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Un Néo-Brunswickois construit un télescope pour voir l'éclipse au-dessus des nuages

durée 12h34
10 mars 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

HALIFAX — Au début du mois prochain, des millions de Canadiens regarderont vers le ciel pour assister à une éclipse solaire totale. Toutefois, certaines personnes risquent d’être déçues en raison de la présence de nuages. 

David Hunter prévoit d'avoir une vue dégagée et il invite les autres à le rejoindre. Ce physicien médical à la retraite de l'ouest du Nouveau-Brunswick a dirigé un groupe de bénévoles pour construire un télescope de suivi du soleil qui sera hissé par un ballon météo dans l'après-midi du 8 avril.

«L'objectif principal est de surmonter toute couverture nuageuse existante», a expliqué M. Hunter dans une entrevue, ajoutant que le ballon rempli d'hélium pourrait s'élever jusqu'à 30 kilomètres au-dessus de la Terre après son lancement depuis Florenceville-Bristol, au Nouveau-Brunswick, à 15h30, heure locale. 

Lors de son ascension, le ballon transportera une boîte en forme de tube de 2,3 mètres équipée de minuscules ordinateurs, de quatre dispositifs de suivi et de plusieurs caméras, dont certaines transmettront des images à une station au sol de l'hôtel Florenceville Inn.

À partir de là, la vidéo sera diffusée en direct sur plusieurs sites de visionnement dans l'ouest du Nouveau-Brunswick, ainsi que sur une chaîne YouTube, dont le lien sera bientôt publié sur le site web de M. Hunter.

L'ombre de la Lune, large de 185 kilomètres, entrera dans Florenceville-Bristol à 16h32, plongeant les environs dans l’obscurité pendant plus de trois minutes. Ce n’est qu’alors qu’il sera possible de regarder le soleil en toute sécurité sans protection oculaire.

En supposant qu'il y ait peu de couverture nuageuse, les rayons du soleil disparaîtront au crépuscule, des étoiles et des planètes scintillantes apparaîtront et l'horizon deviendra orange comme au coucher du soleil. À ce stade, la couronne vaporeuse du soleil se déploiera derrière une lune noire, un spectacle éthéré normalement perdu dans l'éblouissement de la lumière du jour.

La température chutera d'environ cinq degrés Celsius et les animaux à proximité pourraient se comporter de manière étrange, disent les experts. Et puis ce sera fini, alors que l’ombre de la lune se déplacera vers l’est à environ 3700 kilomètres par heure.

M. Hunter a affirmé que le plus grand défi technique que son équipe a dû surmonter était de concevoir une machine permettant au télescope de suivre en permanence le soleil alors que la charge utile de huit kilogrammes du ballon vacillait dans le vent.

«Il tourne, mais il oscille aussi», a détaillé M. Hunter, ajoutant que des étudiants de l'Université du Nouveau-Brunswick ont également travaillé sur le projet. «Cela a été la partie la plus difficile... On m'a dit que c'était impossible.»

À l'aide d'une technologie développée à l'Université Laval, M. Hunter et son équipe ont construit leur propre version d'un mécanisme à cardan connu sous le nom d' «Agile Eye». Au lieu de pointer le télescope volant vers le soleil, il est dirigé vers le bas vers un miroir fixé à deux moteurs de commande informatisés.

«Le miroir se déplace de telle manière qu'il pointe toujours le soleil vers le télescope», a déclaré M. Hunter.

L’expérience des éclipses solaires a toujours été une passion pour M. Hunter. Alors qu'il grandissait à Florenceville, il a vu sa première éclipse en 1963, après avoir lu des articles sur le système solaire et l'univers dans une série de livres. 

«En voyant les images des galaxies et, en particulier, de la nébuleuse d'Orion, je me suis dit : "Oh mon Dieu, c'est magnifique".»

Il a construit un télescope à partir d'un ensemble et, en mars 1970, il s'est rendu en Nouvelle-Écosse avec sa famille pour observer une éclipse solaire totale.

«C'était nuageux, dit-il avec un soupir. C'était un tel sentiment d'impuissance. C'était ma première expérience d'être assombri lors d'une éclipse.»

Un phénomène qui n'est pas rare

En tant qu'adulte, M. Hunter a travaillé à Toronto sur les méthodes d'imagerie numérique pour le dépistage du cancer du sein. Mais son intérêt pour la cosmologie n’a jamais faibli. 

«Quand j'ai pris ma retraite, je pensais que si je retournais au Nouveau-Brunswick, j'aurais de l'espace libre, a-t-il raconté. Vous pouvez réellement voir des choses dans le ciel, ce qui n'est pas si facile à Toronto.»

Et lorsqu'il a appris que l'éclipse solaire de 2024 verrait l'ombre de la lune passer directement au-dessus de sa ville natale, il a pensé : «je ne veux plus être assombri (par les nuages)».

Pendant ce temps, les vents dominants d’ouest devraient transporter le ballon le long de la trajectoire projetée de la lune, mais ce n’est pas une chose certaine. «Nous n'avons aucun contrôle directionnel sur la destination, a raconté M. Hunter. Nous sommes à la merci des vents.»

Pourtant, M. Hunter a dit qu'un vol d'essai en novembre s'était déroulé sans accroc. Alors que le ballon s'approchait du golfe du Saint-Laurent, sur la côte est du Nouveau-Brunswick, un signal provenant de la station au sol a demandé à un ordinateur de bord de couper la corde entre le ballon et sa charge utile. La charge utile est tombée au sol en toute sécurité, un parachute ralentissant sa descente.

Malgré leur mystique cosmique, les éclipses totales du soleil ne sont pas rares. Elles apparaissent une ou deux fois par an quelque part sur la planète, selon la NASA. La plupart des endroits attendent généralement entre 400 et 1000 ans pour une répétition du phénomène. La dernière fois qu'une éclipse solaire totale a traversé la région maintenant connue sous le nom de centre du Nouveau-Brunswick, c'était en 982 de notre ère, a indiqué M. Hunter.

La Nouvelle-Écosse, en revanche, a été relativement gâtée, connaissant des éclipses solaires totales en 1970 et de nouveau en 1972. Et l'éclipse du mois prochain traversera également la pointe nord du Cap-Breton. Depuis 1963, les Canadiens ont été témoins de cinq éclipses solaires totales, même si celle de 2008 s'est produite dans les parties supérieures de l'Arctique.

Michael MacDonald, La Presse Canadienne