Un rapport interne du MSSS fait état du besoin de redresser le réseau des CLSC


Temps de lecture :
4 minutes
Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Le réseau des CLSC (Centre local de services communautaire) du Québec doit être remanié et recentré sur sa mission première d’être une porte d’accès aux services sociaux et de santé axée sur les besoins et réalités du territoire qu’ils desservent.
Un document préparé pour le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) à l’approche du dépôt de ses grandes orientations, notamment en matière de soutien à domicile, de soins et services de première ligne et de santé publique, dresse un constat sévère de ce que sont devenus les CLSC.
«Les CLSC font face à un tournant majeur. Bien que leur raison d’être repose sur des principes largement reconnus (la proximité, l’accessibilité, la continuité, l’ancrage territorial), leur capacité à les incarner pleinement est très limitée», peut-on lire dans le document préparé par le Sous-ministériat à la santé physique et pharmaceutique (SMSPP).
Problèmes multiples
Lorsqu’on approfondit la lecture de l’ouvrage d’une quarantaine de pages, les mots ci-dessus semblent bien faibles pour exprimer les constats du travail de recherche mené à la fois sur le terrain par des visites et entrevues, par la collecte de données qui a démontré une absence de fiabilité de celles-ci et la consultation de documents multiples.
Le rapport fait état d’une gouvernance locale désincarnée des CLSC eux-mêmes, d’une offre de services «à géométrie variable» selon les régions, d’un accès «morcelé et parfois inéquitable» et de «trajectoires de soins et services discontinues et mal coordonnées».
Gouvernance tiraillée
Dans le cas de la gouvernance, le rapport pointe une approche qui cause «un cloisonnement important de l’action clinique et organisationnelle. Le fonctionnement en silos complique le déploiement d’une logique territoriale cohérente.»
Aussi, note-t-on, les CLSC sont tiraillés entre la Loi sur la gouvernance du système de santé et de services sociaux (LGSSSS) qui propose une vision intégrée de la première ligne arrimée au territoire et à la communauté, et le fonctionnement en silos qui tend à classer l’intervention par catégories cliniques ou sociales au détriment d’une lecture plus globale des besoins des usagers.
Offre de services inégale et fragmentée
En ce qui a trait à l’offre de services «à géométrie variable», le document parle d’une évolution au fil des ans «sans vision d’ensemble ni cadre commun de standardisation. Plusieurs CLSC ont ainsi vu leur rôle clinique se réduire, notamment avec la relocalisation de services professionnels vers d’autres points de prestation.»
Les auteurs parlent d’une «offre fragmentée, difficilement lisible pour la population, et insuffisamment arrimée aux besoins locaux. La couverture semble varier considérablement d’une région à l’autre, sans que cela reflète nécessairement les besoins réels des communautés qui reçoivent ces services.»
Accès inéquitable
Du côté de l’accès «morcelé et parfois inéquitable», les auteurs dénoncent l’absence de «porte d’entrée territoriale unique lisible pour la population et pour les services locaux communautaires» et le fait que l’accès à certains services soit souvent lié au fait d’être inscrit auprès d’un médecin de famille, «ce qui limite l’universalité de l’offre et crée une dynamique de système à deux vitesses». À cela s’ajoute un financement «historiquement déterminé, rigide». Le rapport déplore que «les CLSC, qui devraient incarner une porte d’entrée accessible, humaine et intégrée, peinent à jouer ce rôle pleinement».
Quant à la trajectoire de soins, elle est marquée par «des ruptures, des redondances et un manque d’harmonisation des interventions». Les intervenants en silos ne se parlent pas, «ce qui oblige les usagers à reformuler leurs demandes à chaque point de contact». Plus encore, il y a un manque de coordination avec les autres niveaux de soins (hôpital, réadaptation, médecine spécialisée), les GMF et autres cliniques médicales, ainsi qu’avec les partenaires communautaires. «Les transitions critiques, comme le retour à domicile après une hospitalisation ou le passage à l’âge adulte, sont particulièrement vulnérables à ces discontinuités», note-t-on.
Informatique déficiente
Les auteurs signalent au passage un problème qui ne surprendra personne, soit l’incapacité «persistante» des systèmes informatiques à se parler entre eux, ce qui «limite grandement la capacité de suivi des usagers dans leur trajectoire». On parle d’un «déficit technologique» qui fragilise la qualité de la continuité des soins et services.
Le Québec compte quelque 500 CLSC répartis sur 166 territoires locaux et le rapport affirme avec force qu’ils doivent être redéfinis comme de véritables points de service de proximité sur leur territoire.
Sans surprise, les recommandations visent les problèmes énumérés ci-dessus, soit de renforcer la gouvernance territoriale et briser les silos; de définir une offre minimale commune; de simplifier l’accès aux services; et d’assurer la continuité et le partage d’information.
«Selon l’article 4 de la LGSSSS, les CLSC sont responsables d’assurer l’accès à un ensemble cohérent de services communautaires locaux de première ligne, y compris des services de santé et des services sociaux courants, de nature préventive ou curative, de réadaptation, de réinsertion et de santé publique, peut-on lire. Cette responsabilité est définie dans une logique territoriale: le CLSC offre des services à une population vivant sur un territoire donné, sans distinction d’inscription préalable, et ce, en collaboration avec une diversité de partenaires (GMF, organismes communautaires, pharmacies, etc.).»
Rétablir les intentions originales
Cependant, poursuit-on, leur rôle est devenu principalement opérationnel. «Ils hébergent les équipes de divers programmes, mais n’ont pas nécessairement le pouvoir de les arrimer de manière systématique. Cette configuration contribue à une certaine fragmentation, et leur position en tant que point d’ancrage local ou porte d’entrée lisible varie considérablement d’un territoire à l’autre.»
Et pourtant, «les CLSC demeurent une référence symbolique forte dans l’imaginaire collectif québécois et conservent un potentiel structurant pour répondre aux besoins de proximité, particulièrement pour les usagers sans milieu d’affiliation clair».
Les auteurs concluent qu’«il est impératif que le rôle des CLSC soit redéfini clairement, dans une logique populationnelle et territoriale». Le portrait qu’ils dressent «constitue la base pour bâtir les prochaines orientations ministérielles: définir non seulement ce qu’est un CLSC aujourd’hui, mais surtout ce qu’il doit devenir demain.»
Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne