Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Nouvelle étude sur les urgences médicales à bord des avions

durée 09h45
25 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
durée

Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Les événements médicaux en vol sont plus fréquents qu'on ne l'avait estimé et ont d'importantes implications opérationnelles et cliniques pour l'aviation commerciale et la planification des interventions d'urgence, conclut une étude publiée récemment par des chercheurs américains.

«Ce qui est vraiment frappant, c'est que l'incidence des incidents médicaux en vol s'avère beaucoup plus élevée que ce qui avait été rapporté précédemment», a dit un des auteurs de l'étude, le docteur Alex Rotta, qui est chef de la division des soins intensifs pédiatriques du Centre médical de l'Université de Duke.

Les chercheurs ont analysé plus de 77 000 événements médicaux en vol signalés à MedAire, le plus achalandé des centres d'assistance médicale auxquels les transporteurs aériens font appel en cas de besoin.

Ils ont examiné les appels médicaux de 84 transporteurs aériens, dont 17 américains, sur six continents, couvrant plus de 3,1 milliards d'embarquements de passagers entre janvier 2022 et décembre 2023.

Les auteurs de l'étude ont constaté qu'un vol sur 212 a comporté une urgence médicale. Parmi ces vols, environ 8 % des passagers ont été transportés à l'hôpital après l'atterrissage, et 1,7 % de l'ensemble des événements médicaux étaient si graves qu'ils ont entraîné un détournement de l'avion, a-t-on indiqué par voie de communiqué.

L'oxygénothérapie a été l'intervention la plus fréquente, ayant été utilisée dans 41 % des cas, «ce qui n'est pas surprenant étant donné que le personnel de bord est formé pour administrer un supplément d'oxygène aux passagers en détresse, avant même de demander l'avis d'un médecin», disent les auteurs.

«L'utilisation généralisée de l'oxygénothérapie souligne à la fois les défis physiologiques associés aux voyages aériens et les normes de formation établies pour les agents de bord», ajoutent-ils.

La pression atmosphérique à bord des avions correspond seulement à celle qu'on retrouve à une altitude d'environ 2150 mètres, ce qui veut dire qu'une personne en santé respire environ 25 % moins d'oxygène qu'elle le ferait au niveau de la mer. Cela peut être problématique pour les passagers qui ont des conditions pulmonaires ou respiratoires préexistantes, préviennent les chercheurs.

Les motifs les plus fréquents d'un atterrissage d'urgence étaient des accidents vasculaires cérébraux soupçonnés, les crises d'épilepsie, les urgences cardiaques aiguës et un état mental altéré. Les chercheurs ont recensé 293 arrêts cardiaques, avec des taux de survie bien inférieurs à ceux observés au sol.

Des volontaires médicaux (souvent des médecins) ont participé à près d'un tiers des urgences. Leur participation était liée à une plus grande probabilité de détournement, probablement parce qu'ils étaient sollicités lors d'événements plus graves.

Les auteurs précisent toutefois que leurs «données n'établissent qu'une association et non un lien de cause à effet, ce qui ne permet pas de savoir si l'implication des volontaires médicaux a contribué à un plus grand nombre de détournements ou si elle a reflété la plus grande complexité de ces événements».

«C'est très différent d'exercer la médecine en plein vol que lorsque j'ai l'avantage du terrain à l'hôpital», a indiqué le docteur Rotta, qui a lui-même été appelé à intervenir à plusieurs reprises ― allant d'un enfant fiévreux à une femme qui a cessé de respirer pendant 20 minutes au-dessus de l'océan Atlantique après une surdose de calmants ― quand on a demandé «s'il y avait un médecin à bord».

«Si j'avais eu les médicaments appropriés, c'est-à-dire un antidote aux benzodiazépines, qui sont très courants à l'hôpital ou dans les ambulances, mais que nous n'avons pas à bord des avions, nous aurions pu faire face à la situation très, très facilement, a-t-il dit. Mais il est frappant de voir à quel point les connaissances et les ressources s'opposent. Vous savez ce que vous devez faire, mais vous n'avez pas les ressources pour le faire.»

La plupart des transporteurs aériens nord-américains sont bien préparés pour répondre à d'éventuelles urgences médicales en vol, a-t-il estimé, avec à bord des trousses médicales de base et un défibrillateur externe automatisé.

Des transporteurs de pays du Golfe comme Etihad ou Emirates arrivent toutefois en tête de peloton, puisqu'on retrouve à bord de leurs avions l'équivalent d'une petite clinique médicale, selon le docteur Rotta.

Il déplore en revanche que les transporteurs aériens ne fassent pas tous appel à des centres d'assistance médicale au sol, puisque les bons conseils prodigués au bon moment peuvent faire la différence entre la vie et la mort d'un passager, surtout si aucun expert médical n'est disponible à bord.

La popularité croissante du tourisme médical peut contribuer aux événements médicaux en vol, puisque «certains passagers embarquent peu de temps après une intervention médicale ou alors qu'ils souffrent d'un état de santé complexe», écrivent les auteurs de l'étude.

«En outre, les facteurs de stress physiologiques propres au transport aérien (mobilité réduite, pression réduite dans la cabine et hypoxie relative) peuvent exacerber des pathologies préexistantes, précipiter des événements médicaux aigus ou entraîner des blessures dues aux turbulences et à d'autres dangers en vol», ajoutent-ils.

Par conséquent, «les événements médicaux en vol sont un aspect inévitable du transport aérien, qui nécessite des systèmes de réponse structurés et une préparation proactive pour assurer la sécurité des passagers», soulignent les chercheurs.

«Je pense que nos résultats sont plutôt rassurants pour le public voyageur, car les compagnies aériennes du monde entier ont fait un très bon travail en s'équipant de tout ce qui est nécessaire pour qu'un volontaire médical puisse prodiguer des soins», a conclu le docteur Rotta.

On estime qu'environ cinq milliards de personnes prennent un vol chaque année. Environ 1,5 million de personnes se trouveraient dans les airs à tout moment de la journée.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical JAMA Network Open.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

app-store-badge google-play-badge