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Transformation de l’échiquier politique: à droite toute!

durée 10h00
23 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

QUÉBEC — Moins de paperasse et de bureaucrates, loi et ordre, réduction de l’immigration, reculs sur l’environnement: l’échiquier politique bouge vers la droite en ce moment. Comment expliquer le phénomène? La Presse Canadienne s’est penchée sur la question.

Généralement associé au centre-gauche, le Parti québécois (PQ) de Paul St-Pierre Plamondon a entrepris un virage à droite «surprenant», selon le professeur de science politique à l’Université de l’Alberta, Frédéric Boily, qui considère tout de même que le parti n’abandonne pas complètement son «ADN social-démocrate».

«On a un positionnement moins interventionniste sur les questions économiques», souligne toutefois le politologue spécialiste de la droite, en entrevue avec La Presse Canadienne.

En conseil national en novembre dernier, Paul St-Pierre Plamondon a dit vouloir «remplacer le bar ouvert des subventions par un allègement fiscal» pour les PME ainsi que «réduire massivement la paperasse et la bureaucratie».

Du point de vue identitaire, on assiste à une surenchère entre le PQ et la Coalition avenir Québec (CAQ). Les péquistes accusent régulièrement le gouvernement de ne pas aller assez loin sur des sujets comme la protection du français, la réduction de l’immigration ou encore la laïcité.

«Il y a un bassin d’électeurs disponibles pour un parti un peu plus à droite et, avec les difficultés de la CAQ, ça peut expliquer cela», soutient Frédéric Boily.

«Traitement choc»

Le premier ministre François Legault a annoncé un important coup de barre à droite lors de son remaniement ministériel de septembre.

Il a promis un «traitement choc» pour «couper profondément dans la bureaucratie». Plus récemment, la présidente du Conseil du Trésor, France-Élaine Duranceau, a annoncé qu’elle comptait supprimer l'équivalent de 5000 postes dans l’appareil de l’État.

Le thème de la loi et l'ordre est aussi devenu une priorité pour la Coalition avenir Québec (CAQ). Le ministre de la Sécurité publique, Ian Lafrenière, a récemment déposé une pièce législative pour interdire aux groupes criminels d'afficher leurs couleurs.

De son côté, son collègue au Travail, Jean Boulet, est parti en guerre contre les syndicats avec des projets de loi pour leur serrer la vis.

L’identité a aussi fait un grand retour avec des initiatives pour renforcer la laïcité. François Legault en a remis une couche au sujet de l’immigration, affirmant que le Québec était «submergé». La baisse du nombre d'immigrants annoncée par la suite a toutefois été modérée.

Avec un PQ qui caracole dans les sondages, la CAQ est vraisemblablement consciente qu’elle a de la compétition sur ce terrain. À cela s’ajoute le Parti conservateur du Québec (PCQ) d’Éric Duhaime qui souffle dans le cou du parti de François Legault.

«Avec le PCQ qui réussit à se maintenir en avance sur la CAQ dans certains sondages, le parti de François Legault s’est repositionné sur son héritage adéquiste», explique le professeur Boily.

PLQ et PLC

Situer le Parti libéral du Québec (PLQ) sur l’échiquier politique est difficile actuellement. Avant l’élection de Pablo Rodriguez comme chef, la formation politique semblait vouloir revenir à un positionnement plus centre-droit au niveau économique, notamment en se réconciliant avec la rigueur budgétaire.

Or, M. Rodriguez n'a pas eu le temps d'insuffler une orientation claire au parti avant de démissionner dans la controverse la semaine dernière. Il faudra donc attendre de voir quelle direction son successeur choisira pour le bateau libéral en vue des prochaines élections.

Le virage à droite est plus clair pour son grand frère, le Parti libéral du Canada (PLC), depuis l’arrivée de Mark Carney à sa tête.

Dès son élection comme chef, il coupe l’herbe sous les pieds du chef conservateur Pierre Poilievre en abolissant la taxe carbone pour les consommateurs. Ce recentrage a vraisemblablement porté fruits puisque les libéraux fédéraux sont – contre toute attente – reportés au pouvoir pour un quatrième mandat.

Le premier ministre Carney a par la suite reculé sur d’autres mesures environnementales. La signature d’un protocole d’entente avec l’Alberta pour favoriser la construction d’un oléoduc a toutefois poussé Steven Guilbeault – un ancien militant écologiste – à quitter le conseil des ministres en novembre.

Quelle place pour les conservateurs et solidaires?

Le Parti conservateur est le parti le plus assumé à droite au Québec et son chef, Éric Duhaime, en martèle les thèmes depuis longtemps: réduction de la taille de l’État, moins de taxes et d’impôts, mise au pas des syndicats, etc.

Le PCQ peine toutefois à avoir une représentation à l’Assemblée nationale. Les sondages laissent entendre qu’il pourrait faire son entrée au parlement aux prochaines élections… à moins que le virage à droite des autres formations politiques ne lui retire tout son oxygène.

Un autre parti qui risque d’être étouffé aux prochaines élections est Québec solidaire (QS). Résolument campés à gauche, les solidaires résistent à toute droitisation. Ils peinent toutefois à maintenir la tête hors de l’eau dans les intentions de vote.

Pour Frédéric Boily, QS doit se «recentrer» et laisser tomber certains sujets.

«Les solidaires ne sont pas campés sur des enjeux économiques comme on peut le voir du côté de la gauche canadienne-anglaise dans les quatre provinces de l’Ouest», soutient-il.

Comment expliquer ce phénomène?

Selon le politologue, nos sociétés font face à une anxiété post-pandémique qui rend les électeurs plus à l’écoute des idées de droite. On peut penser à l’anxiété économique avec l’inflation et la difficulté pour les gens de se trouver un logement, par exemple.

Rappelons que durant la pandémie de COVID-19 les gouvernements ont dépensé sans compter afin d’aider leur population.

«Pour une partie importante de l'électorat, et notamment ceux qui ont voté conservateur à la dernière élection fédérale, la maîtrise des finances publiques est importante. On a l'impression que l'État a perdu le contrôle des finances publiques et que ça va hypothéquer l'avenir. Et je pense que chez les jeunes, ça peut être plus présent», explique le professeur.

Il souligne toutefois que malgré les intentions des partis d’aller à droite, la mise en place de telles politiques peut se révéler laborieuse.

«Quand des nouveaux programmes sont mis en place, c'est difficile, presque impossible, pour les gouvernements de revenir en arrière. Une fois que c’est mis en application, les citoyens s’attendent à ce que les services soient fournis», explique Frédéric Boily.

Rappelons également que le dernier budget du gouvernement fédéral prévoyait un important déficit de 78,3 milliards $ pour l'année 2025-2026.

C’est quoi être de droite?

On peut diviser la droite en deux sous-catégories: économique et nationaliste.

La droite économique veut moins de taxes et d'impôts pour plus de liberté individuelle. Elle affirme qu’un marché moins réglementé favorise le développement des entreprises et donc, par extension, la croissance économique. Ici, l’État doit se recentrer sur ses missions fondamentales, particulièrement la sécurité.

La droite nationaliste est davantage préoccupée par la préservation de l’identité et va donc prôner des politiques de défense culturelle. Elle n’est donc pas opposée à des interventions plus prononcées de l’État quand vient le temps, par exemple, de protéger le français ou encore des valeurs comme la laïcité.

Ces deux droites peuvent parfois entrer en confrontation. Par exemple, sur les immigrants, la droite économique en veut plus pour répondre aux besoins du marché alors que la droite nationaliste affirme qu’un nombre trop important risque de mettre en péril l’identité et la culture de la terre d’accueil.

Elles peuvent parfois se rejoindre sur des enjeux comme la réduction de la taille de l’État au nom de l’efficacité et en raison d’une méfiance envers la bureaucratie.

Thomas Laberge, La Presse Canadienne

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