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Les producteurs d'alcool américains dénoncent les produits locaux favorisés au Canada

durée 06h37
25 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

HALIFAX — Un groupe de producteurs d'alcool américains accuse les détaillants canadiens d'accorder un avantage indu aux spiritueux locaux, notamment en pratiquant des marges bénéficiaires qu'il qualifie de «discriminatoires» en Nouvelle-Écosse et dans d'autres provinces.

Le Distilled Spirits Council des États-Unis a transmis un document de 77 pages au bureau du représentant américain au commerce, Jamieson Greer, exposant les obstacles rencontrés par le secteur américain à travers le monde.

Ce document comprend six pages consacrées au Canada, où presque toutes les provinces ont retiré la plupart des alcools américains de leurs rayons en réaction aux droits de douane imposés par le président américain Donald Trump.

Entre autres griefs, les distillateurs contestent la marge bénéficiaire préférentielle accordée par la Nova Scotia Liquor Corporation (NSLC) aux spiritueux locaux. Ils affirment que le rhum, le whisky et les autres spiritueux de la Nouvelle-Écosse sont majorés de 50 à 80 % selon leur mode d'embouteillage, tandis que tous les produits importés sont majorés de 160 %.

Les distillateurs américains affirment que ces marges bénéficiaires sont incompatibles avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce et de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique.

«Cette politique protège les produits locaux et discrimine les spiritueux importés», indique le document, qui précise également que l'Alberta, la Saskatchewan, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador offrent des avantages similaires aux entreprises locales.

Le conseil demande à M. Greer, nommé par le président Trump en février, d'exhorter le Canada et ces provinces à mettre fin à la «marge discriminatoire» appliquée par la NSLC sur les spiritueux.

Allison Himmelman, directrice des communications de la NSLC, a affirmé que le gouvernement provincial est le mieux placé pour aborder les questions de politique commerciale.

«Cependant, je tiens à souligner que nos consommateurs nous disent que les produits locaux sont importants pour eux. Par le passé, nous avons offert des marges bénéficiaires préférentielles sur les produits locaux afin de soutenir l'industrie des boissons alcoolisées de la Nouvelle-Écosse et d'assurer des conditions de concurrence équitables pour les producteurs locaux», a écrit Mme Himmelman dans un courriel.

Il a été impossible de joindre immédiatement les responsables du commerce de la Nouvelle-Écosse.

La NSLC a retiré de ses rayons environ 14 millions $ d'alcool américain en février, au début de la guerre commerciale. Elle a commencé à écouler ses stocks d'alcool américain en décembre, s'engageant à reverser 4 millions $ des recettes aux banques alimentaires locales. Les ventes de produits locaux ont augmenté de 13,4 % pour atteindre 44,1 millions $ au cours du dernier trimestre du distributeur provincial.

Des critiques envers la LCBO

La plupart des provinces ont retiré l'alcool américain de leurs rayons plus tôt cette année, l'Alberta et la Saskatchewan l'ayant remis en vente durant l'été. Les producteurs américains affirment que leurs ventes canadiennes ont chuté de 68 % en avril et de 85 % au deuxième trimestre, pour s'établir à moins de 10 millions $ US. Ils demandent l'appui de M. Greer pour lever les interdictions de vente provinciales.

Les distillateurs américains s'en prennent également à la Régie des alcools de l'Ontario (LCBO), notamment à une politique qui oblige les producteurs à expédier leurs produits directement de leur distillerie à la Régie. «En conséquence de cette politique, les entreprises ne pourront plus utiliser les plateformes de distribution centrales aux États-Unis ou ailleurs pour acheminer leurs marques à la LCBO», indique le document.

Les distillateurs soulignent que la LCBO réclame des pénalités de plusieurs millions de dollars aux fournisseurs qui ne lui offrent pas le prix le plus bas au Canada, avec effet rétroactif à 2023. Selon eux, ces pénalités pourraient contraindre certains producteurs américains à quitter le plus important marché canadien des boissons alcoolisées. Plusieurs producteurs importants, dont des entreprises canadiennes, ont contesté cette politique devant les tribunaux.

Au Québec, les distillateurs s’opposent au régime de prix de la Société des alcools du Québec (SAQ), qui limite le nombre de hausses de prix annuelles autorisées. Bien que les distillateurs reconnaissent une amélioration de la situation, ils soutiennent que «la politique de prix de la SAQ n’est peut-être pas encore pleinement adaptée au contexte actuel et dynamique du commerce de détail», faisant remarquer que la LCBO autorise des modifications plus fréquentes. Le conseil souhaite que ses membres puissent ajuster leurs prix mensuellement ou 13 fois par année.

Les distillateurs contestent l’interdiction du «suremballage» imposée par la SAQ en 2023, qu’ils jugent trop générale et source d’incertitude pour leurs membres.

En Colombie-Britannique et en Saskatchewan, les distillateurs disent que les marges bénéficiaires des grossistes en spiritueux sont relativement transparentes, contrairement à celles des détaillants, qu’ils qualifient d’«arbitraires et opaques… non publiées et variables selon les produits», contrairement aux accords commerciaux.

Ils se plaignent également du fait que l'exonération totale de la taxe d'accise fédérale sur les cidres fabriqués exclusivement à partir de pommes et de miel cultivés au Canada «aggrave les inégalités qui existent sur le marché canadien des boissons alcoolisées».

Retour aux droits de douane nuls

Les distillateurs américains estiment que l’industrie représente plus de 200 milliards $ US et que le nombre de distillateurs américains est passé de moins de 100 en 2005 à plus de 3100, une croissance alimentée par le commerce international. Les exportations ont plus que doublé au cours des 20 dernières années, atteignant 2,4 milliards $ US en 2024.

Plusieurs producteurs américains de renom ont attribué leurs difficultés financières, au moins en partie, à la guerre commerciale et aux boycottages canadiens. Le fabricant de bourbon Jim Beam a récemment annoncé la fermeture de sa distillerie phare du Kentucky pour au moins un an en raison de la baisse des ventes.

«Accroître les exportations et ouvrir de nouveaux marchés, et non imposer des droits de douane sur les importations, représente la voie la plus viable pour renouer avec la croissance et la compétitivité mondiale», indiquent les distillateurs.

«Par conséquent, nous exhortons l’administration à obtenir le rétablissement permanent de droits de douane nuls avec nos principaux partenaires commerciaux et à prioriser l’accès à de nouveaux marchés dans les négociations commerciales en cours.»

Devin Stevens, La Presse Canadienne

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