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Concessions des seigneuries de Vaudreuil et de Soulanges – 16 mai 1716

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18 mai 2025
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Par Centre d'Archives de Vaudreuil-Soulanges

Les ouvrages d’ordre historique sont unanimes pour affirmer que les seigneuries de Vaudreuil et de Soulanges en Nouvelle-France furent concédées en 1702 respectivement à Philippe de Rigaud de Vaudreuil et à Pierre-Jacques de Joybert de Soulanges.

La date la plus répandue et citée est celle du 12 octobre 1702. Il existe par ailleurs des brevets de confirmation ou de ratification de ces concessions émis en 1716. Alors, doit-on considérer l’année 1702 ou l’année 1716 comme celle de création de ces seigneuries ?

Prélude

Le 29 mai 1699, Philippe de Rigaud de Vaudreuil, âge de 48 ans, devient gouverneur de Montréal. Il connaît bien le territoire qu’il administre pour y avoir guerroyer entre 1687 et 1699 et pour l’avoir visité à plusieurs reprises, dont celui du lac des Deux Montagnes. Le fait qu’il soit gouverneur de Montréal l’a peut-être incité à demander une concession de seigneurie dans son gouvernement.

Il apparaît donc tout à fait normal que Vaudreuil cherche à acquérir une telle propriété, tout comme son jeune beau-frère de Joybert de Soulanges, jeune homme âgé de 24 ans en 1701, issu d’une famille noble qui possédait une seigneurie en Acadie.

En octobre 1701, Joybert de Soulanges envoie une lettre à la Cour de France dans laquelle il demande, entre autres, que lui soit concédée, ainsi qu’à son beau-frère Rigaud de Vaudreuil, la langue de terre située au confluent du fleuve Saint-Laurent et de la rivière des Outaouais, connue sous le toponyme moderne de presqu’île de Vaudreuil-Soulanges.

1702-1704 – Concession et refus

Le 3 mai 1702, le Roi demande au gouverneur général Louis-Hector de Callière d’évaluer la possibilité de répondre favorablement à la demande de concession faite par Joybert de Soulanges et Rigaud de Vaudreuil. Le Roi et son ministre ne sont pas a priori contre l’octroi de cette concession.

Le gouverneur général et l’intendant François de Beauharnois de La Chaussaye considèrent que ces concessions sont appropriées et émettent des actes en faveur des demandeurs les 12 et 23 octobre 1702. Les documents partent pour la France tard à l’automne 1702 à deux dates rapprochées probablement sur deux navires différents.

Les actes contiennent notamment une clause que les demandeurs sont tenus de prendre confirmation dans un an. Il existe en effet un délai de un an entre la concession d’une seigneurie par un gouverneur et un intendant, puis sa ratification par le Roi. Ce délai est tout à fait logique à cause de la distance à parcourir dans l’Atlantique Nord entre la Cour de France et les dirigeants de la colonie tout en tenant compte de la fréquence moindre des voyages des navires royaux.

Entre les versions du 12 et du 23 octobre, on remarque des différences mineures et d’autres plus importantes, à savoir celle concernant la dimension du terrain réservé pour un fort et celle du temps auquel commencera à être fait le défrichement dans la seigneurie.

Dans la version du 12 octobre, le terrain réservé pour un fort est de un arpent seulement (3 418,74 m2) ; dans la version du 23, il est de six arpents. On remarque parmi les droits accordés au seigneur celui de la traite avec les Amérindiens dans toute l’étendue de la seigneurie.

Quelques jours après l’octroi des seigneuries de Vaudreuil et de Soulanges, la haute société de Québec est assemblée le 26 octobre dans la maison de Geneviève Macard, rue Saint-Pierre, pour assister au contrat de mariage entre Pierre-Jacques de Joybert de Soulanges et Marie-Anne Bécard de Granville.

Parmi la soixantaine de personnes présentes et signataires de ce contrat, on note la présence du gouverneur général de Callière, de l’intendant de Beauharnois, de l’ex-intendant Bochard de Champigny, de Philippe de Rigaud de Vaudreuil et son épouse, Louise-Élisabeth de Joybert de Soulanges. Ce contrat de mariage ne fait pas mention du bien immeuble concédé trois jours auparavant.  

À la fin de l’automne 1702, Rigaud de Vaudreuil et Joybert de Soulanges sont convaincus qu’ils sont bien en possession d’une seigneurie et que le brevet de confirmation de concession leur parviendra à coup sûr lors du retour du vaisseau du Roi au printemps de 1703.

Le 16 janvier 1703, Joybert de Soulanges décède de la petite vérole à Québec. Sa veuve, Marie-Anne Bécard, porte en son sein un enfant qui naîtra le 5 octobre 1703 : Louise-Geneviève, la future seigneuresse de Soulanges.

À la suite du décès, un inventaire des biens est dressé le 2 mai 1703 par le notaire Chambalon de Québec en présence de Philippe de Rigaud de Vaudreuil. Le seul papier inventorié est le contrat de mariage du 26 octobre 1702. Nulle mention n’est faite d’un acte de concession de la seigneurie de Soulanges des 12 et 23 octobre 1702.

Le 26 mai 1703 survient la mort du gouverneur général Callière, lequel est remplacé intérimairement par Philippe de Rigaud de Vaudreuil. À l’été de 1703, le Roi adresse un mémoire au gouverneur général – ignorant encore son décès – et à l'intendant Beauharnois dans lequel il refuse les concessions de seigneurie en général parce qu’il manquerait la réserve de terrain pour le Roi.

Sans parler explicitement des actes de concession de Vaudreuil et Soulanges : Sa Majesté n’en a pas fait expédier les confirmations ; elle désire qu’ils les envoient au long… Les actes étant jugés incomplets et à sa satisfaction, le Roi n’accorde pas la ratification des concessions.

La nouvelle du décès de Callière parvient au Roi au cours de l’été 1703 puisqu’il nomme Rigaud de Vaudreuil gouverneur général et marquis le 1er août 1703. Si le Roi ne considère pas inappropriée la concession de la seigneurie à Rigaud de Vaudreuil avant la mort de Callière, il change d’idée à l’automne de 1703 après avoir reçu des nouvelles troublantes et des accusations portées contre lui.

Sa Majesté lui aurait accordé volontiers la concession de seigneurie s'il avait été dans une autre situation. Le refus du Roi ne parviendra à Québec qu’en 1705. Le retard était dû à la capture du vaisseau La Seine par les Anglais le 26 juillet 1704.

Sans nouvelle de Versailles, Vaudreuil demande à nouveau par lettre le 15 novembre 1703 une confirmation de la concession de la seigneurie en envoyant une nouvelle copie des actes en le suppliant le ministre Jérôme Phélypeaux de Pontchartrain de lui en accorder la confirmation et celle du sieur de Soulanges qui sera remise à son enfant.

Au cours de l’hiver-printemps 1703-1704, des commentaires du ministre de la Marine donnent le principal motif du refus du Roi : la réputation du marquis de Vaudreuil, dans sa nouvelle situation de gouverneur général, doit être sans tâche.

Or, sa situation est entachée par des bruits qui se sont rendus à la Cour et l’emplacement des seigneuries pose problème. On mentionne un plan qui indique que les seigneuries sont à la tête des habitations. Le Roi craint que les titulaires des deux nouvelles seigneuries profitent de leur avantage géographique pour pratiquer la traite des fourrures en interceptant les convois des Amérindiens.

Le Roi a appris de plus que Vaudreuil a déjà affermé la seigneurie, qu’il ne possède pas encore, à un marchand de fourrures controversé, Pierre Lamoureux dit Saint-Germain. Mais, aucun soupçon de favoritisme, de vénalité ou de prévarication ne doit entacher la réputation du gouverneur général dans l’esprit du Roi et, par le fait même, la sienne.

1705-1706 – Autre refus

Sur la question de la ratification des actes de 1702, de nouvelles lettres sont échangées en 1705 en mai et octobre entre le gouverneur Vaudreuil et la Cour. Le 19 octobre, il supplie très humblement le ministre d’accorder la confirmation de la concession qui avait été donnée à Joybert de Soulanges en assurant que ce n’est pas dans la vue d’y faire du commerce, mais seulement parce que sa veuve y a déjà placé plusieurs habitants.

Le 9 juin 1706, le ministre répond : À l’égard de la concession faite au feu sieur de Soulanges, votre beau-frère, et dont vous demandez la confirmation pour sa veuve et pour sa fille, Sa Majesté ne peut l’accorder, qui lui a été concédée est au-dessus de l’île de Montréal, ce qui est défendu par les ordres de Sa Majesté et qu’elle est directement sur le passage des Sauvages qui voudraient aller à Ville-Marie, ce qui ruinerait le commerce de cette ville.

Ainsi, il s’agit d’une nouvelle confirmation que la seigneurie de Soulanges n’est pas encore officiellement accordée. Il en va de même avec un refus par le Roi de confirmer la création de la seigneurie de Vaudreuil, et ce, pour deux raisons : l’emplacement de la seigneurie au-delà des régions habitées et la menace d’une traite des fourrures nuisible aux marchands de Montréal. Le Roi Louis XIV met donc fin aux espoirs de Vaudreuil et de Marie-Anne Bécard d’acquérir les seigneuries de Vaudreuil et de Soulanges. L’attente durera encore 10 ans.
 

1712-1714 – Nouvelle démarche 

Et nous voilà rendu en 1712. En juin, le ministre Phélypeaux de Pontchartrain écrit à l’intendant Michel Bégon en réponse à une demande de madame la marquise de Vaudreuil qui s’occupe à Versailles des affaires de son mari et de l’avancement de ses enfants.

Le ministre prie l’intendant d'examiner s'il convient d'accorder la ratification des concessions faites au mari de madame la marquise et à feu son frère, Pierre-Jacques de Joybert de Soulanges.

Il ajoute que la raison qui avait empêché cette ratification est que lesdites seigneuries étaient en dehors des habitations de la colonie et qu’on craignait que ceux qui les habiteraient empêcheraient les Amérindiens d'aller traiter à Montréal.

Le ministre est maintenant favorable à la ratification des concessions octroyées en 1702. Bégon en fera la demande dans une lettre du 12 novembre 1714. Il croit que la confirmation que M. le marquis de Vaudreuil en demande pour lui et pour madame sa belle-sœur ne tirerait pas à conséquence et que ses services et son rang méritent au moins ce petit privilège au-dessus des autres. Il est bon de remarquer que la demande est faite avant la mort de Louis XIV, survenue le 1er septembre 1715. 

Quant au marquis, il obtient la permission de se rendre en France, en Languedoc, pour s’occuper du patrimoine immobilier familial. Il quitte Québec sur L’Afriquain en octobre 1714 et est probablement arrivé en France en décembre. L’affaire va trainer encore pendant deux ans.

1716 – Ratification des concessions

Le 16 mai 1716, le marquis de Vaudreuil est à Versailles, quand le jeune Roi Louis XV en son Conseil ratifie la concession de la seigneurie qu’il réclamait. Il confirme le même jour la concession de la seigneurie de Soulanges.

Le 23 juillet suivant, Vaudreuil est à Rochefort et s’embarque pour Québec à bord du vaisseau Le François. Après ce long voyage de deux mois, il arrive, malade, à Québec le 5 octobre avec en mains le brevet de concession de sa seigneurie de Vaudreuil et celui de la seigneurie de Soulanges.

Le 7 décembre 1716, les concessions accordées au sieur de Vaudreuil et à Marie-Anne Bécard en 1702 sont enregistrées au greffe du Conseil supérieur de Québec. 

Conclusion

Les sources consultées prouvent que les seigneuries de Vaudreuil et de Soulanges ne furent accordées par le Roi Louis XV et le Conseil de régence qu’au printemps de 1716 après des refus en 1703, 1704 et 1706. L’enregistrement du 7 décembre suivant répond enfin à une demande faite 15 ans plus tôt.

Le peuplement des seigneuries pourra donc commencer en 1717. L’île aux Tourtes, occupée par des Népisingues dès 1705, puis par une mission et une garnison, ne fera donc partie intégrante de la seigneurie de Vaudreuil qu’en 1716.

Auteur : Jean-Luc Brazeau, bénévole. 

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