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Steven Guilbeault: «personne ne voulait que l’on fasse la COP15»

durée 17h29
12 mai 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

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Par La Presse Canadienne, 2023

MONTRÉAL — Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, est revenu sur l’organisation de la COP15 l’hiver dernier à Montréal et sur les réticences que certains membres du gouvernement Trudeau avaient quant à l’organisation d’un tel sommet avec la Chine, lors d’un événement organisé par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).

Lorsque Montréal est devenu l’option par défaut pour organiser la COP15 en raison du désistement de la Chine et parce que le siège de la Convention sur la diversité biologique est situé dans la métropole, peu de gens au sein du gouvernement Trudeau étaient enchantés par l’idée, selon le ministre de l’Environnement.

«Personne ne voulait que l’on fasse la COP15, le ministère des Affaires étrangères disait que c’était trop risqué, car on devait travailler étroitement avec la Chine, un pays avec qui nos relations ont été pour le moins compliquées dernièrement», a indiqué le ministre Steven Guilbeault vendredi après-midi.

«On avait cinq mois pour organiser une conférence qui prend normalement deux ans à organiser et le Conseil privé n’était pas d’accord, le bureau du premier ministre n’était pas d’accord» et «les fonctionnaires m’ont presque demandé ce que j’avais fumé cette journée-là, même si c’est rendu légal au Canada», a expliqué le ministre en provoquant les rires des invités qui se sont déplacés pour écouter son allocution à l’hôtel Le Reine Elizabeth.

Il a expliqué que «deux personnes» avaient cru en lui: le premier ministre Justin Trudeau et la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

«Le premier ministre a dit "on le fait parce qu’on a une responsabilité et qu’on ne peut pas laisser traîner ça encore".»

Steven Guilbeault était invité par le CORIM pour discuter notamment de «l’importance du renforcement du multilatéralisme environnemental» et de «la coopération et la création de partenariats».

Outre la Chine, qui présidait la COP15 sur la biodiversité, le ministre a expliqué que l’un des partenaires qui a le plus aidé le Canada dans l’organisation de l'événement était l’équipe de Boris Johnson, l’ancien premier ministre britannique.

«L’un des gouvernements avec lequel j’ai le plus collaboré, avec lequel j’ai une connexion incroyable, depuis que je suis ministre de l’Environnement, c’est un gouvernement de droite populiste», a mentionné M. Guilbeault.

Il a expliqué avoir des «contacts réguliers» avec quelques ministres britanniques et que Londres avait même «prêtés du staff» au Canada pour organiser la COP15.

«Ils sont à droite, mais on est capable de trouver des terrains d’entente», a ajouté le ministre en soulignant l’importance du dialogue pour créer de bons partenariats.

Sobriété et décroissance

L’animatrice de l’événement, Leïla Copti, présidente de la firme de relations publiques COPTICOM, lui a demandé de se prononcer sur «L’appel de Montréal», un document que le ministre a signé en marge de la COP15 et qui demande aux dirigeants du monde de repenser l’économie et de mettre fin aux causes sous-jacentes du déclin de la biodiversité.

«L’appel de Montréal nous enjoint à prendre conscience qu’on ne peut plus viser une croissance économique infinie sur une planète aux ressources finies», a rappelé Leila Copti à son ancien collègue de Greenpeace Steven Guilbeault, en lui demandant si le temps est venu de réfléchir à la «post-croissance pour ne pas dire la décroissance».

«Nous essayons que notre action, politique et économique, soit guidée le plus possible par la science», a répondu Steven Guilbeault en faisant état de son désir que des pratiques comme l’économie circulaire soient de plus en plus intégrées par les marchés.

«De toute évidence, on ne peut pas, sur une planète dont les ressources sont finies, penser qu’on va toujours pouvoir additionner. Il y a une vieille revue un peu à gauche qui disait que les économistes doivent apprendre à soustraire aussi», a mentionné le ministre, en demandant pardon, à la blague, aux économistes présents dans la salle.

«Je vois difficilement comment un gouvernement pourrait légiférer sur la sobriété, mais on peut l’encourager et mettre en place des mécanismes et on peut aussi se diriger de plus en plus vers une économie circulaire de façon à limiter l’extraction des ressources naturelles et favoriser la réutilisation de ce qui circule déjà dans l’économie», a-t-il dit.

Il a donné l’exemple des minéraux critiques utilisés dans la fabrication de véhicules électriques qui pourraient être réutilisés à la fin du cycle de vie d’un véhicule.

«Ça serait un crime, vraiment un crime, qu’une fois que ces voitures-là ne servent plus, d’envoyer ces minéraux-là dans un site d’enfouissement», a ajouté Steven Guilbeault en expliquant «que de plus en plus, on se dirige vers ça».

Financement de l’industrie fossile

Mme Copti a rappelé que le gouvernement fédéral avait décrété «l’état d’urgence climatique», mais que la «situation de l’environnement continue de se dégrader» et que le gouvernement fédéral finance encore des projets d’énergie fossile.

«Le plafonnement des émissions du secteur du pétrole et du gaz est encore à l’étape de consultation, ça prend un temps fou avant de passer à des étapes concrètes» a-t-elle fait remarquer en soulignant que le commissaire à l'environnement et au développement durable, Jerry V. DeMarco a récemment déclaré que «l'histoire du Canada, c'est beaucoup de bons mots, mais pas assez d'actions, c'est une série d'échecs depuis 30 ans maintenant en ce qui concerne la lutte au changement climatique et la protection de la biodiversité».

En réponse à ses critiques, le ministre Guilbeault a répondu que l’adoption de lois et de règlements ne va pas aussi rapidement qu’il le souhaite: «Tous les jours, je demande à mes collègues et aux fonctionnaires, comment on fait pour aller plus vite?».

Il s’est aussi défendu en expliquant que le Canada a investi près de 120 milliards $ dans l'électrification des transports collectifs et des technologies propres et que d’autres dizaines de milliards sont prévues.

«On est à la moitié de ce que les Américains vont investir, mais on est dix fois plus petits», a-t-il dit en faisant référence à l'Inflation Reduction Act annoncée par le président Joe Biden, qui prévoit 300 milliards $ US et qui comporte d'importantes mesures pour diminuer les gaz à effet de serre.

Concernant les engagements du Canada à la COP15, le ministre a indiqué qu’un projet de loi «sur la mise en œuvre de nos objectifs de biodiversité» devrait être présenté au Parlement à l’automne.

Stéphane Blais, La Presse Canadienne