L'avocat criminaliste cumulera, ce mardi 6 mai, 50 ans de Barreau
«Je m'amuse encore », Me Jacques Vinet
Ce mardi 6 mai, l’avocat criminaliste Me Jacques Vinet, dont le bureau Vinet & Dubé est basé à Salaberry-de-Valleyfield va célébrer ses 50 ans d’admission au Barreau. Néomédia a eu la chance de s’entretenir avec le juriste qui demeure tout aussi passionné qu’à ses débuts.
Deux textes seront publiés à la suite de notre entretien de 90 minutes avec celui qui fêtera ses 75 ans moins d’une semaine plus tard. L’autre paraîtra ce mardi 6 mai à 17h.
D’entrée de jeu, l’homme de loi admet qu’à son admission au Barreau en mai 1975, il ne pensait pas rouler sa bosse aussi longtemps dans le domaine.
« Je ne pensais même pas que je continuerais une carrière toute ma vie en droit criminel, mais c’est ce qui s’est produit effectivement », lance-t-il assis à son bureau qui se trouve à un coin de rue du Palais de justice, sur la rue Jacques-Cartier.
En effet, avant d’opter pour cette carrière, rien ne destinait le natif de Beauharnois au domaine du droit. La preuve? En 1968 alors qu’il était inscrit au cours classique offert au Collège de Valleyfield, il s’orientait vers le domaine des sciences de la santé. Puis, il a eu une révélation en cours de route.
« Je me suis dit pourquoi je n’irais pas en droit? J’ai aucune idée de ce qui m’a fait pencher vers ce domaine-là, mais finalement j’ai décidé de plonger dans l’aventure. Je me suis inscrit à différentes facultés et j’ai choisi Ottawa, parce que c’était celle où j’avais plus de chances de réussir. J’étais un sportif, je jouais au hockey. Je faisais toute sorte d’affaires. Si j’avais été à Montréal ou à McGill, à ce moment-là, j’aurais pu continuer à vivre chez nous près de mes amis et je n’aurais peut-être pas réussi à ce niveau-là. Je suis donc allé à Ottawa pendant trois ans. En première année, nous étions 160 dans la classe. En 2e et 3e année, il restait 77 étudiants. Il fallait que tu réussisses, sinon tu étais coupé du programme », poursuit-il.
Là-bas, il étudie à la Faculté de droit civil qui malgré son nom, accueillait des étudiants en droit criminel. Il a eu de très bonnes notes avant de faire son Barreau à Montréal.
Il a été engagé, en septembre 1974, au bureau du célèbre juriste Claude F. Archambault qui a notamment représenté Michèle Richard et d’autres personnalités bien connues. Cette année-là, une grève survient et son stage passe de six mois à neuf mois, ce qui fait en sorte qu’il le termine le 6 mai 1975, date de son admission au Barreau.
Un stage chez un ténor du Barreau
« Je le connaissais avant mon stage par le biais de Me Gilles Gingras et une juge de l’époque qui avaient travaillé avec lui à son cabinet. Quand je lui ai dit que nous avions des connaissances en commun, il m’a tout de suite engagé pour faire du droit criminel. À l’époque, il avait un très gros bureau qui fonctionnait très bien. Dans ces années-là, 1974-1975, c’était les années des gros avocats : Léo-René Maranda, Frank Shoofey, Sidney Leithman, Raymond Daoust et Claude F. Archambault. C’était la jungle à Montréal. Tu devais aller rencontrer des criminels endurcis à Parthenais. Des fois, je revenais chez nous, je n’étais pas gros dans mes culottes. Dans le bureau, je voyais passer des caids, des gros noms qu’on voyait dans les journaux. Ça entrait et ça se rendait dans le bureau de Me Archambault. C’était particulier », admet-il.
Après son stage, soit de mai à décembre 1975, il est resté au bureau de Montréal où il a piloté son premier dossier de meurtre, aux côtés de Me Réal Charbonneau, un dossier dont il se souvient encore aujourd’hui. D’ailleurs, il lui arrive encore parfois de croiser dans les couloirs du Palais de justice cet ancien collègue qui porte toujours la toge à 78 ans.
« C’était deux évadés de la prison de Cowansville qui avaient appelé pour un taxi. Ils voulaient avoir la voiture taxi et ils ont donc tué le propriétaire de celle-ci. La victime s’appelait Jean-Maurice Tringle et ça m’a marqué, car il était père de neuf ou dix enfants. À l’époque, quand il y avait une cause de meurtre, il y avait des enquêtes du coroner. C’est moi qui avait été faire cette étape. La famille était toute présente dans la salle. Les enfants et la mère, ce n’était pas évident. Je commençais à pratiquer. Réal en représentait un et moi l’autre. Finalement, ça s’est réglé après une semaine. La Couronne nous a fait une offre de régler sur un homicide involontaire et on a accepté », raconte-t-il.
Peu de temps après, il apprend qu’un poste est disponible à Salaberry-de-Valleyfield dans «son coin de pays» et y revient avec plaisir. Il est alors embauché au bureau de Me Claude Blanchard situé au 70 rue Nicholson. Ce dernier était un homme politique qui avait beaucoup d’affinités autant au fédéral qu’au provincial.
Là-bas aussi il a beaucoup appris. « C’était avant qu’il y ait des procureurs de la Couronne attitrés à plein temps, à salaire. À l’époque, c’était tous des procureurs ad hoc ou des procédures à l’acte. Dépendamment du contrat que tu avais. Le lundi, je pouvais faire de la protection de la jeunesse, le mardi, je pouvais être aviseur légal ou procureur en chambre jeunesse en autorisant des plaintes que la police m’amenait en tant que procureur de la Couronne. Le mercredi, souvent, je faisais du droit statutaire composé d’une partie du Code de la sécurité routière, Revenu Québec, Revenu Canada, loi chasse et pêche. Le jeudi et vendredi, je m’organisais pour faire un peu de défense au criminel. J’ai travaillé là du 15 décembre 1975 au 15 novembre 1976, on a eu tous ces mandats-là. »
Une révolution dans le domaine de la justice en 1976
En novembre 1976, quand le Parti Québécois mené par René Lévesque entre en poste, tout change. Son gouvernement nomme des procureurs à plein temps, comme actuellement, faisant du criminel, du statutaire et de la Chambre jeunesse.
Depuis ce temps, il n’a jamais manqué de travail. En 1987, deux autres nouveaux collègues arrivent au bureau de Me Blanchard, Me Guy Lalonde et Me Jean-Claude Boyer. Le trio décide en décembre 1990 d’ouvrir son propre bureau, situé sur la rue Jacques-Cartier, des locaux que Me Vinet occupe encore à ce jour avec son associé Me Alexandre Dubé. Jusqu'en 2023, Me Guy Lalonde était avec eux, ce dernier ayant quitté la profession après 35 ans d'association avec Me Vinet. Ce dernier a aussi travaillé avec Me Johanne Leduc pendant 10 ans.
« Chez Claude, on faisait du matrimonial, du droit civil. On voulait avoir notre affaire et traiter seulement des dossiers en droit criminels. J’ai acheté l’immeuble et j’y suis encore aujourd’hui, mais avec Alexandre qui travaille ici depuis plus de dix ans.»
Parmi les dossiers marquants de sa carrière Me Vinet se souvient de celui d’un bénévole qui a perdu la vie tué par deux personnes qu’il a représenté. « C'était juste avant Noël, après la comparution quand je suis sorti de la salle, il n’y avait pas de limite pour les journalistes dans le Palais. Il y en avait 25 qui m'attendaient avec des appareils photos et tout. J’ai été obligé de répondre pour m’apercevoir que la victime c’était l’oncle de certains amis à moi. J’ai suivi le dossier, peut-être un mois ou deux, puis j'ai cessé d'occuper. De toute façon, je n’étais pas sur la même longueur d'ondes que mes deux clients. Finalement, ils ont plaidé coupables plus tard avec quelqu’un d’autre, mais j’avais dit que je ne pouvais pas et que je n’étais pas bien là-dedans.»
Cinquante ans plus tard, Me Vinet est encore aussi passionné par son métier, mais il vante surtout l’esprit de famille qui règne au Palais de justice. Même s'il veut diminuer sa charge de travail au cours des prochains mois, il n'a pas l'intention d'accrocher sa toge pour de bon...pour le moment.
« Aujourd’hui, on est une quinzaine d’avocats criminalistes qui plaident toujours dans le district à plein temps. La Couronne compte environ 25 procureurs. Notre district est exceptionnel. Ce n'est pas un district de rivalité comme tu vas voir dans des grandes villes, c'est parce qu'on se voit tous les jours. On est des gens locaux. Ici, on a une bonne relation défense-procureur de la Couronne. C'est plaisant de travailler avec eux», conclut-il.
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