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Les professionnels en éducation affirment que leurs conditions créent un exode

durée 12h51
31 mai 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Par La Presse Canadienne, 2023

MONTRÉAL — «Il y a des élèves qui sont laissés pour compte à tous les jours dans nos écoles. Ce sont nos enfants qui, en ce moment même, sont privés de services professionnels dans nos écoles. Ce n'est pas acceptable et ça se passe partout au Québec.»

C’est en ces mots que la présidente du Syndicat des professionnelles et professionnels en éducation du Nunavik et de l’Ouest de Montréal (SPPNOM-CSQ), Carolane Desmarais, a harangué la trentaine de représentants des professionnels venus manifester à Montréal devant les bureaux du ministère de l’Éducation, mercredi.

Les manifestants brandissaient des pancartes jaunes inspirées de la sécurité routière sur lesquelles on pouvait lire: «Attention à nos enfants, c'est peut-être le vôtre… qui sera privé de services professionnels», dénonçant la lenteur des négociations avec le gouvernement Legault et le peu d’attention accordé aux professionnels.

Plus de 1000 postes vacants

«Le gouvernement ne se préoccupe pas du personnel professionnel et des enfants qu’il dessert», dénonce Jacques Landry, président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l'éducation (FPPE-CSQ). Les données du gouvernement lui-même font état de plus d’un millier de postes professionnels vacants dans le réseau de l’éducation, dont plus de 600 en psychoéducation, psychologie et orthophonie.

«Ça prend un coup de barre au niveau des conditions de travail et au niveau de la rémunération», tranche-t-il, faisant valoir que l’écart entre le public et le privé pour de tels emplois s’est accentué au point de décourager les éventuels candidats. «Un psychologue au sommet de l’échelle salariale chez nous a 52 $ de l'heure. Un orthophoniste, une cinquantaine de dollars de l'heure, un psychoéducateur un peu moins. Tous ces gens, quand ils arrivent dans le privé, ils peuvent déjà commander plus de 100 $ de l'heure en sortant de l'université. On joue sur un terrain inégal.»

Exode massif

Les écarts sont similaires pour l’ensemble des professionnels qui quittent le réseau massivement, dit-il, une affirmation que Carolane Desmarais confirme avec des chiffres effarants. «Au Centre de services scolaires Marguerite-Bourgeoys, on a sondé notre monde pour connaître leur intention de demeurer au CSS: 67 % pensent quitter leur emploi. Depuis juillet jusqu'à avril, c'est 147 départs de professionnels qu'on a eus, seulement à Marguerite-Bourgeoys. Imaginez le roulement et ça, c’est sans compter les postes vacants», dit-elle.

Le Nunavik abandonné

Si la situation est inacceptable à travers la province, elle est catastrophique au Nunavik, raconte-t-elle.

«À la commission scolaire Kativik, c’est zéro psychologue depuis plusieurs années. Quatorze communautés du Nunavik n'ont aucun service direct en psychologie pour les élèves des communautés inuites, c'est dramatique.

«On a un nombre incalculable de postes vacants. La commission scolaire est incapable de recruter des professionnels en services directs aux élèves et de les maintenir en poste. Des services en psychologie, en orthophonie, des psychoéducatrices, des psychoéducateurs au Nunavik, cherchez-en pas, il n'y en a pas», laisse-t-elle tomber, dépitée.

Des conditions de vie inacceptables

Elle raconte que ces communautés sont constamment confrontées à des problèmes qui découragent les professionnels.

«On ne peut pas s'attendre à ce que des gens qui sont bien établis ici (dans le sud de la province) décident de s'expatrier pendant quelques années pour aller oeuvrer au Nunavik pour se retrouver dans des appartements où ils n'ont pas l'électricité, où ils n'ont pas d'eau.

«Il n'y a plus rien d'attirant d'aller travailler dans le Grand Nord. C'est du folklore de penser que tu vas aller travailler dans le Grand Nord en éducation et que tu vas construire un gros fonds de pension avec un gros revenu. Ce n'est plus la réalité d'aujourd'hui», dit-elle. Pour Carolane Desmarais, il faudra repenser complètement non seulement les salaires et conditions de travail pour attirer des professionnels au Nunavik, mais bien les conditions de vie dans leur ensemble. 

Après avoir prononcé quelques discours, les manifestants ont formé un cortège d'automobiles qui a quitté les bureaux du ministère de l'Éducation en direction de ceux du Conseil du trésor derrière un tracteur de déneigement, «pour signifier à la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, qu'il faudra plus qu'une "pépine" pour faire avancer la négociation».

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne