Un ancien chercheur d'Hydro-Québec s'étonne des accusations qui pèsent contre lui

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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Un ancien chercheur d'Hydro-Québec accusé d'espionnage économique a juré mercredi qu'il n'avait divulgué aucune information confidentielle et qu'il avait été choqué après son arrestation et sa mise en accusation en 2022.
«J'étais surpris, voire stupéfait», a déclaré Yuesheng Wang par l'intermédiaire d'un interprète lors de son procès.
La Couronne accuse M. Wang, âgé de 38 ans, d'avoir partagé des recherches confidentielles d'Hydro-Québec avec des entités chinoises en vue de la commercialisation de technologies de batteries.
M. Wang a plaidé non coupable d'espionnage économique au profit de la Chine en vertu de la Loi sur la protection de l’information du Canada et de quatre autres chefs d'accusation déposés en 2022 et en 2024 en vertu du Code criminel: utilisation frauduleuse d'un ordinateur, abus de confiance, actes préparatoires commis au profit d'une entité étrangère et divulgation de ses intentions à cette entité, la République populaire de Chine.
La Couronne a indiqué qu'une autre accusation d'obtention frauduleuse d'un secret commercial avait été retirée l'an dernier.
Elle a notamment soutenu que M. Wang avait postulé, alors qu’il travaillait à Hydro-Québec, pour des postes dans des universités chinoises dans le cadre du Programme des mille talents, un outil de recrutement utilisé par le gouvernement chinois pour inciter des scientifiques formés à l’étranger à revenir travailler en Chine.
M. Wang a nié ces allégations mercredi, affirmant que les références contenues dans les documents étaient fondées sur des informations publiques qui n'ont «rien de spéciales, rien de secrètes», trouvées sur le site Web d’Hydro-Québec, dans des communiqués de presse ou dans des ouvrages universitaires.
Il a déclaré que son intention était de démontrer qu’il «travaillait pour une entreprise solide» en faisant référence aux projets d’Hydro-Québec. Il a également souligné avoir apporté son expertise en matière de batteries sodium-ion à la société d'État.
«C’est moi qui leur ai enseigné cette technologie. C’est moi qui l’ai introduite chez Hydro-Québec», a déclaré M. Wang au juge Jean-Philippe Marcoux, de la Cour du Québec, par l’intermédiaire d’un interprète.
L'homme de nationalité chinoise a travaillé de 2016 à 2022 au Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d'énergie (CETEES) d’Hydro-Québec, un institut de recherche situé à Varennes qui étudie les technologies de batteries de pointe et les systèmes de stockage d’énergie. Il a déclaré au tribunal être actuellement sans emploi.
Mardi, M. Wang a témoigné avoir rencontré de nombreuses difficultés à son arrivée au Québec en raison de la barrière de la langue. Il a expliqué avoir postulé ailleurs, car il avait des relations tendues avec la direction d’Hydro-Québec et peinait à obtenir un permis de travail de longue durée. Il a également indiqué avoir été préoccupé par le manque de ressources et d’intérêt pour ses recherches.
Il a par ailleurs souligné sa faible maîtrise du français et de l’anglais, ce qui a rendu son travail difficile et a été fréquemment évoqué au cours du procès.
Mercredi, il a affirmé que les formations sur les politiques, comme le code d’éthique de l’institut de recherche ou le processus de publication et de brevetage, étaient dispensées en français et qu’il n’avait jamais reçu de documents ou de formation officiels. «De mémoire, personne ne m’a remis ces documents et j’ignore même leur existence», a déclaré M. Wang.
Il a expliqué avoir posé sa candidature au programme du gouvernement chinois, car celui-ci était lié à un poste de professeur titulaire et à la possibilité d’embaucher des doctorants en cas de succès.
«C’est le travail de mes rêves», a dit M. Wang au sujet de la supervision de recherches doctorales. Les documents qu’il avait préparés faisant référence à des projets d’Hydro-Québec n’ont finalement jamais été communiqués, puisque ses quatre candidatures auprès d’institutions chinoises ont été rejetées sur la base de son CV, première étape du processus du programme chinois.
Outre les options universitaires, M. Wang a également postulé chez BASF, une entreprise privée, et à l’Université Concordia à peu près au même moment.
«J'étais très surpris»
Il a nié avoir travaillé clandestinement pour des institutions chinoises. Il a témoigné que tout avait été fait avec le consentement de ses supérieurs à Hydro-Québec et que le silence aurait été contraire à l’éthique scientifique.
«Les institutions chinoises ne me payaient pas, alors pourquoi aurais-je travaillé pour elles? Je n’ai travaillé que pour Hydro-Québec», a-t-il juré.
Plus tôt mercredi, M. Wang a déclaré qu'il n'avait eu connaissance d'aucune enquête criminelle le concernant avant son arrestation en novembre 2022.
M. Wang a affirmé n'avoir reçu aucune explication de ses supérieurs avant sa suspension en août 2022, puis son licenciement en novembre de la même année. La direction d'Hydro-Québec a lancé une enquête interne à la suite de la découverte d'une publication scientifique de M. Wang en mai 2022. L'enquête a ensuite été transmise à la Gendarmerie royale du Canada.
«J'étais très surpris, car je ne pensais pas avoir commis de faute», a déclaré M. Wang au sujet de l'enquête.
Il a également indiqué avoir proposé une rencontre avec ses supérieurs pour discuter de la situation, mais que cette rencontre n'a jamais eu lieu.
«Cela ne s'est jamais produit et j'en ai été très surpris. Je m'attendais à cette occasion, mais elle ne s'est jamais présentée», a conclu M. Wang.
Sidhartha Banerjee, La Presse Canadienne