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Transformation de l'industrie automobile: la protection des emplois préoccupe

durée 22h33
25 avril 2024
La Presse Canadienne, 2024
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — L'industrie automobile canadienne connaît une renaissance alors qu'elle passe de la construction de véhicules à essence à celle de véhicules électriques, mais certains tirent la sonnette d'alarme sur la protection des emplois locaux.

Le sud de l'Ontario est devenu une plaque tournante pour les constructeurs automobiles étrangers qui ont investi des dizaines de milliards de dollars depuis 2020 pour implanter des usines de batteries de véhicules électriques, avec l'aide du gouvernement fédéral sous forme de crédits d'impôt et de subventions.

Alors que les gouvernements fédéral et provinciaux subventionnent cette industrie en pleine croissance, les dirigeants syndicaux, le Parti conservateur du Canada et le Nouveau Parti démocratique (NPD) exigent du premier ministre Justin Trudeau l’assurance qu’il veillera à ce que les emplois reviennent aux Canadiens.

Plus tôt ce mois-ci, le Syndicat des métiers de la construction du Canada a interpellé M. Trudeau pour qu'il intervienne auprès de l'usine de batteries NextStar à Windsor, en Ontario, qui appartient à Stellantis et LG Energy Solution.

D'après le syndicat, les Canadiens sont mis à l'écart au profit des travailleurs étrangers temporaires.

Dans une lettre adressée au premier ministre Trudeau, l'organisation syndicale soutient que 180 travailleurs qualifiés de la région restent au chômage bien qu'ils soient disponibles pour effectuer un travail qui a plutôt été confié à de nouveaux arrivants.

Il s'agit d'un «déplacement effronté de travailleurs», lit-on dans la lettre du 10 avril, «par de grandes sociétés internationales qui font un pied de nez au gouvernement du Canada, aux contribuables et à nos travailleurs spécialisés».

NextStar Energy et le gouvernement fédéral affirment tous deux que les travailleurs étrangers ne représentent que 72 emplois à l'usine et que des équipements spécialisés sont en cours d'installation que les Canadiens apprendront ensuite à utiliser.

Néanmoins, le directeur exécutif du syndicat, Sean Strickland, a indiqué que ce sont des tâches que les travailleurs canadiens peuvent déjà accomplir.

«Nous avons 1600 travailleurs canadiens sur le chantier aujourd'hui, et nous espérons que cela continue ainsi au cours de la prochaine phase de ce projet, où les travaux se tourneront vers l'installation d'équipement, a affirmé M. Strickland dans une déclaration. Nous restons en mesure de fournir la main-d'œuvre qualifiée nécessaire pour réaliser ces travaux.»

Des garanties exigées 

Jeudi, M. Trudeau était à Alliston, en Ontario, pour annoncer le dernier investissement de plusieurs milliards de dollars en matière de véhicules électriques.

Honda s'apprête à construire une usine de batteries à côté de son usine d'assemblage, qu'elle réorganise pour produire des véhicules entièrement électriques dans le cadre d'un projet de 15 milliards $.

Le premier ministre fédéral a éludé la question de savoir si l'accord avec Honda inclut une protection explicite pour les travailleurs canadiens.

«En fait, les investissements que nous faisons, que ce soit avec NextStar ou ici avec Honda Motor, visent à créer de bons emplois pour les travailleurs canadiens, et c'est ce qui est en train de se concrétiser», a déclaré M. Trudeau.

L'entreprise affirme que 1000 nouveaux emplois seront associés au projet.

Mais à ce stade, rien ne garantit que les travailleurs actuels de Honda dans la communauté seront en mesure de faire la transition vers les nouveaux emplois, a déclaré la présidente nationale d'Unifor, le principal syndicat de l'automobile au Canada.

«Nous devons simplement nous assurer que nous protégeons les travailleurs de toutes les manières possibles», a fait valoir Lana Payne.

Lorsqu'un constructeur automobile transfère ses activités existantes vers une usine de véhicules électriques, cela peut avoir un impact sur jusqu'à 30 % des emplois dans les usines d'assemblage et dans le secteur des pièces automobiles, évoque Mme Payne. C'est pourquoi il est important que les gouvernements garantissent l'empreinte actuelle des lieux de travail.

Unifor a fait pression sur les gouvernements fédéral et provinciaux pour qu'ils incluent des protections pour les travailleurs dans leurs contrats avec les constructeurs automobiles qui garantissent la sécurité du revenu, la sécurité de l'emploi et le droit de former un syndicat.

Honda emploie actuellement plus de 4000 personnes à Alliston. Ils ne sont pas syndiqués, mais les employés ont eu des discussions concernant leur adhésion à Unifor.

«Pour les travailleurs qui ne bénéficient pas d'un syndicat, il est extrêmement important que le gouvernement veille à ce que ces travailleurs soient protégés pendant la période de transition, en travaillant avec les employeurs pour s'assurer qu'ils bénéficient de ces garanties, en particulier lorsque des investissements gouvernementaux sont effectués», dit Mme Payne.

Réactions des oppositions

Les conservateurs ont exigé que soient examinés les contrats que le gouvernement fédéral a conclus avec les constructeurs automobiles, affirmant qu'on ne peut pas faire confiance à M. Trudeau pour protéger les emplois canadiens.

«Nous avons déjà vu Justin Trudeau annoncer des subventions massives censées créer des emplois au Canada, pour ensuite le voir faire volte-face et laisser ces emplois être occupés par des travailleurs de remplacement étrangers, puis mentir à ce sujet», a déclaré Sebastian Skamski, porte-parole du chef conservateur Pierre Poilievre. 

«Nous ne pouvons pas croire que sa dernière annonce d'un versement de 5 milliards $ provenant de l'argent des contribuables canadiens à une autre grande société multinationale sera différente», a-t-il ajouté. 

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a également demandé au gouvernement libéral de cesser de signer des «chèques en blanc» sans garanties à toute épreuve pour les travailleurs syndiqués.

«Il doit y avoir des garanties intégrées à chaque dollar public que nous dépensons, et elles doivent être liées à des emplois et à des investissements qui profitent aux Canadiens», a affirmé M. Singh.

«Nous ne devrions pas simplement donner un chèque en blanc à une entreprise et lui dire que nous espérons qu'elle embauchera des Canadiens», a-t-il dit. 

Mickey Djuric, La Presse Canadienne