Un gant intelligent pour recommencer à marcher


Temps de lecture :
3 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Un gant intelligent imaginé par des chercheurs de l'Université de Sherbrooke pourrait un jour permettre à certains patients non seulement de recommencer à marcher, mais aussi de retrouver une sensation dans le membre paralysé.
L'équipe du neurochirurgien Christian Iorio-Morin a récemment reçu un financement de 24 millions $ du fonds Nouvelles frontières en recherche pour poursuivre ses travaux.
«Dans plusieurs cas de paralysie, le muscle fonctionne toujours, mais le signal ne se rend pas jusqu'au muscle, a-t-il expliqué. Le muscle fonctionne, les nerfs fonctionnent, le cerveau fonctionne, mais le signal ne se rend pas.»
Le gant RE-MOVE que le docteur Iorio-Morin et ses collègues tentent de mettre au point serait inséré, dans un premier temps, sur la main encore fonctionnelle d'un patient victime d'un accident vasculaire cérébral.
Plier un doigt enverrait un signal à une électrode placée près de la moelle épinière, faisant bouger la jambe. Le gant serait aussi capable de vibrer, fournissant au patient une sensation qu'il apprendrait à interpréter comme provenant de sa jambe.
«Vous pliez l'index, ça fait bouger la hanche. Vous pliez le majeur, ça fait plier le genou. Vous pliez l'annulaire, ça fait plier la cheville, a énuméré le docteur Iorio-Morin. Donc pour marcher, le patient aurait simplement à bouger les doigts, comme s'il jouait du piano, et ça déclencherait dans la jambe des mouvements que la personne pourrait contrôler elle-même.»
Le projet s'intéressera tout d'abord aux patients qui ont été victimes d'un AVC, plutôt qu'à ceux dont la moelle épinière a été endommagée, puisque toutes les structures nécessaires à la marche sont encore essentiellement intactes. On espère toutefois pouvoir aider un jour des patients entièrement paralysés.
Les pièces requises pour monter ce système existent déjà: des stimulateurs, des électrodes, des capteurs, des gants… mais rien ne les relie efficacement. Le défi consiste donc à créer un logiciel qui rassemblera toutes ces technologies ― certaines américaines, certaines suisses, certaines provenant d'autres pays ― «alors que présentement, il n'y a rien qui se parle», a souligné le docteur Iorio-Morin.
Ce logiciel, une fois au point, sera offert gratuitement à tous ceux qui veulent l'utiliser pour réaliser leurs propres expériences.
«On sait que si on stimule la moelle épinière, on génère un mouvement des muscles, a dit le docteur Iorio-Morin. On sait qu'on est capable de décoder l'intention de bouger. Et on sait que si on bouge les doigts avec un gant, on est capable de détecter ça. On le voit dans les jeux vidéos. Actuellement, ce qui manque, c'est de connecter les pièces ensemble.»
On doit aussi ajouter la composante «proprioception», c'est-à-dire de savoir à quel moment le pied est bien appuyé contre le sol, en équilibre, sans devoir le regarder. C'est ce besoin que viendrait combler la vibration du gant, a dit le chercheur.
Si l'index vibre, a précisé le docteur Iorio-Morin, c'est signe que la hanche a bougé, et ainsi de suite avec les autres doigts.
«Le patient reçoit un 'feedback' qu'il se passe quelque chose», a-t-il dit.
Ses collègues et lui espèrent être en mesure de procéder aux premiers essais humains d'ici deux ans, avec la version la plus simple de leur système.
Mais tout ça n'est que la pointe de l'iceberg, poursuit le docteur Iorio-Morin.
Plusieurs entreprises développent actuellement des dispositifs qu'on pourrait implanter directement au niveau du cerveau pour détecter l'intention de bouger. Des électrodes enregistreraient en temps réel les décharges des neurones, et des algorithmes d'intelligence artificielle enverraient un signal de marche au stimulateur.
Un tel système pourrait être utilisé, par exemple, avec des patients qui ont besoin de leurs mains pour tenir une marchette.
«La technologie est rendue là, on a vraiment une convergence des dispositifs, a conclu le docteur Iorio-Morin. Le principe scientifique est simple, on a l'intelligence artificielle pour faire les algorithmes, et on arrive au moment où c'est vraiment possible, puis c'est réaliste, et c'est ce qu'on va essayer de démontrer.»
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne