Aider sans rien attendre en retour
Portrait d'un homme au service de sa communauté
Guy Latour n’a jamais dormi plus de quatre heures par nuit. Le président de la section locale 575 du syndicat de Desjardins, pompier à ses heures et passionné de mécanique, est dévoué aux autres depuis plus de 25 ans.
C’est les années 70. Guy Latour, 16 ans, joue au rebelle avec ses amis dans les ruelles du quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. La police l'aperçoit. Il prend la fuite. Au moment de tourner le coin de la rue Chambly, il tombe sur la bedaine d’un pompier de la caserne adjacente. « Mon petit cœur battait en tabarouette », raconte-t-il.
L’homme lui propose de venir s’entraîner dans le gym récemment emménagé au-dessus de la caserne. « On s’est défoulé là pendant plus d’un an et demi. C’est un pompier qui m’a aidé à ne pas déraper », témoigne-t-il.
À partir de ce moment, son intérêt envers l’être humain n’a pas cessé de grandir. Une valeur qu’il avoue tenir de sa mère. « Elle avait toujours de gros chaudrons et a toujours été là pour tout le monde. Des enfants du quartier venaient chez nous le midi et elle les nourrissait tous », se remémore-t-il.
Il était donc clair pour Guy Latour que son emploi devait refléter cet aspect de lui-même. Il commence à travailler pour les Caisses Desjardins en 1978. M. Latour évolue dans l’entreprise, s’installe à Saint-Clet en 1989, et accède finalement à la présidence d’une unité syndicale en 1993.
Libéré à temps plein, il n’a jamais arrêté son implication au syndicat. Celui qui représentait 425 membres au départ, parraine aujourd’hui 52 groupes, totalisant 4000 syndiqués.
Faire une différence
« J’ai voulu rester au syndicat pour aider les gens. C’est le côté humain qui m'attirait le plus », lance Guy Latour.
Selon lui, un syndicat, c’est beaucoup plus que renouveler des conventions collectives et gérer des griefs. « Les syndicats ne devraient plus agir comme dans les années 40 [...] les gens, dans la vie, ont plus de besoins que ça », estime-t-il.
M. Latour a lancé en 2009 un service d'accompagnement pour les congés maladie. « Les plus fragiles de la gang, c’est sur eux qu’il faut mettre des énergies », ajoute-t-il.
Les premiers temps, Guy Latour parcourait la province à la rencontre des membres pour faire le suivi de leur dossier. « Au début, je faisais plus de 100 000 kilomètres par année quand j’ai instauré le programme avant de trouver Sylvie Chevrier [intervenante spécialisée en santé] », explique-t-il.
Ensemble, ils tentent de maintenir les gens en arrêt de travail selon leurs besoins, évitant les risques de rechute lors du retour. Il précise que les absences sont maintenant surtout liées à des troubles psychologiques. Un peu plus de 100 cas sont vus par année et moins de 1% rechutent selon M. Latour.
Âgé de 62 ans, il aimerait renouveler un autre mandat au syndicat. « Les trois prochaines années, surtout avec le télétravail et la pénurie de main-d'œuvre, il y a beaucoup de défis et je veux être là pour aider autant nos gens que l’entreprise pour trouver des solutions à ces problèmes-là. »
Le sens du devoir
Dès son arrivée à Saint-Clet, Guy Latour postule au Service de sécurité incendie. C’est toutefois 10 ans plus tard qu’il est rappelé. « J’ai [malgré tout] embarqué là-dedans à pieds joints », indique-t-il.
Pendant 20 ans, il répond à la majeure partie des appels et gravit les échelons pour devenir chef des opérations. « Ça m’arrivait de revenir d’une intervention, de prendre une douche et de partir au travail le matin. »
Guy Latour frappe néanmoins un mur en 2018. Des dossiers importants arrivent au syndicat. Il a donc demandé une pause de trois mois au service incendie. « Ça a été la pire affaire que j’ai faite. »
Pendant cette période, il continuait de recevoir les appels d’urgence. Ne pas aller sur le terrain lui a fait perdre la tête. « J’avais trop investi de temps pour les citoyens et je ne me sentais pas bien de ne pas les desservir comme j’ai toujours fait. »
M. Latour prend finalement la décision difficile de prendre sa retraite la même année pour sa santé. Il a petit à petit recommencer à parler aux pompiers et à les visiter, la douleur était trop grande auparavant.
Passionné de mécanique
Guy Latour se rappelle des moments passés à discuter avec le monsieur du gasbar de l’autre côté de la rue quand il était jeune.
Le rêve d’avoir un jour son propre garage ne l’a jamais quitté. Durant ses années à parcourir le Québec, M. Latour s’est inspiré des petits garages de village aux allures antiques.
Ses images, imprégnées dans son esprit, le mènent à reproduire de ses mains son propre garage antique dans la municipalité de Saint-Clet, où il collectionne toutes sortes d’objets d’époque. L’endroit est son sanctuaire, là où il ne pense à rien d’autre que travailler sur une voiture.
Sur la façade du bâtiment, on peut apercevoir un insigne hautement symbolique pour Guy Latour. Elle comporte le chiffre 7 en l’honneur du pompier Marco Pharand, décédé dans le cadre de son travail. Le garage se retrouve également sur le terrain de ses parents, ce qui ajoute à la valeur de cet objet commémoratif.
Aider son prochain
Même si aucun mécanicien n’y travaille, des passants s'arrêtent parfois au garage. Une fois, Guy Latour et son fils Charles ont dépanné un couple qui venait de faire une crevaison.
Au moment de partir, le visiteur demande combien il leur devait, son fils de répondre : « Rien. Si jamais tu as la chance d’aider quelqu’un, tu le feras ».
Cette phrase résonne encore dans la tête de M. Latour. « Quand tu élèves des enfants, tu ne sais jamais ce qu’ils vont devenir. Je suis super fier d'eux », témoigne-t-il.
Guy Latour a les valeurs d'entraide et de générosité tatouées sur le coeur. « Je donne sans jamais demander, parce que la vie finit par te redonner », conclut-il.
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