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Un cervelet fragilisé pourrait expliquer l’apparition de troubles moteurs

durée 11h16
16 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Un cervelet fragilisé dès la naissance pourrait expliquer l’apparition, plusieurs décennies plus tard, de troubles moteurs, portent à croire les travaux d'une équipe montréalaise.

Une équipe du Centre de recherches du Centre hospitalier de l'Université de Montréal menée par Éric Samarut et Fanny Nobilleau a ainsi constaté que le gène RFC1, surtout connu pour son rôle dans la réparation de l'ADN, joue dans les faits un rôle de premier plan dans la formation du cervelet, la zone qui coordonne nos mouvements.

«On fait de la neurogénétique fonctionnelle, donc on va s'intéresser à la fonction de gènes qui sont impliqués dans des maladies, et en particulier, nous, on s'intéresse aux maladies rares neurologiques, a expliqué le professeur Samarut. Ce qu'on essaie de faire, c'est de comprendre à quoi servent ces gènes quand tout va bien, pour mieux comprendre comment des mutations dans ces gènes peuvent causer des maladies.»

L'absence du gène RFC1 entraînerait des malformations cérébelleuses précoces, ouvrant ainsi la porte à l'apparition éventuelle de troubles comme le syndrome de CANVAS (l'acronyme anglais de 'Ataxie cérébelleuse, neuropathie, syndrome d'aréflexie vestibulaire'), une maladie rare pour le moment sans traitement.

Lors du développement de l'embryon, a expliqué M. Samarut, les chercheurs ont constaté avec «une certaine surprise» que le gène RFC1 est principalement exprimé dans le cervelet.

En étudiant le développement du cerveau dans des modèles de poisson-zèbre, l'équipe du CRCHUM a découvert que l'absence de RFC1 entraîne la mort de cellules qui se seraient développées en neurones, créant ainsi une malformation du cervelet dès les premiers stades de la vie, a-t-on précisé par voie de communiqué.

Lors du développement du cervelet dans l'embryon, a dit M. Samarut, le gène RFC1 agit un peu comme un «gardien de l'intégrité du génome, il assure pendant tout le développement et la production de neurones que le génome est bien maintenu et bien géré».

«Et quand RFC1 n'est pas là, tout le système se met en pause et ces cellules qui devraient devenir des neurones finissent par mourir ou par s'auto-suicider», a-t-il précisé.

Les chercheurs se demandent donc si un dérèglement de RFC1 pourrait fragiliser le cervelet et, possiblement, mener au développement de troubles moteurs plusieurs décennies plus tard.

«D'habitude, les causes génétiques, ce sont des mutations dans des gènes, donc ça va aller impacter le fonctionnement normal du gène, a dit M. Samarut. Là c'est un peu plus compliqué: ce sont des expansions répétées, donc des portions d'ADN qui sont répétées dans une quantité anormale. Mais on ne sait pas du tout comment ces expansions répétées vont causer le problème.»

Dans ce cas-ci, a-t-il poursuivi, «on ne sait pas du tout ce qui se passe encore, on sait seulement que ces expansions se retrouvent proches d'un gène qui s'appelle RFC1». Les chercheurs ne comprennent pas, par exemple, si RFC1 fait défaut dès la formation du cervelet ou s'il se dérègle plus tard.

Les chercheurs essaient maintenant de déterminer si l'activité de RFC1 est défectueuse chez les personnes atteintes de CANVAS et si elle est responsable des difficultés motrices qui en résultent.

Bien que les applications cliniques soient encore loin, l'étude révèle des mécanismes jusqu'à présent inconnus, ce qui ouvre la voie à la recherche, notamment pour les maladies neurodégénératives telles que les syndromes parkinsoniens atypiques et l'atrophie multisystémique, assure-t-on.

Si les chercheurs arrivent à démontrer qu'une altération de la fonction de RFC1 est à l'origine de la maladie, a dit M. Samarut, ça permettra de préciser un peu la forme que pourraient prendre d'éventuels traitements. Cela voudrait aussi dire que les patients qui développent des symptômes à 50 ou 60 ans présentent des défauts structurels de leur cervelet bien avant les premières manifestations de la maladie.

«Ça voudrait dire qu'on pourrait diagnostiquer la maladie et possiblement intervenir avant l'apparition des premiers symptômes, et ça, ça pourrait changer la donne pour les patients», a conclu M. Samarut.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par la revue Nature Communications.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

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