Les points à surveiller en vue de la rencontre entre Mark Carney et Xi Jinping


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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Le premier ministre Mark Carney doit rencontrer le président chinois Xi Jinping vendredi, lors d'un sommet en Corée du Sud. Il entend aborder un éventail de sujets beaucoup plus large que le commerce.
Les dirigeants du Canada et de la Chine ne se sont pas rencontrés officiellement depuis la visite de l'ancien premier ministre Justin Trudeau en Chine en 2017.
Un an plus tard, les relations canado-chinoises se sont fortement dégradées après l'arrestation par le Canada d'une dirigeante chinoise du secteur des télécommunications, à la demande des États-Unis. En représailles, la Chine a arrêté deux Canadiens, des arrestations que le Canada a qualifiées d'arbitraires.
En 2022, lors du Sommet du G20, Xi Jinping a vivement interpellé M. Trudeau, l'accusant de fuites d'informations dans les médias.
Voici un aperçu des points qui pourraient figurer à l'ordre du jour de la rencontre de cette semaine.
Droits de douane
En octobre dernier, le Canada a emboîté le pas à l'administration Biden aux États-Unis en imposant un droit de douane de 100 % sur les véhicules électriques chinois et d'autres produits, invoquant une concurrence déloyale.
La Chine a riposté en imposant ses propres droits de douane sur les produits canadiens de canola, de fruits de mer et de porc.
L'ambassadeur de la Chine à Ottawa a déclaré que Pékin lèverait ces droits si Ottawa abandonnait ses taxes sur les véhicules électriques. Certains premiers ministres provinciaux ont exhorté M. Carney à agir en ce sens, tandis que l'Ontario a fait valoir que ces mesures sont nécessaires pour aider le secteur automobile à réussir sa transition écologique et à faire face aux pressions commerciales américaines.
Les dirigeants devraient aborder les relations économiques globales, notamment les importations chinoises de pétrole canadien dans un contexte de guerre commerciale avec les États-Unis, ainsi que les efforts déployés pour accroître le nombre de vols directs entre les deux pays.
Collaboration environnementale
En septembre, M. Carney a affirmé que le Canada pourrait «s'engager pleinement» avec la Chine dans les secteurs de l'énergie et de la fabrication de base, ajoutant que Pékin est «très sincère et engagé» en matière de changements climatiques, car c'est «un pays dirigé par des ingénieurs».
La Chine est l'un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au monde, mais elle est aussi un chef de file en matière de technologies propres. Elle s'est associée au Canada pour organiser un sommet des Nations unies sur la biodiversité à Montréal en 2022, malgré les fortes tensions diplomatiques entre le Canada et la Chine à cette époque.
Ingérence étrangère
En janvier, une enquête fédérale a déclaré que «la Chine est le principal responsable de l’ingérence étrangère visant les institutions démocratiques du Canada» à tous les niveaux.
Le rapport d’enquête indique que Pékin «représente la cybermenace la plus sophistiquée et la plus active pour le Canada», et le Service canadien du renseignement de sécurité affirme que la Chine «utilise de plus en plus les médias sociaux et Internet pour des campagnes de désinformation liées aux élections». Lors d’un débat électoral en avril, M. Carney a qualifié la Chine de «plus grande menace pour la sécurité» du Canada.
La Chine a rejeté ces allégations, disant qu’elles manquent de preuves concrètes et qu’elles reprennent des stéréotypes présentant les Chinois comme des acteurs malveillants.
Le Parlement a adopté un projet de loi en juin 2024 autorisant la création d’un registre de transparence sur l’influence étrangère afin d’identifier les personnes travaillant pour d’autres pays. Le gouvernement de M. Carney n’a pas encore entrepris de démarches pour mettre en place ce registre.
Affaires consulaires
La Chine a exécuté quatre citoyens canadiens au début de 2025. Pékin a déclaré à l’époque que les quatre personnes possédaient la double nationalité et avaient été légitimement poursuivies pour trafic de stupéfiants.
Robert Schellenberg, originaire d'Abbotsford, en Colombie-Britannique, est dans le couloir de la mort en Chine depuis 2019. Ottawa a qualifié sa condamnation pour trafic de drogue d'arbitraire.
Les partis d'opposition ont exhorté les libéraux fédéraux à accorder la citoyenneté d'honneur à Jimmy Lai, un éditeur de renom détenu en vertu de la loi draconienne sur la sécurité nationale de Hong Kong.
En 2018, Pékin a emprisonné Michael Kovrig et Michael Spavor, deux citoyens canadiens, et les a détenus pendant plus de 1000 jours, soit la même durée que l'assignation à résidence de Meng Wanzhou, dirigeante de Huawei recherchée par les autorités américaines pour des allégations de fraude. En 2021, le Canada a lancé une «initiative contre la détention arbitraire» visant à mobiliser les pays contre la diplomatie des otages.
Taïwan
La Chine a rappelé à plusieurs reprises au Canada sa politique d'une seule Chine, selon laquelle Pékin est le seul représentant de la Chine et Taïwan n'est pas un pays. Le Canada a néanmoins renforcé ses liens commerciaux et sa coopération en matière de sécurité avec l'île.
Ottawa participe à des exercices navals dans le détroit de Taïwan, destinés à réaffirmer le caractère international de la zone. Ces exercices irritent particulièrement Pékin. La ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, a déclaré que si le dialogue avec Taïwan se poursuit, le Canada maintient sa politique d’une seule Chine.
Souveraineté arctique
La Chine se considère comme un État quasi arctique et cherche à développer ses voies maritimes et ses ressources naturelles dans la région.
«La Chine est également active dans la recherche arctique, dont une grande partie peut être considérée comme à double usage… ayant à la fois des applications scientifiques et militaires», indique le document de politique étrangère sur l’Arctique publié par le Canada en décembre dernier.
Ce document précise que «le Canada coopérera avec la Chine pour s’attaquer aux problèmes mondiaux urgents, tels que les changements climatiques, qui ont des répercussions sur l’Arctique», mais qu'il examinera attentivement toute demande de la Chine visant à mener des recherches dans les eaux canadiennes.
Partenariat stratégique
Mme Anand a récemment soutenu que la Chine était un partenaire stratégique du Canada, trois ans après que la stratégie indo-pacifique du gouvernement ait qualifié Pékin de «puissance mondiale perturbatrice» dont les valeurs ne correspondent pas à celles du Canada.
La ministre Anand a déclaré que ce changement de cap vise à établir un cadre de dialogue avec la Chine, notamment sur les questions clés où les deux pays divergent.
M. Carney a indiqué cette semaine que le président Xi et lui discuteraient de «l'évolution du système mondial». Ces discussions pourraient porter sur les efforts déployés pour débloquer les Nations unies et les rendre plus représentatives de la population mondiale, ou encore sur les réformes relatives à l'endettement des pays en développement pour financer des projets de résilience climatique.
Les deux dirigeants affirment vouloir défendre l'ordre international fondé sur des règles et le système commercial international, même si leur conception de ce que cela implique diffère considérablement.
Le ministère chinois des Affaires étrangères affirme que Pékin souhaite renforcer ses liens avec le Canada dans le respect mutuel.
M. Carney devrait également se rendre en Chine dans un an, lorsque le pays accueillera le prochain Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC), une réunion à laquelle a presque toujours participé le premier ministre canadien en exercice au cours des 30 dernières années.
Dylan Robertson, La Presse Canadienne
 
    