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Selon une étude, la crise du logement coûte 2 milliards $ par année en coûts de santé

durée 04h30
10 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — La crise du logement coûte, au bas mot, quelque 2 milliards $ annuellement au système de santé du Québec, selon les calculs de l’Observatoire québécois des inégalités.

C’est là la grande conclusion du deuxième volet d’une vaste étude économique de l’Observatoire intitulé «Les coûts en santé du manque de logements adéquats». En septembre dernier, le premier volet portant sur le coût économique global nous apprenait que la crise du logement privait l’économie québécoise de 4,2 milliards $, soit l’argent que les ménages auraient dépensé pour faire rouler l’économie s’ils ne devaient pas consacrer plus de 30 % de leurs revenus au logement.

Mauvais état du logement

Les auteurs de ce deuxième volet se sont penchés cette fois sur les conséquences multiples de la crise du logement en matière de santé générale et de santé mentale. Plusieurs facteurs liés au logement affectent l’état de santé, au premier chef la qualité – ou dans ce cas-ci la mauvaise qualité – du logement. On n’a qu’à penser par exemple aux infiltrations d’air, à l’humidité et aux moisissures, à la présence de parasites ou à la salubrité générale de l’espace de vie.

«À travers tous les résultats que l'on retrouve dans la littérature, le fait de vivre dans un logement inadéquat est associé à des maladies cardiovasculaires, respiratoires, à des problèmes d'anxiété, de détresse psychologique», explique l’auteure principale de l’étude, l’économiste Ferdaous Roussafi, en entrevue avec La Presse Canadienne.

L’étude de l’Observatoire montre que les personnes vivant dans un logement de mauvaise qualité ont deux fois plus de risque de se déclarer en mauvaise santé générale. Elles présentent également un risque 64 % plus élevé de se déclarer en mauvaise santé mentale.

Trop petits ou trop chers

D’autres problèmes de santé sont associés au fait que le logement est trop petit, notamment parce qu’un ménage n’arrive pas à trouver un logement adéquat pour la famille qu’il est capable de payer. «Les ménages vivant dans des logements de taille insuffisante présentent davantage de symptômes respiratoires et un risque accru d’infections transmissibles. Le surpeuplement favorise la propagation des maladies infectieuses et accentue l’exposition aux agents pathogènes, particulièrement chez les jeunes enfants», peut-on lire dans le document de près de 60 pages. Sur le plan des données, un logement de taille insuffisante augmente de 12 % la probabilité de se déclarer en mauvaise santé générale.

Et bien sûr, il y a la question de l’inabordabilité, qui pousse les ménages à mettre trop d’argent sur le logement, explique le directeur de la santé publique par intérim de la Capitale Nationale, le docteur Philippe Robert. «Quand on doit dépenser trop pour le logement, le budget est limité. Donc, qu'est-ce qu'on comprime? On comprime notamment l'alimentation, des fois les médicaments, le transport, les loisirs, aller vers des proches. Donc, ça affecte d'autres dimensions de la vie. Ça a un impact sur le stress aussi.» L’étude lui donne raison, concluant que le fait de consacrer plus de 30 % du revenu au logement est associé à un risque accru de 37 % de déclarer un mauvais état de santé générale.

Les chercheurs de l’Observatoire ont utilisé des modélisations éprouvées pour faire leurs calculs. En suivant ces modèles, l’étude a conclu que ces conditions d’habitation – mauvaise qualité, taille insuffisante, inabordabilité – représentaient, au bas mot, 27,4 millions $ en consultations de première ligne en 2023.

Or, ces consultations ne sont que la porte d’entrée, explique Ferdaous Roussafi. «On sait, d'après les données de l'Institut canadien d'information sur la santé, que les consultations ne représentent que 1,5 % des dépenses totales de santé et c’est à partir de ce 1,5 % qu’on a pu extrapoler. Pour simplifier, on doit multiplier ce coût de 27,4 millions $ par 68 pour avoir l'ensemble de tous les coûts.» C’est à partir de ces calculs, avec certains ajouts, que l’Observatoire arrive au chiffre de 2 milliards $.

Le coût de ne pas agir

«Ça fait longtemps que c'est connu qu'il y a un lien très fort entre le logement et la santé et cette étude vient confirmer de façon plus quantitative ce qu'on savait de nombreuses études», souligne le docteur Robert.

«Je pense qu'on voulait quantifier l'ampleur de ça, parce qu'évidemment, les coûts pour agir sont aussi considérables. Par contre, les coûts de ne pas agir sont considérables également. La santé, c'est complexe, il y a plusieurs dimensions à la santé. C'est pour ça qu'il y a plusieurs résultats dans l'étude aussi. On ne peut pas juste regarder l'effet du logement sur un indicateur de santé. Mais ce que l'étude vient faire, c'est regarder plusieurs indicateurs de santé, la santé perçue, l'insécurité alimentaire, qui est une forme de stress ou de précarité pour les gens.»

En matière d’insécurité alimentaire, l’étude montre que chacune des différentes variables négatives du logement – mauvaise qualité, taille insuffisante et inabordabilité – accroît le risque d’insécurité alimentaire. Bien que les chercheurs ne chiffrent pas les coûts directs de l’insécurité alimentaire sur la santé, leur travail souligne que «l’inabordabilité du logement explique environ 12,9 % de l’insécurité alimentaire observée au Québec, soit un coût d’environ 87,7 millions $ en 2023».

Impact sur la santé mentale

«Les répercussions de l’insécurité alimentaire sont encore plus prononcées sur la santé mentale, peut-on lire dans l’étude. Les analyses de cohortes canadiennes et nord-américaines révèlent une relation progressive et systématique: à mesure que la gravité de l’insécurité alimentaire augmente, la prévalence des troubles mentaux et le recours aux soins s’intensifient.»

Une bonne part des coûts de santé du logement inadéquat sont des coûts de soins en santé mentale, d’ailleurs. Chacune des variables négatives d’un logement entraîne sa part de détresse, de stress et d’anxiété, par exemple. La part du coût des consultations en santé mentale qui peut être attribuable aux logements inadéquats au Québec est de 10 millions $, selon les chercheurs.

«Évidemment, on ne peut pas additionner tous ces coûts», explique Mme Roussafi en soulignant les limites des modèles d’extrapolation. «Même pour celui de l'insécurité alimentaire, on ne peut pas juste additionner le tout parce que les mécanismes, ils se recoupent entre eux.»

Investir dans le logement social

«Le message clé à retenir, souligne le docteur Robert, c'est que ce sont des coûts extrêmement importants qui justifient des investissements publics importants aussi. Il y a des données en Europe aussi qui montrent qu'un des grands moyens comme société où on peut améliorer la qualité de vie et réduire les écarts de qualité de vie, d'offrir une meilleure qualité de vie à tout le monde, c'est en investissant dans le logement social.

«Nous, comme santé publique, (une étude comme celle-là) ça nous permet d'amorcer, d'entretenir, avec nos partenaires municipaux, les élus au niveau local, sur l'importance du logement pour la santé et que ce n’est pas seulement un enjeu de coût de la vie, mais c'est aussi un enjeu de qualité de vie et de santé.»

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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