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Une exposition montréalaise sur le militantisme des travailleuses du sexe

durée 15h02
1 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
durée

Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Lorsque le groupe communautaire Mile End Chavurah a organisé un événement en 2023 pour nommer la «nouvelle sainte patronne» de la communauté juive de Montréal, Maimie Pinzer a été choisie.

Comme militante, elle a créé en 1915 un espace communautaire pour ses collègues travailleuses du sexe.

Des décennies plus tard, elle est honorée par une fresque murale arborant du noir, du blanc et du rose vif dans le quartier Mile End. Elle a également donné son nom et inspiré le groupe de défense des travailleuses du sexe Stella, l'amie de Maimie.

Aujourd'hui, elle et des générations d'autres «femmes rebelles» sont au cœur d'une exposition à Montréal qui met en lumière le militantisme des travailleuses du sexe, tant pour la défense de leur mode de vie que pour leur combat dans d'autres causes sociales, de la lutte contre le sida à celle contre la pauvreté.

Organisée pour coïncider avec le 30e anniversaire de Stella, l'exposition vise à «montrer nos 30 années de résistance et ce à quoi cela ressemble, et surtout, comment les travailleuses du sexe de cette ville ont résisté pendant si longtemps, bien au-delà de ces 30 années, bien sûr», a expliqué Jenn Clamen, coordinatrice aux communications de l'organisme.

Intitulée «Par et pour: 30 ans de résistance des travailleuses du sexe», l'exposition présente un mélange d'œuvres d'art, de photos historiques et d'articles de journaux, ainsi que des informations sur la mission de l'organisation. Elle se tiendra jusqu'au 15 mars au Centre des mémoires montréalaises.

Intersectionnalité des luttes

Des panneaux noirs et roses montrent des travailleuses du sexe participant à des marches de protestation, des symposiums et des campagnes publicitaires pour diverses causes sociales — à Montréal et à l'échelle internationale. Leur activisme touche de multiples secteurs de la société en raison de leurs identités intersectionnelles, a déclaré Mme Clamen.

«Les travailleuses du sexe font partie des communautés 2SLGBTQ. Elles font partie des communautés sans-abri, des communautés asiatiques, des communautés juives et des communautés autochtones», a rappelé Mme Clamen.

Tamara Kramer, de Mile End Chavurah, a déclaré que la collaboration avec Stella avait été une occasion d'en apprendre davantage sur la mission du groupe. Cela lui a également permis de rencontrer des personnes de sa communauté qui étaient liées à l'organisation; «des personnes juives que nous n'aurions probablement jamais rencontrées à Mile End Chavurah se sont manifestées parce qu'elles étaient attirées par ce type d'art et d'activisme».

L'exposition du musée présente également une photo d'une marche organisée dans le quartier chinois de Montréal en 2021, à laquelle des travailleuses du sexe ont participé afin de dénoncer la montée du racisme anti-asiatique et les meurtres de huit personnes, dont six femmes asiatiques, abattues dans des salons de massage cette année-là à Atlanta, en Géorgie.

«Ce fut un moment vraiment spécial, car nous ne savions pas que nous pouvions nécessairement trouver de la solidarité dans les communautés chinoises», a raconté Mme Clamen.

May Chiu, qui a aidé à organiser la marche contre le racisme anti-asiatique, décrit l'événement et la collaboration avec Stella comme «incroyables».

«Nous ne nous attendions qu'à 100 ou 200 personnes, et, au final, les médias ont rapporté qu'environ quatre ou cinq mille personnes s'étaient présentées», a-t-elle déclaré en entrevue.

Elle a ajouté que Stella avait aidé à organiser une veillée pour les femmes assassinées dans les salons de massage, dans ce qu'elle a décrit comme «un geste particulièrement solennel et magnifique pour se souvenir des femmes qui sont mortes à cause de la haine anti-asiatique».

Selon elle, l'implication de Stella a permis de rappeler que les femmes assassinées étaient «doublement vulnérables», ciblées à la fois en raison de leur origine ethnique et de leur travail dans l'industrie du sexe. Mais les membres du groupe ne se concentrent pas uniquement sur le statut de victime, a-t-elle précisé.

«C'était agréable de travailler avec un groupe qui défend les droits des travailleuses du sexe non seulement en tant que victimes, mais aussi en tant que femmes capables de se battre», a souligné Mme Chiu.

Une présentation variée

L'exposition présente une grande couverture en patchwork, réalisée par des détenues de la prison pour femmes Tanguay de Montréal, aujourd'hui fermée.

On y trouve des cartons d'allumettes provenant de salons d'effeuillage et une pièce éclairée par une lumière rose néon remplie d'objets personnels ayant appartenu à des travailleuses du sexe, allant d'un vieux téléphone portable à des flacons vides qui contenaient autrefois des médicaments hormonaux, conservés dans une boîte à parfum.

L'exposition se concentre cependant principalement sur le militantisme des travailleuses du sexe. Mme Clamen a indiqué que les groupes de travailleuses du sexe s'alignent naturellement sur des combats, tels que la défense des personnes atteintes du VIH et la réduction des risques, «car nous partageons la lutte pour l'autonomie corporelle et contre la criminalisation».

Elle note que les travailleuses du sexe se sont également impliquées dans les affaires municipales, notamment la lutte contre la gentrification d'une portion du boulevard Saint-Laurent, où les appartements en copropriété et les restaurants de luxe ont remplacé les maisons closes et les clubs de danseuses où elles travaillaient autrefois.

Les personnes qui viennent à l'exposition en s'attendant à du contenu classé X n'en trouveront généralement pas. «En fait, cette exposition ne comporte pratiquement pas de nudité, elle est plutôt classée "PG"», a expliqué Mme Clamen; il ne s'agit pas tant du travail du sexe que de la résistance.

«Les gens ne savent pas pour quoi les travailleuses du sexe se battent, a-t-elle continué. Ils pensent souvent qu'il s'agit simplement de lutter pour le droit d'être travailleur du sexe, mais ce n'est pas le cas. Il s'agit en réalité de lutter pour les droits de la personne fondamentaux.»

Morgan Lowrie, La Presse Canadienne

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