« On ne combat pas la bonne bataille »
La loi 96: un défi jugé insurmontable pour des PME
La loi 96 visant à renforcer la primauté du français au Québec s’applique non seulement à l’affichage public mais s’étend aussi aux produits à l’intérieur des commerces. Selon Lucie Bourbonnais, propriétaire de la Ribouldingue à Vaudreuil-Dorion, il s’agit d’un enjeu impossible à gérer.
Dans son cas, les étiquettes des jouets et des jeux de société que vend son entreprise doivent être dominées par le français. Autre point non négligeable, elle ne peut pas vendre la version anglaise moins chère que la version française. Ça semble raisonnable, mais dans la plupart des cas, les coûts de production sont différents et les jeux ne proviennent pas des mêmes distributeurs. La Ribouldingue devient alors moins compétitive au niveau des prix et perd des ventes.
Des mesures irréalistes
Depuis la pandémie, les gestionnaires de petites et moyennes entreprises (PME) ont eu à gérer leur lots de défis: le manque de main d'œuvre, les grèves des facteurs et des employés du port de Montréal, la guerre tarifaire avec les États-Unis et plus encore. Ceci-dit, « la loi 96 est notre plus grand défi à date », estime Mme Bourbonnais, « Il est impossible de survivre avec cet enjeu qui nous guette ».
« Tout ce que cette législation fait, c’est très mauvais pour les petites entreprises », explique Mme Bourbonnais. C’est finalement vers les géants du web comme Amazon que se tournent les consommateurs qui désirent obtenir un bien. Pour se conformer, les PME devront débourser des grandes sommes et puisque certains n’ont pas les fonds nécessaires ils se verront obliger de fermer.
Rappelons que l’Office québécois de la langue française (OQLF) « n’offre aucun accompagnement ou incitatif financier », a confirmé son directeur des communications Nicolas Trudel.
Pour la ribouldingue et d’autres PME évoluant dans le même domaine, c’est tout simplement hors de leur contrôle. « C’est impossible pour moi de convaincre une compagnie de jeu d’ajuster son étiquetage pour le marché québécois », souligne la propriétaire du magasin.
La police de la langue
Des inspecteurs de l’OQLF sont déjà passés à la Ribouldingue pour s’assurer que la loi était bien respectée. C’est arrivé suite à des plaintes de clients mécontents. « Je ne blâme pas les clients, mais je ne pense pas qu’ils comprennent l’ampleur du problème pour nous », exprime Lucie Bourbonnais.
Toutes cette situation crée un stress énorme pour de nombreux commerces locaux. « Si des inspecteurs passent ici et trouvent un problème juste avant Noël c’est foutu », juge la gestionnaire pour qui la période des fêtes est cruciale. « On essaie de gagner du temps jusqu’à ce que le gouvernement réalise que ça n’a aucun sens », a indiqué Mme Bourbonnais.
Pour plusieurs commerçants, il est aberrant que cette situation anxiogène et nuisible soit créée par leur propre gouvernement. « Je suis pour la protection du français et je suis d’accord qu’il y en ait sur les produits, mais on ne combat pas la bonne bataille », estime la propriétaire de la Ribouldingue.
Des pistes de solutions
« On voudrait que le jeu de société soit un bien culturel comme c’est le cas pour le livre », expose Lucie Bourbonnais. Ainsi, la législation permettrait que le jeu de société soit vendu en version anglaise et serait exempté de la loi 96.
« Si j’étais le ministre des petites et moyenne entreprise je me concentrerais là-dessus », déclare la femme d’affaire.
Lucie n’a pas encore contacté les élus de la région puisqu’elle prépare déjà sa saison de Noël, mais elle entend communiquer avec la chambre de commerce qui va pouvoir l’aider avec ses demandes. « On voudrait que le jeu de société soit un bien culturel comme c’est le cas pour le livre », conclut Mme Bourbonnais.