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Un cessez-le-feu ne ferait que retarder une offensive israélienne sur Rafah

durée 19h04
25 février 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

TEL-AVIV, Israël — Une offensive militaire israélienne à Rafah, la ville la plus au sud de Gaza, pourrait être «quelque peu retardée» si un accord de cessez-le-feu d'une semaine est conclu entre Israël et le Hamas, a déclaré dimanche le premier ministre Benyamin Netanyahou, affirmant qu'une victoire totale sur le territoire arriverait en quelques semaines, une fois l'offensive lancée.

M. Netanyahou a confirmé à CBS qu’un accord était en cours, sans aucun détail. Les pourparlers ont repris dimanche au Qatar entres spécialistes, a rapporté la télévision publique égyptienne Al Qahera, citant un responsable égyptien disant que des discussions suivraient au Caire dans le but de parvenir au cessez-le-feu et à la libération de dizaines d'otages détenus à Gaza, comme à celle des Palestiniens emprisonnés par Israël.

Pendant ce temps, Israël est sur le point d'approuver son projet d'étendre son offensive contre le groupe militant du Hamas à Rafah, à la frontière entre Gaza et l'Égypte, où plus de la moitié des 2,3 millions d'habitants du territoire assiégé ont trouvé refuge. Les groupes humanitaires mettent en garde contre une catastrophe. Rafah est le principal point d'entrée de l'aide à Gaza. Les États-Unis et d’autres alliés affirment qu’Israël doit éviter de nuire aux civils.

Le premier ministre de l'État hébreu a annoncé qu’il convoquerait le Cabinet cette semaine pour approuver les plans opérationnels, qui incluent l’évacuation des civils vers d’autres parties de Gaza.

«Une fois que nous aurons lancé l’opération de Rafah, la phase intense des combats sera à quelques semaines de la fin. Pas des mois, a affirmé M. Netanyahou à CBS. Si nous n'avons pas d'accord, nous le ferons quand même.» Il a indiqué que quatre des six bataillons restants du Hamas sont concentrés à Rafah.

Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré à NBC que le président Joe Biden n'avait pas été informé du plan de Rafah. «Nous pensons que cette opération ne devrait pas se poursuivre tant que nous n'aurons pas (un plan pour protéger les civils)», a expliqué Sullivan.

De violents combats se sont poursuivis dans certaines parties du nord de Gaza, première cible de l'offensive, où les destructions sont stupéfiantes.

«Nous sommes coincés, incapables de bouger à cause des bombardements intenses», a déploré Ayman Abu Awad, un habitant de la ville de Gaza.

Il a déclaré que les habitants affamés ont été contraints de manger du fourrage pour animaux et de chercher de la nourriture dans les bâtiments démolis. À Jabaliya, à proximité, la vendeuse du marché Um Ayad a montré une mauvaise herbe à feuilles que les gens cueillent dans le sol dur et sec et mangent.

«Nous devons nourrir les enfants. Ils n'arrêtent pas de crier qu'ils veulent de la nourriture. Nous ne trouvons pas de nourriture. Nous ne savons pas quoi faire», s'est-elle lamentée.

Philippe Lazzarini, commissaire général de l'agence des Nations Unies pour les Palestiniens, a déclaré qu'ils n'étaient pas en mesure de livrer de la nourriture au nord de Gaza depuis le 23 janvier, ajoutant sur X que «nos appels à envoyer de l'aide alimentaire ont été refusés».

Israël a rapporté que 245 camions d’aide sont entrés à Gaza dimanche, soit moins de la moitié du volume entrant quotidiennement avant la guerre.

DÉTAILS DE L'ACCORD PROPOSÉ

Un haut responsable égyptien, qui est avec le Qatar un médiateur entre Israël et le Hamas, a déclaré que le projet d'accord de cessez-le-feu prévoyait la libération de jusqu'à 40 femmes et otages plus âgés en échange de jusqu'à 300 prisonniers palestiniens, pour la plupart des femmes, des mineurs et des personnes âgées.

Le responsable, s’exprimant sous couvert d’anonymat pour discuter des négociations, a déclaré que la pause proposée de six semaines dans les combats inclurait l’autorisation de centaines de camions d’apporter chaque jour une aide désespérément nécessaire à Gaza, y compris dans le nord. Il a déclaré que les deux parties étaient convenues de poursuivre les négociations pendant la pause en vue de nouvelles libérations et d'un cessez-le-feu permanent.

Les négociateurs sont confrontés à une date limite officieuse fixée au début du mois sacré musulman du Ramadan, aux alentours du 10 mars, une période souvent marquée par une intensification des tensions israélo-palestiniennes.

Le Hamas affirme qu’il n’a pas été impliqué dans la dernière proposition élaborée par les États-Unis, l’Égypte et le Qatar, mais les grandes lignes rapportées correspondent largement à sa proposition antérieure pour la première phase d’une trêve.

Le Hamas a rétorqué qu'il ne libérerait pas tous les otages restants tant qu'Israël n'aurait pas mis fin à son offensive et retiré ses forces du territoire, et exige la libération de centaines de prisonniers palestiniens, dont des militants de haut rang. M. Netanyahou a rejeté ces conditions.

Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a clairement indiqué dimanche qu'un accord de cessez-le-feu pour Gaza n'affecterait pas les affrontements quotidiens de l'armée avec le groupe militant libanais Hezbollah, allié du Hamas.

«Nous continuerons le feu et nous le ferons indépendamment du sud», a-t-il martelé lors de sa visite au Commandement du Nord.

Israël a déclaré la guerre après l'attaque du Hamas contre le sud d'Israël le 7 octobre, au cours de laquelle des militants ont tué environ 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et pris environ 250 otages. Plus de 100 otages ont été libérés dans le cadre d'un accord de cessez-le-feu en novembre. Plus de 130 personnes restent en captivité, dont un quart serait mort.

Les familles ont suivi les négociations avec espoir et angoisse.

«Cela ressemble à la liste de Schindler. Sera-t-il sur la liste ou pas?» a expliqué à la radio militaire israélienne Shelly Shem Tov, la mère d'Omer, 21 ans, sur ses chances d'être libéré.

L'offensive aérienne et terrestre d'Israël a chassé environ 80% de la population de Gaza de ses foyers, exposant des centaines de milliers de personnes au risque de famine et de propagation de maladies. Le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, affirme que 29 692 Palestiniens ont été tués dans la guerre, dont les deux tiers sont des femmes et des enfants.

Le bilan des morts établi par le ministère ne fait pas de distinction entre civils et combattants. Israël affirme que ses troupes ont tué plus de 10 000 militants, sans fournir de preuves.

NOUVEAU-NÉS MOURANT À RAFAH

La guerre a dévasté le secteur de la santé de Gaza. Moins de la moitié des hôpitaux fonctionnent, même partiellement.

À l’hôpital Emirates de Rafah, trois à quatre nouveau-nés sont placés dans chacun des 20 incubateurs, conçus pour un seul.

Le Dr Amal Ismail a révélé que deux à trois nouveau-nés meurent en une seule journée, en partie parce que de nombreuses familles vivent dans des tentes par temps pluvieux et froid. Avant la guerre, un ou deux nouveau-nés dans des couveuses y mouraient chaque mois.

«Peu importe combien nous travaillons avec eux, tout cela est gaspillé, a-t-elle déclaré. Les conditions sanitaires dans les tentes sont très mauvaises.»

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Wafaa Shurafa a fait un reportage depuis Rafah, dans la bande de Gaza, et Samy Magdy, depuis le Caire.

Tia Goldenberg, Wafaa Shurafa And Samy Magdy, The Associated Press