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Mark Carney fait sa place au gouvernement et offre un contraste avec Justin Trudeau

durée 10h03
17 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

6 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Les Canadiens ont commencé l'année avec Justin Trudeau comme premier ministre, un homme qui ne cachait pas ses émotions – il a même versé des larmes en annonçant sa démission début janvier, déclenchant ainsi une année politique tumultueuse.

À bien des égards, son successeur, Mark Carney, est son exact opposé. Ses paroles et ses gestes, sa façon de communiquer avec les Canadiens et les dirigeants internationaux, tout témoigne d'une approche politique plus conventionnelle et professionnelle.

Tous deux partagent l'expérience d'avoir sauvé le Parti libéral de l'effondrement à des moments très différents – d'avoir été la bonne personne, au bon endroit, au bon moment. Mais leur image publique ne pourrait être plus différente.

«Mark Carney ne porte pas de bas colorés. Je dis cela pour des raisons symboliques. Justin Trudeau était très théâtral. L'un des principaux défis était que des choses étaient dites, mais qu'elles n'étaient pas toujours suivies d'action», a expliqué Alex Marland, professeur de sciences politiques à l'Université Acadia, spécialiste de la communication politique.

Lorsque Justin Trudeau est devenu premier ministre, le nouveau gouvernement insufflait un vent de fraîcheur et d'enthousiasme. Il était un premier ministre vedette qui prenait des égoportraits avec ses sympathisants et faisait la couverture de «Rolling Stone».

«L'image de Mark Carney est parfaitement véhiculée: un banquier en contrôle, concentré, déterminé – ils sont tout simplement différents», a indiqué M. Marland.

«Une grande partie de la stratégie de marque, de la coordination et de la communication de Carney, depuis les élections, ressemble étonnamment à celle de Stephen Harper.»

Discrétion et ponctualité

Finies les photos de Justin Trudeau en train de faire du yoga ou de courir torse nu, finis les moments viraux insolites comme la fameuse triple poignée de main lors du sommet des Trois Amigos.

Mark Carney apparaît en public vêtu de costumes sombres, certes classiques, mais bien coupés, et cherche à se faire plus discret. Il accorde peu d'entrevues aux médias canadiens et a même récemment dissuadé publiquement un ministre de se prêter à des mêlées de presse avec les journalistes.

M. Carney accorde également une grande importance à la ponctualité. Les ministres actuels qui ont également siégé au cabinet Trudeau se précipitent désormais aux réunions du cabinet du mardi à 10 h, de peur d'arriver en retard.

À Ottawa, on raconte en coulisses, au sein du parti, que M. Carney a un penchant pour la microgestion et qu'il est très exigeant quant à la tenue et au comportement des ministres.

Cette réputation le suivait déjà lorsqu'il était gouverneur de la Banque d'Angleterre. La presse britannique avait alors rapporté avec enthousiasme des histoires de collaborateurs anxieux «réprimandés» par M. Carney en pleine réunion pour ne pas avoir été à la hauteur de ses attentes.

Un nouveau politicien

Si les conservateurs de l'opposition insistent sur le fait que M. Carney n'est qu'une version plus discrète de M. Trudeau, ceux qui ont travaillé avec les deux chefs libéraux soulignent quelques différences notables.

Carlene Variyan, ancienne cheffe de cabinet dans le gouvernement Trudeau, estime qu'il est frappant de constater que M. Trudeau a baigné dans le monde politique et médiatique depuis son enfance, tandis que M. Carney est entré en politique en affirmant qu'il n'était pas un homme politique.

Tous deux sont arrivés au pouvoir lors d'élections axées sur le leadership et fondées sur un désir de changement. Leurs slogans ont évolué, passant du mantra du «vrai changement» de Justin Trudeau au message postélectoral de Mark Carney sur le «nouveau gouvernement du Canada» – une expression empruntée au gouvernement Harper.

Mme Variyan souligne que le poste de premier ministre est passé d'une personne «baignant dans la politique depuis toujours et profondément impliquée au sein du Parti libéral du Canada pendant la majeure partie de sa vie adulte» à une personne «totalement novice en politique».

«L'approche de Carney lors des conférences de presse est plutôt rafraîchissante, car il ne parle pas constamment comme un politicien chevronné, a-t-elle soutenu. Il laisse parfois échapper des commentaires et des remarques spontanés qui révèlent ses véritables pensées et ses convictions.»

Bien que M. Carney ait insisté sur le fait qu'il n'est pas un politicien professionnel, sa propension aux petites gaffes – écorchant des noms ou des lieux, manipulant maladroitement des machines ou du matériel de menuiserie lors d'événements officiels – l'a quelque peu prouvé.

Lors de la célébration des Fêtes des libéraux, la semaine dernière, le premier ministre Carney affichait un sourire béat en présentant le nouveau député libéral Michael Ma, qui venait de quitter le Parti conservateur. Mais M. Carney a également eu du mal à se souvenir du nom de la circonscription de M. Ma, finissant par bafouiller «Union-Markhamville» au lieu de «Markham-Unionville».

Alex Marland a avancé qu'il y a un «désir, surtout après Trudeau, d'avoir quelqu'un qui ne ressemble pas à un politicien ordinaire».

«C'est le jour et la nuit», a renchéri Regan Watts, un ancien collaborateur de feu Jim Flaherty qui a travaillé avec M. Carney. Il a ajouté que le premier ministre est le même en public et en privé.

«Il est exactement comme vous l'imaginez. C'est un homme très intelligent, irrévérencieux, drôle, généreux, chaleureux et charmant, a-t-il témoigné. Il est exigeant, mais il impose aux autres les mêmes standards qu'à lui-même.»

Une flexibilité politique

M. Carney semble beaucoup moins impliqué dans les enjeux du parti que ses prédécesseurs à la tête du Parti libéral. Son attention portée à l'économie, dans un contexte d'inquiétude économique généralisée, lui a permis de recentrer l'image du Parti libéral sur le centre droit.

Le récent protocole d'entente signé par son gouvernement avec l'Alberta concernant la construction d'un nouvel oléoduc vers la côte ouest illustre ce type de flexibilité politique qui aurait été impensable sous M. Trudeau.

«Je ne pense pas que quiconque ait prévu cela pour 2025, a indiqué Jonathan Kalles, qui a travaillé au cabinet du premier ministre Trudeau. Mais il a décidé de le faire, et il l'a fait.»

Selon lui, l'opinion générale suggère que M. Carney a transformé son cabinet, passant d'une approche axée sur les considérations politiques sous M. Trudeau à une approche plus formelle et institutionnelle, privilégiant l'action à la popularité.

«La réalité est plus nuancée, mais c'est l'impression générale», a analysé M. Kalles.

Parmi les premières initiatives de Justin Trudeau à son arrivée au pouvoir, on peut citer l'ouverture du Parti libéral du Canada à de nouveaux membres et la définition des règles de vote des députés sur les questions liées à l'avortement et aux droits reproductifs. M. Carney, quant à lui, a rejeté l'accent mis par M. Trudeau sur le féminisme et a même déclaré que le Canada n'a pas de politique étrangère explicitement féministe.

«De plus en plus, dans son entourage, les personnes occupant des postes de pouvoir semblent être des hommes», a souligné Alex Marland.

La relation avec les États-Unis change

La relation entre M. Trudeau et le président américain Donald Trump était notoirement exécrable. Alors même que le premier ministre parlait de riposter fermement à la guerre commerciale américaine, M. Trump, imprévisible, continuait de parler d'annexion du Canada, dénigrait M. Trudeau en le qualifiant de «gouverneur» et augmentait les droits de douane.

Brian Clow, ancien chef de cabinet adjoint et conseiller de Justin Trudeau pour le commerce canado-américain, estime que si M. Trump est maintenant en meilleurs termes avec M. Carney qu'il ne l'était avec le premier ministre Trudeau à la fin, c'est surtout parce qu'il était frustré par la fermeté de M. Trudeau.

Il dit que la nature de la relation personnelle entre un président et un premier ministre est souvent «exagérée et simplifiée à l'extrême», tandis que d'autres facteurs, comme l'intégration économique, ont une influence plus importante sur l'issue des négociations commerciales.

«Certains observateurs simplifient à l'excès. Ils voient Trump dire du bien de Carney, puis ils se souviennent de ce qu'il a dit de Trudeau à la fin et se disent: "Wow, quelle relation complètement différente, c'est formidable!"», a-t-il expliqué.

«Dans la même phrase, Trump critique la stratégie de négociation canadienne de la même manière négative et intransigeante qu'il le faisait sous Trudeau et Chrystia Freeland, car il est frustré que le Canada défende ses intérêts.»

M. Clow a ajouté que la qualité de la relation entre les deux dirigeants n'est qu'un facteur parmi d'autres dans les relations bilatérales – et «franchement pas le plus important» pour déterminer l'issue du différend commercial.

«Les relations avec la Chine et l'Inde avaient pourtant bien commencé sous Trudeau, mais au fil des années, avec l'apparition de problèmes et de conflits, les relations au sommet de l'État ont tendance à s'en trouver affectées», a-t-il conclu.

Kyle Duggan, La Presse Canadienne

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