battre pour avoir le droit d’opérer notre entreprise»
Un entrepreneur de Saint-Lazare, dont 80% des trajets desservent ce territoire municipal, dénonce la lenteur bureaucratique de la Ville qui l’entraîne depuis plus d’un an dans un processus judiciaire coûteux et laborieux.
Steven Briand-Goyette est le propriétaire d’Autocar Royal depuis le 1ᵉʳ février 2023. Autrefois appelée Autobus Alpha, l’entreprise prenait place à Vaudreuil-Dorion depuis son ouverture, vers la fin des années 70.
Aujourd’hui, elle a pignon sur rue au 251 route de la Cité-des-Jeunes, aussi connu comme la route 340, à Saint-Lazare depuis juin 2024 et offre des services de transport scolaire.
« Auparavant, nos locaux étaient situés sur la route de Lotbinière, près de l’autoroute 20. Au moment de l’achat, je savais en toute connaissance de cause que nous allions être expropriés par la Ville en raison d’un projet de réaménagement du secteur. Il fallait avoir quitté le site pour juin 2024 selon les documents fournis par la Ville. C’est là que tout a commencé », résume M. Briand-Goyette.
Plusieurs contraintes pour trouver un terrain
À l'époque, voyant la date limite imposée par la Ville pour l’expropriation approcher à grands pas, M. Briand-Goyette peine à trouver un local, et ce n’est pas faute d’efforts. « On a fait face à plusieurs contraintes. Par exemple, l’emplacement. À ce jour, 80% de nos trajets desservent ce territoire municipal et permettent aux enfants de Saint-Lazare de se rendre dans l'un des établissements scolaires du CSS des Trois-Lacs et de la Commission scolaire Lester B. Pearson. Il fallait donc être situé près de ce secteur. Par la suite, on composait avec la rareté des terrains commerciaux dans la région, en plus de la hausse des prix et de l’inflation qui ont grandement impacté le milieu immobilier au Québec dans les derniers mois. On avait besoin d’un terrain d’une certaine superficie pour pouvoir y loger la flotte d'environ 70 véhicules. Mais ce n’était pas notre plus gros défi », ajoute-t-il.
En effet, en octobre 2021, le gouvernement du Québec impose un règlement aux transporteurs routiers affectés au transport des élèves. Celui-ci vise à accélérer le déploiement d'autobus scolaires électriques afin de réduire l'empreinte carbone provenant du transport scolaire au Québec. Ainsi, avec une cible de 65 % d'autobus scolaires électriques en 2030 fixée dans le Plan pour une économie verte.
« Sachant qu’un autobus scolaire électrique a une autonomie de 150 km, on ne pouvait pas aller s’établir à Rigaud et prendre le risque qu’un de nos véhicules n’ait plus de batteries en plein milieu d’un trajet, faute de pouvoir le charger. Il fallait donc, absolument, trouver un terrain dans le coin de Vaudreuil-Dorion et de Saint-Lazare. Cette mesure nous astreignait un rayon dans lequel il fallait trouver un terrain pour nous accueillir », confie le jeune entrepreneur.
Au quotidien, Autocar Royal emploie plus de 70 personnes à temps plein qui assurent le transport scolaire de près de 3 000 écoliers par jour dans les écoles de Vaudreuil-Soulanges, de Rigaud à Rivière-Beaudette. L’entreprise possède aussi des minibus qui desservent Saint-Télesphore et Saint-Polycarpe, de même que des caravanes Dodge et des véhicules adaptés à une clientèle présentant des problèmes de mobilité.
Une demande refusée par la Ville
C’est finalement à l’aube du délai, soit en juin 2024, que M. Briand-Goyette trouve son terrain actuel, propriété de Location André. « C’est un site qui répondait à tous nos critères même si le prix était un peu plus élevé que nos attentes. On est sur une grande artère, près de la Montée Labossière et surtout dans un lieu central. D’après nos informations, il y avait entre 200 et 250 va-et-vient par jour chez Location André avant notre arrivée, ce qui est beaucoup. Dès notre arrivée sur place, on a fait une demande à la Ville pour obtenir un permis d’occupation pour du transport de personnes, mais ça nous a été refusé », précise-t-il.
Il ajoute même qu’au contraire, la circulation est améliorée sur Cité-des-Jeunes depuis son arrivée. « Les gens sont très courtois avec les autobus scolaires. Ils nous laissent passer et vont moins vite quand on sort de notre entrée. Plusieurs voisins nous le disent : c'est le jour et la nuit depuis qu’on est ici.»
Une décision qui ne fait pas de sens pour l’homme d’affaires devenu récemment citoyen de Saint-Lazare. « On a rencontré les représentants de l’urbanisme avant d’emménager pour discuter du projet. Tout le monde avait l’air en accord. Le problème semble être du côté du conseil municipal. Des procédures judiciaires sont en cours entre nous et la Ville depuis ce temps. Pourtant, on a le droit d’être ici. Le terrain est en zone commerciale. On nous a dit au début que c’était refusé en raison du flot de circulation que ça apporterait sur le chemin de la Cité-des-Jeunes. J’ai une flotte de plus de 70 autobus et on sort matin et soir, mais pas dans l’heure de pointe. Plus des trois quarts de ma clientèle sont à Saint-Lazare et les taxes des citoyens servent à se battre contre un entrepreneur qui transporte les jeunes de la Ville à l’école. C’est spécial.»
L’intervenant dénonce la mauvaise réputation des transporteurs de transport scolaire. « C’est le syndrome du pas dans ma cour. Pourtant, on est de bons voisins. On ne fait pas de bruit inutile, notre terrain est toujours propre et surtout nos derniers bus reviennent à 17 h 20. Après il n’y a plus d’activité les soirs, le week-end et l’été. C’est un des principaux problèmes des transporteurs. C’est difficile de stationner nos autobus quelque part.»
Une autre des raisons évoquées par la Ville pour justifier le refus du permis d’occupation à Autocar Royal est que l’usage fait par l’entreprise du terrain n’est pas conforme au règlement municipal. « On transporte des gens, pas de la roche. Et pourquoi la CÉTAM, qui est aussi dans le transport de personnes, a pu bâtir une belle caserne sur le coin des rues Saint-Louis et Cité-des-Jeunes. La question se pose à mon sens. Je trouve ça particulier que le dossier se retrouve en Cour quand tout pourrait se régler rapidement. C’est quand même l’argent des contribuables de Saint-Lazare qui paie pour les frais d’avocat. Il faut que les citoyens le sachent. On est obligés de se battre pour avoir le droit d’opérer notre entreprise. C’est un juge qui va devoir trancher le débat. C’est triste », mentionne l’entrepreneur qui considère fournir un service essentiel à la communauté.
Concrètement, sans l’obtention de son permis d’occupation, M. Briand-Goyette ne pourra pas agrandir ses locaux, ni même poser une enseigne en bordure de rue. « Éventuellement, avec les prévisions à long terme des Centres de services scolaire, il va falloir agrandir nos locaux et notre flotte de véhicules. On ne pourra jamais le faire si on n'obtient pas le permis d’occupation. Il va falloir déménager à nouveau. L’argent que je dépense en frais d’avocat, je pourrais l’investir dans mon entreprise et dans l’économie locale », souligne-t-il sur un ton de découragement.
Pour M. Briand-Goyette, les babines doivent suivre les bottines. « On ne peut pas dire qu’on est pro-famille et qu’on est fiers de nos parcs et des infrastructures mises en place pour les attirer et poursuivre une compagnie de transport qui amène les élèves de ces mêmes familles à l’école. Ce n’est pas logique», conclut-il.
De son côté, la Ville de Saint-Lazare s'est contentée de préciser que le dossier est bel et bien judiciarisé et qu'il porte sur les usages autorisés.

