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Une étude trace un lien entre dépression et usage des réseaux sociaux chez les jeunes

durée 11h14
28 mai 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — L’usage des réseaux sociaux chez les préadolescents et jeunes adolescents semble bel et bien contribuer à une augmentation des symptômes de dépression chez ceux-ci.

Une vaste étude menée par des chercheurs de l’université de San Francisco conclut qu’à mesure que les préadolescents augmentent leur usage de médias sociaux, leurs symptômes dépressifs s’aggravent. Or, ils ont parallèlement constaté qu’une augmentation des symptômes dépressifs ne mène pas à un accroissement de l’usage des médias sociaux.

En d’autres termes, l’étude, publiée par le volet Network Open du Journal of the American Medical Association (JAMA), réussit à établir un lien entre l’accroissement de l’usage des médias sociaux et un accroissement des symptômes dépressifs lors du passage de l’enfance à l’adolescence. Ainsi, pendant que l’usage de médias sociaux passait en moyenne de sept minutes par jour à 73 minutes par jour durant les trois années de l’étude, les symptômes dépressifs augmentaient parallèlement, eux, de 35 %.

On ne parle pas ici d’un petit échantillon. L’équipe de recherche dirigée par le docteur Jason Nagata, du département de pédiatrie de l’université californienne, a analysé les données de près de 12 000 enfants évalués d’abord à l’âge de 9 et 10 ans, puis réévalués trois ans plus tard, à l’âge de 12 et 13 ans. Il s’agit d’une des premières études où des chercheurs ont pu suivre l’évolution des changements chez chaque enfant sur une certaine période – en l’occurrence trois ans – afin de vérifier avec précision le lien entre l’usage des médias sociaux et la dépression.

Un lien, mais des nuances

Selon le docteur Nagata, ces résultats démontrent l’existence d’un lien entre médias sociaux et symptômes dépressifs.

Emmanuelle Parent, directrice générale et cofondatrice du Centre pour l’intelligence émotionnelle en ligne (CIEL), estime toutefois que cette étude, comme la plupart de celles qui abordent ce sujet, amalgame tous les usages de réseaux sociaux et, de ce fait, manque de nuances : «Si quelqu'un a beaucoup de conversations et passe beaucoup de temps sur Instagram ou sur Snapchat, mais que c'est surtout interpersonnel, ce qu'on a tendance à voir, c'est que les jeunes vont rapporter plus de bienfaits. Quand des jeunes disent qu’ils se sentent fatigués, qu’ils se sentent dévalués, qu’ils se comparent, qu’ils ne vont pas bien, souvent c’est plus associé à une utilisation plus passive de contenus. Ils regardent la vie des autres, ils vont se comparer ou regarder des contenus qui vont les mettre de mauvaise humeur ou les indigner.»

«Dans les futures recherches, ça serait bien de voir quel type d'utilisation est le plus associé avec les symptômes dépressifs, parce qu'en ce moment c'est comme si on mettait toutes les utilisations dans le même bateau», fait-elle valoir.

«Mais juste le fait que ça contribue, c'est déjà super grave. C'est déjà en soi une bonne justification pour intervenir.»

Cyberintimidation et manque de sommeil

Les auteurs de l’étude notent d’ailleurs qu’on ne sait pas exactement pourquoi les médias sociaux accroissent les symptômes dépressifs, bien que d’autres études pointent vers la cyberintimidation ou encore le sommeil perturbé comme étant des facteurs de risque. D’ailleurs, l’équipe du docteur Nagata vient aussi de publier dans The Lancet Regional Health – Americas une étude distincte avec la même cohorte de jeunes sur les effets de la cyberintimidation.

Cette autre étude montre que les enfants âgés de 11 à 12 ans qui ont fait l’objet de cyberintimidation sont 2,62 fois plus susceptibles de rapporter des idées suicidaires ou même une tentative de suicide un an plus tard. Ces mêmes enfants sont aussi 2,31 fois plus susceptibles d’expérimenter avec une substance dans l’année suivant la cyberintimidation (4,65 fois plus susceptible avec le cannabis, 3,37 fois plus avec la nicotine et 1,92 fois plus avec l’alcool).

Là aussi, Mme Parent émet certaines réserves. D’une part, note-t-elle, l’étude rapporte que ce sont 8,7 % des jeunes de la cohorte qui rapportent avoir subi de l’intimidation, donc un peu moins d’un sur dix. D’autre part, souligne-t-elle avec justesse, «là où des jeunes discutent les uns avec les autres, il y a une opportunité de connecter, puis d'avoir du plaisir, mais il y a aussi tout le temps un risque d'intimidation. L’intimidation, pour me promener dans plus d’une centaine d’écoles au Québec, elle ne se trouve pas juste sur les réseaux sociaux. La cause est humaine avant tout, mais c'est sûr que les réseaux sociaux ont cette capacité parfois de normaliser les insultes parmi les gens», concède-t-elle.

Âge vulnérable

Ces éléments entrent en jeu à une période critique, souligne-t-on dans l’étude. Les effets des médias sociaux «ne sont pas uniformes, écrit-on, mais dépendent de facteurs développementaux et socioculturels qui, à l’adolescence, peuvent inclure une plus grande réactivité cognitive et émotionnelle. Ces sensibilités font de l’adolescence une période critique de vulnérabilité durant laquelle l’exposition aux médias sociaux peut avoir des implications à long terme sur la santé mentale.»

Les auteurs soulignent que les jeunes sont pris au piège : d’une part, les recherches pointent vers un lien clair entre l’usage des médias sociaux et les symptômes dépressifs et les comportements à risque; d’autre part, il s’agit aussi du principal moyen pour eux d’être en contact avec leurs pairs.

Conseil aux parents

Quels conseils donner aux parents, dans ce cas? «Comme père de deux jeunes enfants, je sais que de simplement dire aux enfants de ne pas rester collés à leur téléphone ne fonctionne pas vraiment», reconnaît le docteur Nagata.

Cette autre étude montre que les enfants âgés de 11 à 12 ans qui ont fait l’objet de cyberintimidation sont 2,62 fois plus susceptibles de rapporter des idées suicidaires ou même une tentative de suicide un an plus tard. Ces mêmes enfants sont aussi 2,31 fois plus susceptibles d’expérimenter avec une substance dans l’année suivant la cyberintimidation (4,65 fois plus susceptibles avec le cannabis, 3,37 fois plus avec la nicotine et 1,92 fois plus avec l’alcool.)

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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