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Les Philippines veulent resserrer leurs liens avec le Canada

durée 08h50
14 mai 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Le secrétaire aux Affaires étrangères des Philippines souhaite resserrer les liens commerciaux et militaires avec le Canada, affirmant que les deux pays peuvent contribuer à maintenir l'ordre d'après-guerre dans l'Indo-Pacifique en maintenant des relations pacifiques avec les États-Unis et la Chine.

«L'avenir de notre région ne doit pas être déterminé par la rivalité des grandes puissances», a affirmé Enrique Manalo, le secrétaire aux Affaires étrangères des Philippines, lors d'une entrevue la semaine dernière.

«Le monde d'aujourd'hui est très différent de ce qu'il était après la Deuxième Guerre mondiale, quand il y avait une distinction claire entre l'Ouest et l'Est. Aujourd'hui, nous avons un monde beaucoup plus compétitif – et nos relations sont plus complexes.»

M. Manalo s'est rendu à Vancouver, Toronto et Ottawa ce mois-ci pour marquer 75 ans de relations bilatérales, rencontrant les ministres fédéraux responsables du commerce, de l'immigration, de l'aide et de la diplomatie.

Son objectif est de maintenir l’élan qui a suivi la publication par les libéraux de leur stratégie indo-pacifique, à la fin 2022.

«Notre relation s'est vraiment développée au cours des deux dernières années, par rapport à ce qu'elle était il y a, disons, cinq ou dix ans», a souligné M. Manalo.

Tensions avec la Chine

Sa visite a eu lieu dans un contexte de tensions accrues entre les Philippines et la Chine au sujet des frontières maritimes.

Un tribunal international a statué en 2016 que les revendications de Pékin sur une grande partie de la mer de Chine méridionale manquaient de fondement juridique, une conclusion contestée par le gouvernement chinois.

Les Philippines considèrent cette décision comme essentielle au maintien de leur souveraineté et à la garantie de revenus pour les pêcheurs, a indiqué M. Manalo.

Vina Nadjibulla, vice-présidente de la recherche à la Fondation Asie-Pacifique du Canada, a expliqué que les Philippines ont pour politique de dénoncer publiquement tout incident au cours duquel elles pensent que la Chine viole leur territoire, contrairement à certains autres pays asiatiques qui ont tendance à se taire.

La semaine dernière, le conseiller à la sécurité nationale des Philippines a demandé l'expulsion des diplomates chinois en raison de la fuite apparente d'un appel téléphonique entre des responsables militaires des deux pays.

Et plus tôt, en mars, des navires des garde-côtes chinois ont frappé un bateau de ravitaillement philippin avec des canons à eau près d'un haut-fond contesté, ce qui, selon Manille, a blessé ses marins et un navire en bois.

Les États-Unis ont immédiatement dénoncé Pékin pour cette confrontation, et le Canada a également réprimandé la Chine pour ses perturbations en mer de Chine méridionale.

Maintenir les contacts

M. Manalo estime néanmoins que la meilleure façon de gérer les relations avec Pékin est de maintenir des contacts fréquents avec les responsables chinois, ce à quoi les Philippines sont attachées, selon lui, malgré les tensions récentes.

«Il est important de trouver des voies et moyens pour discuter de ces différences. Et la Chine le dit toujours, donc nous avons le même point de vue», a-t-il indiqué.

Il a rappelé que la Chine est le plus grand partenaire commercial de son pays, avec un commerce remontant à un millénaire.

Les Philippines ne considèrent pas la Chine comme un ennemi, mais plutôt comme un pays qui ne respecte pas ce qu'elle a accepté dans le traité mondial de 1994 régissant les activités océaniques, connu sous le nom de CNUDM.

«Cela revient en réalité au respect du droit international (et) de l'ordre fondé sur des règles.»

Le secrétaire Manalo dit qu'il est crucial que Washington et Pékin se considèrent comme des partenaires de pays plus petits, dont les actions ne sont ni «liées à leur rivalité» ni destinées à «soutenir l'une des puissances ou l'une contre l'autre».

C'est un message que la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, pourrait transmettre à la Chine si elle effectue une visite dans le pays, a-t-il suggéré.

Le mois dernier, Ottawa a envoyé le plus haut fonctionnaire d'Affaires mondiales Canada en Chine. De tels voyages sont parfois organisés avant les visites du ministre canadien des Affaires étrangères. Il n’y a aucune confirmation qu’un tel voyage soit en préparation.

Une relation à approfondir

La stratégie indo-pacifique du Canada met l'accent sur l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), un bloc de dix pays qui connaît une forte croissance économique. M. Manalo a déclaré que ses compatriotes de l'ANASE ne veulent généralement pas se ranger du côté de Washington ou de Pékin.

Le Canada et les Philippines sont des «partenaires naturels», qui devraient travailler davantage ensemble dans des domaines tels que l'agriculture, les infrastructures, l'éducation et les énergies renouvelables, a souligné M. Manalo.

Vina Nadjibulla a précisé que les Philippines sont «au cœur» de la stratégie régionale du Canada et constituent «un État d'ancrage» pour l'Asie du Sud-Est.

«Si nous voulons approfondir nos relations économiques et stratégiques avec la région, les Philippines sont l'endroit où nous avons le plus de chances d'y parvenir», a-t-elle affirmé.

En janvier, Ottawa et Manille ont signé un accord de défense sur les échanges de formation militaire et la réponse aux catastrophes.

Quelques mois plus tôt, le Canada avait accepté d'aider à la «détection des navires sombres», c'est-à-dire à utiliser la technologie pour repérer la pêche illégale à partir de bateaux qui ont éteint leurs émetteurs.

Mme Nadjibulla a déclaré qu'il était «très important» que le premier ministre Justin Trudeau solidifie les relations en participant au sommet annuel de l'ANASE au Laos en octobre prochain, après avoir pris part aux réunions des deux dernières années.

Selon elle, le Canada devrait envisager de se joindre au Japon, à l’Australie et aux États-Unis dans des exercices militaires conjoints régionaux, afin de dissuader Pékin de violer les traités internationaux.

Dylan Robertson, La Presse Canadienne