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Ottawa veut rassurer les communautés autochtones face au budget fédéral

durée 19h56
10 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — La ministre des Services aux Autochtones affirme que les dirigeants communautaires ne devraient pas s'inquiéter de l'absence de financement dans le dernier budget fédéral pour les programmes dont dépendent leurs membres.

Selon Mandy Gull-Masty, ces lacunes représentent plutôt une occasion pour les dirigeants de suggérer des pistes d'affectation des fonds publics.

«Je souhaite également qu'ils soient rassurés par le fait que nous avons encore du travail à accomplir pour définir l'avenir du budget consacré aux peuples autochtones, a déclaré Mme Gull-Masty dans une entrevue avec La Presse Canadienne. De plus, des progrès considérables ont été réalisés en matière d'investissement au cours de la dernière décennie — les dépenses pour les Premières Nations ont été importantes. Nous ne revenons pas sur ces progrès, nous les maintenons.»

Les dépenses consacrées aux programmes destinés spécifiquement aux Autochtones ont augmenté depuis 2015, année où l'ancien premier ministre Justin Trudeau a fait de la réduction des inégalités socioéconomiques dans les communautés autochtones une priorité de son gouvernement, dans le cadre d'une initiative plus large de réconciliation.

Mais les dirigeants autochtones et les experts en politiques publiques estiment que cette augmentation des dépenses est encore loin de répondre aux besoins des communautés pour assurer leur réussite, notamment en matière d'infrastructures.

Mme Gull-Masty a expliqué que les coupes budgétaires imposées à son ministère représentent une réduction de 2 %, alors que d'autres ministres ont reçu l'ordre de réduire leurs dépenses de 15 %. Elle a félicité Mark Carney d'avoir accordé plus de latitude à son ministère qu'aux autres, ajoutant que cela démontre qu'il prend au sérieux les préoccupations de la communauté.

Les dirigeants autochtones craignent toutefois que les coupes aillent bien au-delà des 2 % annoncés, le financement de programmes mis en place sous l'administration Trudeau — notamment en matière d'éducation et de gestion des urgences — devant prendre fin l'an prochain.

Certains programmes essentiels, comme le Principe de Jordan et l'Initiative: Les enfants inuits d’abord — visant à faciliter l'accès des enfants aux services de santé et aux services sociaux — sont également privés de tout financement pour l'an prochain.

Des programmes voués à perdurer

Le bureau de Mme Gull-Masty a indiqué que ces programmes ne sont pas voués à disparaître, mais que des efforts restent à fournir pour garantir leur efficacité.

«Les zéros sont là parce que nous n'avons pas encore défini ce que cet espace implique. Certains programmes prendront fin. Cela ne signifie pas pour autant que les enjeux que ces programmes visaient à régler ne seront pas pris en compte, a mentionné Mme Gull-Masty. Nous devons effectuer ce travail en interne, et mon mandat était de consulter les membres de la communauté afin de déterminer les résultats attendus pour la prochaine ronde de financement.»

Contrairement aux précédents, ce budget ne comporte aucun chapitre spécifique sur les dépenses destinées aux Autochtones. L'accent est mis sur la façon dont les communautés autochtones peuvent collaborer avec Ottawa pour faire progresser son programme de grands projets et stimuler l'économie.

Mme Gull-Masty a précisé qu'il ne fallait pas y voir un oubli ou une marginalisation, mais plutôt la preuve que tous les ministres intègrent les priorités autochtones à leurs dossiers.

«Lorsque vous compartimentez les peuples autochtones, vous érigez des barrières. Vous érigez des barrières lorsque vous montrez que vous ne pouvez vous adresser qu'à certains endroits pour traiter les questions autochtones, a affirmé la ministre Gull-Masty. Je suis rassurée de constater que ces obstacles ne se sont pas reflétés de cette façon.»

Des rapports démontrent que cette stratégie pénalise souvent les communautés, en particulier celles qui ne disposent pas du soutien administratif nécessaire pour s'y retrouver dans les méandres de la bureaucratie.

Un rapport de la vérificatrice générale fédérale publié le mois dernier a révélé que Services aux Autochtones n'apportent pas un soutien suffisant au renforcement des capacités des Premières Nations à offrir des programmes et adoptent une approche «passive et cloisonnée» à leur égard.

Karen Hogan a indiqué que les communautés les plus éloignées sont privées de programmes sur demande, faute de soutien administratif, ce qui aggrave les inégalités existantes.

Mme Gull-Masty n'a pas précisé si davantage de ressources seraient offertes aux communautés pour accéder à des fonds non spécifiquement destinés aux Autochtones.

Juste après la publication du budget la semaine dernière, la cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations, Cindy Woodhouse Nepinak, a déclaré que le gel des fonds aurait de graves répercussions sur les communautés à fort taux de natalité, notamment en matière d'éducation et d'infrastructures.

«Ce budget était une occasion de rétablir la confiance, a-t-elle affirmé. Malheureusement, ce budget a échoué, il n'a pas su répondre aux attentes.»

Un rapport publié l'an dernier par l'Assemblée des Premières Nations et le Conference Board du Canada concluait que combler ce déficit d'infrastructures pourrait générer 635 milliards $ de retombées économiques sur sept ans — des chiffres qui, selon le premier ministre Mark Carney, pourraient contribuer à compenser les effets des droits de douane américains imposés par le président Donald Trump.

Or, le budget est loin d'atteindre les 350 milliards $ jugés nécessaires par l'Assemblée des Premières Nations pour combler ce déficit, et Ottawa est en voie de ne pas respecter son propre échéancier de 2030.

La cheffe Woodhouse Nepinak a souvent souligné l'importance du financement de l'éducation pour assurer la réussite des collectivités et réduire leur dépendance envers Ottawa, mais le budget n'a prévu aucun nouveau financement pour l'éducation.

Mme Gull-Masty a affirmé que, bien que l'éducation postsecondaire soit importante, il y aura davantage de possibilités d'emploi dans les métiers spécialisés à mesure que le Canada mettra en œuvre son programme de grands projets.

«Je ne cherche pas à me désintéresser de l'enseignement postsecondaire, mais nous devons reconnaître que nous nous dirigeons vers un avenir de construction du Canada. Cela nécessitera des bâtisseurs qualifiés et des personnes pour pourvoir ces emplois.»

Le président d'Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed, a salué les promesses d'investissements dans l'Arctique contenues dans le budget, et particulièrement son soutien à une université inuite.

Il a toutefois indiqué que les Inuits sont préoccupés par le fait que le document présente la politique arctique sous l'angle de la sécurité et de la souveraineté nationale sans expliquer comment les peuples autochtones de la région s'y intègrent. Il a également affirmé que le gouvernement Carney ne collabore pas aussi efficacement avec les peuples autochtones que le gouvernement Trudeau.

La présidente du Ralliement national des Métis, Victoria Pruden, s'est dite déçue que le financement du budget ne soit pas ventilé par groupe autochtone.

«Ce budget est vraiment insuffisant lorsqu'il s'agit de cerner les investissements spécifiques aux Métis et le financement distinctif auquel nous étions habitués dans les budgets précédents, a-t-elle dit. La simple mention du terme 'Métis' dans ce budget est moins importante que ces dernières années. Nous ne pouvons pas nous permettre de relâcher nos efforts.»

— Avec la collaboration de Dylan Robertson

Alessia Passafiume, La Presse Canadienne

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