Noël en maison de soins palliatifs pour enfants

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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — La réalité des soins palliatifs n'est jamais très joyeuse, surtout pour des enfants. Malgré tout, le personnel qui travaille auprès des enfants dont l'espérance de vie est limitée s'affaire à saupoudrer de la magie durant la période des Fêtes. Des familles de l'organisme Le Phare peuvent en témoigner.
Le Phare, situé à Montréal, dessert environ 200 familles et possède 12 lits sur place pour offrir du répit aux parents ou les accueillir lorsque l'enfant est rendu à recevoir les soins de fin de vie. L'organisme accueille une clientèle variée, notamment les enfants atteints d'un cancer dont le pronostic est réservé ainsi que les enfants qui ont des maladies métaboliques, génétiques ou neurologiques qui impactent grandement leur santé.
Pour beaucoup de ces enfants on ne connaît pas leur espérance de vie puisque leur maladie est rare. C'est le cas du petit Adrien, âgé de 4 ans et demi. Il est né avec une maladie génétique orpheline, dont environ une vingtaine de cas similaires aux siens existent dans le monde. Il est le petit frère d'une fratrie de quatre. Adrien est lourdement handicapé. Il est aveugle, partiellement sourd, épileptique, alimenté par gavage, il n'a aucun tonus musculaire, il est non verbal et il a une importante déficience intellectuelle.
«Les soins palliatifs pour enfants, ce n'est pas du tout comme les soins palliatifs pour adultes. Adrien, il peut être en soins palliatifs pédiatriques pendant 18 ans. On ne connaît pas son espérance de vie, étant donné qu'il y en a 20 comme lui dans le monde et ce n'est pas documenté le niveau d'espérance de vie. Donc on profite de chaque jour un peu comme si c'était le dernier, ne sachant pas de quoi sera fait demain», témoigne sa maman, Gabrielle Gonthier.
Lundi dernier, Adrien a pu assister à une parade des corps de métier des services d’urgences — organisée pour les enfants du Phare — où ont déambulé des policiers, des paramédicaux et des pompiers dans leur véhicule d'urgence, dont un camion blindé. Il y avait aussi la police montée sur ses cheveux et l'escouade canine du Service de police de la Ville de Montréal.
Pendant ce temps, Mme Gonthier a pu assister au concert de Noël de la sœur d'Adrien. «Ça nous a permis de faciliter un peu la gestion pré-Noël», dit-elle.
Ariane Parent-Lemay, directrice des soins et services au Phare, explique que la parade, qui a lieu depuis maintenant six ans, sert à égayer le quotidien des familles. «C'est pour se rappeler que la magie des Fêtes, ça peut être plus difficile pour certains, mais on est capable quand même d'amener du beau et du plaisir, d'amener un petit peu de cette magie malgré les moments difficiles que nos familles vont vivre. Même dans la fin de vie, on est capable de trouver des instants de lumière», souligne-t-elle.
Des instants de bonheur, un privilège pour les employés
Une employée du Phare qui a adopté un enfant polyhandicapé il y a trois ans a voulu conserver son anonymat, puisqu'il s'agit d'aspects personnels de sa vie. Même si elle a un parcours d'infirmière et qu'elle a «baigné dans le polyhandicap» depuis qu'elle est jeune, la réalité de prendre soin d'un enfant lourdement handicapé était bien différente de ses anticipations.
Son enfant n'a pas un diagnostic qui est dégénératif, mais par sa fragilité neurologique, il est plus sujet aux complications. Il fait notamment de l'épilepsie qui affecte tout son développement cognitif, moteur et socioaffectif.
À Noël, les déplacements d'une famille à l'autre sont épuisants, témoigne la maman. «On se promène à gauche pis à droite, mais ça implique de traîner un fauteuil roulant, de traîner tous ces protocoles au cas où ils se mettent à aller moins bien. C'est un déménagement en fait, même pour une soirée de Noël. Est-ce que ça en vaut la peine? Je le ferai n'importe quand, mais c'est beaucoup d'organisation», raconte-t-elle. En décembre, elle a justement profité de journées de répit, ce qui lui a permis de se reposer à la maison avant les Fêtes pendant que son enfant était entre les mains du personnel de la maison de soins palliatifs.
Avec son chapeau d'employée du Phare, elle se remémore les quarts de travail où elle a travaillé durant les Fêtes, des moments qu'elle qualifie d'agréables «où le temps s'arrête». Elle se rappelle une soirée, un 31 décembre, où les employés ont fait le décompte dans la chambre d'un petit garçon mourant avec la famille (à leur demande).
«Autant ce sont des moments qui peuvent être difficiles pour les familles, ce sont aussi des moments que les familles chérissent beaucoup. Ils prennent ce qu'ils peuvent avoir droit. Ça arrive d'être émotif et de savoir que c'est le dernier Noël. En même temps, ils l'ont ce dernier Noël-là, donc ils prennent tout ce qu'ils peuvent pour en profiter. C'est un privilège comme employée de pouvoir partager ces moments intimes et si beaux avec les familles», commente-t-elle.
Enlever la culpabilité des parents
Cette année, Mme Gonthier et sa famille ont décidé de fêter Noël plus intimement à la maison. D'autres années, Adrien a célébré au Phare pendant que la famille assistait aux festivités avec les familles élargies qui habitent dans d'autres régions du Québec.
Mme Parent-Lemay mentionne que plusieurs familles ont un sentiment de culpabilité de déposer leur enfant à la maison de soins palliatifs durant Noël et le Jour de l'an. Elle pense qu'il faut travailler à démystifier cette culpabilité d'utiliser le répit pendant cette période parce qu'au final, ça sert à ce qu'ils prennent soin d'eux pour mieux prendre soin de leur enfant par la suite.
«L'idée, c'est de leur permettre d'avoir accès à un temps des Fêtes, à un moment où on est beaucoup dans la chaleur humaine. On se ramène à l'essentiel d'être ensemble, de partager un moment de connexion. Ça, pour le parent, c'est super important. Savoir que son enfant, pendant le temps des Fêtes, est dans un endroit où on va s'amuser, on va s'épanouir, mais on va aussi le voir pour qui il est, pour ce qu'il est capable d'être [...] pas juste voir sa maladie», fait valoir Mme Parent-Lemay.
Durant les Fêtes, il y a toujours des cadeaux pour les enfants du Phare et pour les frères et sœurs aussi. Le père Noël vient aussi faire son tour pour le plus grand bonheur des enfants. Il y a aussi des prestations artistiques avec des partenaires, tels que les Grands Ballets canadiens et l'Orchestre métropolitain de Montréal.
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Katrine Desautels, La Presse Canadienne