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Elections provinciales

Localement, que changerait une réforme du mode de scrutin ?

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10 octobre 2022
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Par Jean-Michel Lhomme, Journaliste

Depuis lundi dernier à 22h, c’est le sujet qui s’est imposé sur la scène politique provinciale : faut-il changer le mode de scrutin électoral ? Si tous les chefs expliquent ce que cela pourrait changer au parlement ou au gouvernement, aucun ne s’attarde sur ce que cela changerait dans les comtés. Or, selon la réforme choisie, les impacts pourraient être majeurs.

C’est vrai que les résultats provinciaux interpellent : avec 40,98% des voix, la CAQ obtient 72% des sièges. À l’inverse, malgré 12,91% le PCQ n’aura pas le moindre député. Le sort des autres partis n’est pas plus égalitaire : alors qu’à peu de chose près le Parti libéral, Québec Solidaire et le Parti Québécois ont obtenu le même nombre de voix, l’un aura 21 représentants à l’Assemblée, l’autre 11 et le dernier seulement 3. 

Tout cela parce que le système actuel ne tient compte que du vainqueur de chacune des 125 élections organisées à travers la province. Qu’on finisse second ou dernier, qu’on perde par 2 voix d’écarts ou 2 000 ne change strictement rien. C’est l’effet Abba : The winner takes it all.

Ainsi il vaut mieux être très fort dans quelques circonscriptions (et très faibles dans les autres) plutôt qu’être moyen partout. C’est ce qui explique que le Parti Libéral (très fort dans le Grand Montréal, mais assez faible partout ailleurs) obtienne 21 sièges, là où les autres partis qui ont pourtant été plus homogènes n’obtiennent que peu de députés.

Un mode de scrutin pas représentatif ?
Effectivement, les chiffres détaillés ci-dessus sont édifiants : le mode de scrutin uninominal à un tour, celui utilisé pour les élections provinciales au Québec, n’est vraiment pas représentatif des courants de pensée politiques des Québécois. C’est vrai et c'est ce que constatent les principaux candidats défaits dans Soulanges et Vaudreuil : 

"À l’échelle nationale, on ne peut pas le nier, il y a une très grande distorsion. Le suffrage finale ne représente pas le Québec." - Sophie Samson (candidate Québec Solidaire dans Soulanges

"Le mode de scrutin est injuste. La composition des sièges à l’Assemblée nationale ne représente pas le nombre de votes obtenus par les partis politique." - Christopher Massé (candidat du Parti Québécois dans Vaudreuil

"En effet, je trouve que les résultats ne permettent pas de représenter efficacement l'ensemble des Québécois.es à l'Assemblée Nationale. Malheureusement, c'est un peu plus d'un demi-million de personnes, ayant voté pour le PCQ, ne se seront pas représentées dans les quatre prochaines années. Ce n'est pas, à mon sens, la manière dont devrait fonctionner la démocratie au Québec." - Eloïse Coulombe (candidate du Parti Conservateur dans Soulanges

Mais ce scrutin n’a jamais été pensé pour être représentatif des idées de la nation québécoise. Il a été pensé pour représenter toutes les régions du Québec. Pour s’en convaincre il suffit de se rendre sur le site d’Élections Québec « Votre députée ou député représente votre circonscription à l'Assemblée nationale ».

C’est toute la subtilité, certains diront « l’ambiguïté », de ces élections provinciales : des élections purement locales auxquelles on octroie un rôle et une signification nationale puisque ce sont elles qui conditionnent la formation du gouvernement.

François Legault mis à part, tous les chefs semblent appeler de leurs voeux une réforme du mode de scrutin au Québec. Une réforme, mais quelle réforme ? Aucun ne dévoile vraiment le fond de sa pensée sur le sujet. C'est pourquoi nous ne sommes penché sur les les possibilités en nous préoccupant en premier lieu de leur conséquences éventuelles pour nos régions.


Quelle place pour les régions dans un scrutin proportionnel ?
Si le scrutin actuel (uninominal à un tour) est donc avant tout un choix local, le scrutin proportionnel est un vote éminemment national et politique. Envisager de passer de l’un à l’autre c’est d’abord se poser la question s’il est plus important de représenter les idées, que les régions ? Cette question, c’est un peu l’éléphant dans la pièce, car, selon la réponse apportée, cela peut nous emmener bien plus loin qu’un simple changement de mode scrutin.

Donner plus de représentativité aux idées, c'est ce vers quoi Eloïse Coulombe (PCQ)  penche "Je pense que l'opinion de tous les citoyen.ne.s devrait être considérée à Québec. Pour ça, il est nécessaire d'avoir une opposition d'idées. Sans la présence de tous les partis, nous ne pouvons pas offrir au peuple Québécois cette opposition positive qui ne sert qu'à mieux défendre les intérêts de tous."  

Mais pour pouvoir en mesurer correctement les conséquences, il convient d’abord de bien comprendre comment fonctionne le vote « à la proportionnelle pure ».  Si cela avait été appliqué à l’occasion de ce scrutin, voici comment se serait déroulée l’élection de lundi dernier : 

  1. Chaque parti politique aurait fourni une liste de 125 candidats. 
  2. Chaque québécois aurait voté pour la liste / le parti de son choix
  3. Une fois les votes dépouillés, on aurait tenu compte que des partis ayant obtenus un nombre « significatifs » de voix (selon les pays, ce seuil est souvent fixé à 5%... mais évidemment chaque pays fixe sa propre règle).
  4. Tous les partis « significatifs » se seraient alors vu attribuer un nombre de députés au prorata de leur pourcentage de voix.
  5. Le choix des députés au sein de chaque liste se serait fait en fonction de la place sur la liste : si un parti avait obtenu 12 sièges, ils auraient été attribués aux 12 premiers noms sur la liste de ce parti (ainsi, les noms placés en fin de liste n’ont quasiment aucune chance d’être élus.)

Avec un tel système, c'est-à-dire proportionnel intégral, et en tenant compte des votes exprimés le 3 octobre,  l’Assemblée nationale québécoise aurait un tour autre visage :

  • CAQ : 42%* des voix = 42% de l’Assemblée = 52 députés (vs 90 avec le système actuel)
  • QS : 15,5%* des voix : 15,5% de l’Assemblée = 20 députés (vs 11 avec le système actuel)
  • PQ : 15%* des voix = 15% de l’Assemblée = 19 députés (vs 3 avec le système actuel)
  • PLQ : 14,5* des voix = 14,5% de l’Assemblée = 18 députés (vs 21 avec le système actuel)
  • PCQ : 13%* des voix = 13% de l’Assemblée = 16 députés (vs 0 avec le système actuel)

* Par souci de simplification de la démonstration, nous avons arrondi les différents résultats.

Des conséquences nationales majeures
Avec un tel mode de scrutin, la CAQ ne disposerait plus que d’une majorité relative. On peut même considérer que, dans un paysage politique à 5 grands partis, obtenir une majorité absolue de 63 députés deviendrait alors mission impossible.

Pour gouverner, le parti en tête devrait donc s’allier à un ou plusieurs partis d'opposition. Cette alliance pouvant alors se faire par projet ou via un accord de gouvernement. L’intérêt est de forcer les élus à discuter et à travailler entre eux. Le risque est qu’en format ces coalitions, les élus préfèrent éluder les dossiers les plus clivants en transformant alors le gouvernement en simple « gestionnaire des affaires courantes ».

Le risque d’une disparition du fait local
La mise en œuvre d’un scrutin par liste ne permettrait plus de garantir la présence d’un député pour chaque circonscription. Par exemple : Si, sur la liste Coalition Avenir Québec, Maryline Picard n’avait été placée dans une des 52 premières positions elle n’aurait pas été élue. Même chose pour Marie-Claude Nichols si elle n’avait figuré dans les 18 premières positions de la liste Libérale. D’ailleurs, dans l’absolu, absolument rien n’obligerait les partis à présenter des députés issus de chaque circonscription.

Ainsi, avec un système par liste, certains comtés pourraient être surreprésentés et d’autres totalement absent. Comment ne pas craindre que cela est un impact sur les politiques de développement local ? Les subventions ne risqueraient-elles pas de ne plus arriver dans les régions non représentées à Québec ? Cela ne risque-t-il pas d’engendrer un Québec à deux vitesses et une déconnexion entre les élus et le peuple ?


Deux autres alternatives à la proportionnelle intégrale
Si le scrutin uninominal et la proportionnelle semblent proposer deux versions totalement opposée, il existe, entre les deux, plusieurs alternatives. Ce qui, dans un pays qui prône le consensus, risque de ne pas faciliter le débat

La proportionnelle partielle séduit...
Sur papier, cela semble être la solution qui pourrait permettre de bénéficier du meilleur des deux systèmes. 

Une partie de l’Assemblée continue à être élue comme aujourd’hui. Cela permet de continuer donc à représenter les régions et cela facilite l’émergence d’une majorité forte afin qu’il soit plus facile de gouverner. 

Une autre partie de l’assemblée est élue à la proportionnelle. Ainsi on s’assure que tous les courants d’idées significatifs soient bien représentés. Cela donne aussi un argument pour convaincre les abstentionnistes de revenir dans l’isoloir : désormais, même si leur vote se porte sur un parti minoritaire, leur voix sera belle et bien représentée à l’Assemblée.

L'abstention, on en parle peu, c'est pourtant un véritable enjeu démocratique. C'est d'ailleurs ce que soulève Christopher Massé : "Dans Vaudreuil, il y a 20 000 électeurs sur près de 61 000 qui n’ont pas voté. C’est 20 000 électeurs pouvaient faire une grande différence dans les résultats de cette élection, et je pense qu’on devrait penser à des solutions pour viser un plus haut taux de participation." 

Un système hybride est donc celui qui semble fédérer tous les partisans d'un changement de mode de scrutin : 

"Représentativité d'idées et représentation des régions, les deux doivent aller de pair. On doit s’engager, avancer selon les valeurs et les idées des partis, mais on doit également arrimer le tout d’un point de vue régionale. Ainsi, j'irai vers un scrutin proportionnel avec compensation régionale" - Sophie Samson 

"Il y a plusieurs possibilités à explorer aux fins d'une réforme efficace du mode de scrutin, que ça soit, notamment, proportionnel mixte ou préférentiel." - Eloïse Coulombe 

La proportionnelle partielle séduit... et divise ses propres partisans
Un système séduisant effectivement, mais un système dont il existe à peu près autant de variantes que de recettes de poutine au Québec ! Et c'est bien tout les problème. C'est ce qui explique la difficulté de mettre tout le monde d'accord sur un seul et même mode d'hybridation.

Par exemple, le projet de loi 39 (abandonné par le gouvernement) prévoyait l'injection d'une dose de proportionnelle. Pour autant, il ne satisfaisant pas complètement Sophie Samson :  "Le projet de loi 39 qui devait réformer le mode de scrutin n’est pas parfait, si on va de l’avant avec, on devra entre autre rediviser les circonscriptions et les régions. Cependant, l’Assemblée nationale, la maison du peuple, doit représenter le vrai portrait du Québec."

Plusieurs expériences à l’étranger ont démontré qu’il pouvait aussi facilement se transformant en une usine à gaz qui asphyxie la démocratie. Car les points de réglages d’un tel système sont nombreux et particulièrement pointus.

Quelle dose de proportionnelle faudrait-il injecter ? 10% des sièges ? 25% ? 50% ?  
Quel serait le seuil pour considérer qu’un parti est significatif et mérite une place à l’Assemblée ? 

Ne risque-t-on pas de faire deux classes de députés ? D’un côté des représentants locaux et de l’autre des représentants politiques ? Les uns ne risquent-ils pas prendre plus de poids que les autres ?

Mais il y a aussi l’alternative dont personne ne parle…

Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours 
Il s’agirait d’un simple ajustement de notre système actuel dont l’intérêt est de corriger (à la marge, mais quand même un peu) le manque de représentativité de scrutin uninominal à un tour. C’est par exemple ce qui est en vigueur pour les élections de députés en France. 

C’est un scrutin entièrement local dont le principe est que, pour être élu, il faut recueillir au moins 50% des voix. Au premier tout, si parmi tous les candidats il y en a un qui obtient la majorité absolue (c’est par exemple le cas de Claude Reid qui a obtenu 53,78% des voix dans Beauharnois), l’élection est définitivement actée. Si aucun candidat n’atteint les 50%, un deuxième tour est organisé. Pour celui-ci, seuls les deux candidats arrivés en tête au 1er tour sont autorisés à se présenter.

L’intérêt est que, dans les cas où le résultat est serré, cela redonne une chance au candidat arrivé en 2e place. Selon vers qui se reportent les votes obtenus au premier tour par les candidats éliminés, selon la capacité des candidats restant en lice à mobiliser pour soi ou contre l’autre… le résultat peu alors changer.

Dans plusieurs nombreuses circonscriptions où l’écart était très faible entre les deux candidats de tête, un tel mode de scrutin aurait peut-être pu changer les résultats finaux. Cela aurait notamment pu être le cas dans Beauce-nord, Beauce-sud… et dans Vaudreuil.

Parmi toutes ces options il y en a-t-il une qui nous séduirait plus qu’une autre ?

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