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Selon une consultation de la FAE, neuf enseignants sur dix sont victimes de violence

durée 12h45
15 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — «On est là pour enseigner, on n'est pas là pour se faire frapper. Comme tout autre travailleuse et travailleur, on a le droit de travailler sans subir des actes de violence.»

C’est un véritable cri du cœur qu’a lancé la vice-présidente de la Fédération autonome de l’enseignement, Catherine Renaud, en présentant lundi les résultats effarants d’une consultation qui démontre que 90 % des personnes répondantes ont déclaré être victimes d’actes de violence d’une forme ou d’une autre.

De façon plus détaillée, 81 % ont rapporté avoir été victimes de violence psychologique ou verbale dans leur milieu de travail, près des deux tiers (63 %) rapportent avoir subi de la violence physique et une personne sur dix (11 %) dit avoir subi des violences à caractère sexuel. On peut déduire de ces données que de nombreuses personnes ont subi plus d’un type de violence.

Incitatif à quitter la profession

«Il est totalement inacceptable que la violence fasse partie du quotidien des profs», affirme Mme Renaud.

«Stress, perte de sommeil, baisse d'estime de soi et de motivation, épuisement professionnel, dépression et arrêt de travail sont parmi les répercussions les plus nommées par les personnes répondantes. Trois profs sur cinq ayant répondu à la consultation et ayant subi des actes de violence songent à quitter la profession enseignante», a-t-elle précisé.

«La situation est urgente, il faut agir», a-t-elle plaidé.

«Ce n'est pas vrai que la violence doit faire partie de notre job, et de toute évidence, ce n'est pas en imposant le vouvoiement en janvier qu'on va éradiquer la violence dans nos écoles et dans nos centres», a plaidé Mme Renaud.

Violence physique: surtout au préscolaire

Il serait tentant de croire que cette violence est surtout présente avec les adolescents, au niveau secondaire. Or, il n’en est rien. C’est au niveau préscolaire que l’on rapporte le plus de violence physique, là où pas moins de 90 % des répondants rapportent en avoir subi. À ce niveau, 85 % des profs rapportent avoir été frappés, 75 % disent avoir été blessés et 65 % ont été victimes de bousculades.

«Malheureusement, ce qu'on se fait dire trop souvent, c'est: il est tout petit, un élève de quatre, cinq ans au préscolaire, ça ne doit pas faire si mal que ça», déplore la syndicaliste. Parmi les témoignages dévoilés par la FAE en marge de cette consultation, on peut lire que «pendant ses crises de colère, mon élève de préscolaire m’a frappé, mordu, donné des coups de pied et de tête. Une autre fois il m’a lancé un gros objet sur la tête , ce qui m’a causé un trauma crânien léger».

«On intimide moins, mais on frappe plus»

Au secondaire, ce sont davantage des actes de violence psychologique et de violence verbale, dont 81 % des enseignants disent avoir été victimes, alors que l’intimidation domine du côté de la formation professionnelle et de l’éducation aux adultes. Quant au primaire, faites votre choix. On rapporte toutes les formes de violence.

Ce n’est pas la première fois que la FAE mène ce genre de consultation et selon Catherine Renaud, «les actes sont peut-être moins nombreux sous certaines formes, mais la gravité, la récurrence des actes, c'est vraiment très, très choquant. On menace moins, on intimide moins, mais on frappe plus, puis on blesse plus».

Elle note qu’il n’est pas rare de voir des classes où les élèves doivent sortir une journée sur deux parce qu’un élève se désorganise et qu’il faut protéger autant les autres élèves que l’enseignant.

L'impact de l'intégration

Cette problématique de classes entières perturbées à répétition par un seul élève peut sans doute être reliée à la politique d’intégration à tout prix sans offrir le personnel d’encadrement requis, explique Mme Renaud. «L'intégration massive d'élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage en classe ordinaire sans les ressources nécessaires, ça pose problème et il va falloir vraiment se pencher sur la notion de contrainte excessive.»

«Quand un élève arrive dans la classe et qu'il n'y a pas le soutien nécessaire, puis qu'il se met à se désorganiser et à menacer l'intégrité physique et psychologique des autres élèves de la classe, en plus de celles des profs, il faut se poser la question si l'élève est à la bonne place.»

Manque de personnel spécialisé

Cette question des ressources est au cœur de la solution, estime la FAE, qui demande avec empressement à la ministre de l'Éducation, Sonia LeBel, «que les sommes nécessaires soient investies sans condition pour que les établissements scolaires puissent embaucher les personnels et les ressources spécialisées indispensables. On parle de psychologues, de personnes techniciennes en éducation spécialisée, de psychoéducateurs et d'orthophonistes, entre autres, et que les codes de vie et les plans de lutte à l'intimidation et à la violence soient appliqués.»

En fin de compte, dit-elle, le personnel enseignant ne peut pas être préfet de discipline et «quand on laisse aller des gestes de violence comme ça sans conséquences, ce qu'on fait, c'est qu'on banalise la situation, on n'appuie pas les profs, on dit à l'élève finalement: c'est correct parce que tu n'auras pas les mesures correctrices nécessaires».

Futurs citoyens

Il s’agit là, précise-t-elle, d’une grave banalisation de la violence qui est très inquiétante pour l’avenir «parce qu'on forme les citoyennes et les citoyens de demain, et c'est quoi le message qu'on leur lance? C'est que la violence, ce n'est pas si grave que ça, finalement».

Mais avant de penser à l’avenir, l’urgence se conjugue au présent: «Quand on prive les élèves et le personnel de personnel spécialisé au niveau de la violence, on met en danger ces personnes-là.»

La consultation en ligne s’est déroulée du 28 avril au 26 mai 2025 auprès des enseignants membres de la FAE, qui en compte 65 000 dans les régions de Montréal, Québec, Laval, l’Outaouais, les Laurentides, l’Estrie et la Montérégie; 2443 enseignants ont répondu au questionnaire et la marge d’erreur associée à un échantillon probabiliste de cette taille est de 1,94 %, 19 fois sur 20.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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