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Un rapport montre peu de progrès pour le caribou en Alberta, malgré un accord fédéral

durée 21h38
9 février 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

EDMONTON — Un document du gouvernement de l'Alberta suggère que la province a fait peu de progrès dans la protection de ses 15 troupeaux de caribous menacés, malgré la signature d'un accord avec Ottawa qui promettait des améliorations. 

Ce document, déposé avec trois ans de retard le 19 janvier, est le premier rapport portant sur l'accord dit de l'article 11 entre la province et Environnement Canada.

L’accord de 2020 a été conclu sous la menace d’une intervention du gouvernement fédéral pour protéger l’habitat essentiel des troupeaux, qui sont dans de nombreux cas presque entièrement perturbés par le développement des ressources.

Le rapport englobe les deux premières années de l'accord.

Il en ressort une longue liste de problèmes, allant de la lenteur du nettoyage des lignes sismiques à la croissance continue de l'empreinte industrielle en passant par l'absence de planification de l'aire de répartition qui permettrait à l'espèce de survivre dans certains des paysages les plus fréquentés du Canada.

«Il n'y a pas grand chose d'encourageant dans les données», commente Phillip Meintzer de l'Alberta Wilderness Association.

Perturbations en hausse

Malgré l'accent mis par l'accord sur la protection de l'habitat, les perturbations humaines ont augmenté dans 23 des 28 sous-aires de caribous entre 2018 et 2021. 

La superficie moyenne de l'habitat essentiel non perturbé par l'industrie ou les incendies de forêt dans une sous-aire de caribous de l'Alberta est de 19 %, alors que les directives fédérales indiquent que les caribous ont besoin de 65 % de cet habitat pour être autosuffisants.

Sur ces 28 sous-aires, sept ont plus de 10 % de leur superficie sous une forme ou une autre de protection. Neuf ne bénéficient d'aucune protection et les autres ont une moyenne d'environ 3 %.

La foresterie, l’énergie, l’agriculture, les loisirs et l’habitation détruisent tous l’habitat du caribou, mais ils fournissent également des emplois dont dépendent des milliers d’Albertains.

Les plans d'aire de répartition décrivant comment ces utilisations peuvent coexister avec le caribou constituent un objectif majeur de l'accord. 

Quinze plans relatifs à l'aire de répartition devaient être achevés d'ici fin 2025. Deux ont été complétés, mentionne M. Meintzer, et ceux-ci n'ont pas encore été mis en œuvre par la législation.

Les lignes directrices concernant les activités sur l'habitat du caribou qui existent peuvent être modifiées à la demande de l'industrie. Entre octobre 2020 et décembre 2021, Alberta Environment a traité 101 demandes de ce type.

L'une des principales causes de perturbations sont les lignes sismiques, qui coupent les forêts et permettent aux prédateurs d'accéder à des bosquets qui seraient autrement difficiles d'accès.

Selon le rapport, l'Alberta possède 250 000 kilomètres de lignes sismiques sur l'aire de répartition du caribou. Fin 2021, 138 kilomètres avaient été restaurés et les travaux sur 763 autres avaient démarré.

Pendant ce temps, l'activité dans l'aire de répartition du caribou se poursuit. En 2020 et 2021, les nouvelles autorisations pour les activités forestières, énergétiques et autres activités industrielles couvraient plus de 700 kilomètres carrés.

Stable grâce à l'abattage des loups

Malgré la pression, les récentes estimations du gouvernement indiquent que le nombre de caribous semble stable, à environ 2000 individus.

Sur les 15 troupeaux de l'Alberta, le rapport estime qu'au moins huit s'en sortent bien. L’un d’eux est presque certainement en train de diminuer. Pour les autres, la situation pourrait aller dans un sens ou dans l’autre.

Le rapport attribue cela à l'abattage annuel des loups dans la province, mené par des tirs d'hélicoptères et un empoisonnement à la strychnine. En 2020 et 2021, 824 loups ont été tués.

«Dans tous les cas, les tendances sont plus mauvaises», soutient M. Meintzer.

Il souligne que le rapport est attendu depuis deux ans. Les tentatives pour connaître les raisons sont restées vaines, évoque-t-il.

«Nous avons parlé à des gens d'Alberta Environment et d'Environnement Canada. Les deux se renvoient la balle», relate M. Meintzer. 

Un porte-parole d'Environnement et Changement climatique Canada, Samuel Lafontaine, a indiqué qu'Ottawa avait exprimé des préoccupations concernant le retard du rapport.

«Comme l'Alberta dispose désormais d'un processus de publication des rapports annuels, nous prévoyons que les futurs rapports seront publiés en temps opportun», a-t-il déclaré.

Alberta Environment n’a pas répondu à une demande de commentaires.

Conservation difficile

Un professeur d'écologie à l'Université de l'Alberta, Mark Boyce, estime que le rapport jette un doute sur les efforts de conservation du caribou de l'Alberta.

«J'étais dans l'aire de Little Smoky cet automne et j'ai été troublé de constater une expansion importante du pétrole et du gaz et la poursuite de l"abattage des parcelles d'habitat restantes», a-t-il mentionné par courriel.

«Certains troupeaux persistent à cause de l'empoisonnement des loups (...) une pratique méprisable qui tue un grand nombre d'animaux sauvages non ciblés. Les propres données (de l'Alberta) contenues dans ce document montrent à quel point ils ont complètement détruit les habitats de la plupart des troupeaux», ajoute M. Boyce. 

En raison de la sensibilité du caribou aux perturbations et de son besoin des mêmes paysages dont dépendent les humains pour leurs ressources, les biologistes ont décrit la préservation de l'espèce comme l'un des problèmes les plus difficiles en matière de conservation.

Selon M. Meintzer, c'est ce qui rend le retard et les conclusions du rapport si décevants. Les accords de l'article 11, en vigueur sur des animaux allant des épaulards en Colombie-Britannique à l'esturgeon jaune au Québec, sont censés être un outil important pour rassembler les gouvernements en faveur de la conservation.

«Le simple fait de disposer des chiffres pour 2021 ne nous donne pas vraiment la possibilité d'évaluer si l'accord fonctionne, affirme-t-il. Sans ces rapports annuels, nous ne pouvons tout simplement pas dire si ces accords au titre de l'article 11 sont utiles.»

Bob Weber, La Presse Canadienne