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Les offres satellite-mobile du Canada devraient connaître une croissance

durée 11h09
27 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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6 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

TORONTO — Il y a quelques années, Chris Mushumanski a été appelé en renfort pour secourir une femme qui avait glissé sur un sentier lors d'une randonnée en Colombie-Britannique rurale. Elle s'était fracturé la jambe et avait fait une chute de 30 mètres en contrebas d'un ravin escarpé.

M. Mushumanski, bénévole depuis près de 30 ans auprès de l'Association de recherche et de sauvetage de la Colombie-Britannique, se souvient des difficultés rencontrées ce jour-là. Aucun réseau cellulaire n'étant disponible le long du sentier, le compagnon de randonnée de la victime a dû descendre à pied jusqu'à la route la plus proche pour appeler les secours. Elle a attendu, souffrante, avant l'arrivée des équipes de secours.

M. Mushumanski compare ce sauvetage à une autre urgence survenue l'été dernier, au cours de laquelle un véhicule a quitté la route entre le parc national Jasper et McBride, en Colombie-Britannique, dans la vallée connue sous le nom de sillon des Rocheuses.

«Personne ne savait vraiment où ils se trouvaient», a-t-il indiqué.

Bien qu'étant également hors de portée du réseau cellulaire, le conducteur impliqué dans cette urgence a pu envoyer un texto pour demander de l'aide. Les équipes de recherche et de sauvetage sont rapidement intervenues et ont localisé le véhicule avec précision.

Cela a été possible, car le conducteur testait un service de communication par satellite lancé plus tôt cette année par Rogers Communications. L'entreprise a lancé ce service en juillet, offrant la possibilité aux utilisateurs bêta d'envoyer des textos avant son lancement commercial au début du mois, incluant également les appels vocaux et vidéo WhatsApp.

«Une grande partie de la Colombie-Britannique n'est pas couverte par le réseau cellulaire, et pour les gens qui vivent dans ces régions, lorsqu'un problème survient, il est crucial qu'ils reçoivent de l'aide le plus rapidement possible», a soutenu M. Mushumanski, qui habite à Vanderhoof, près du centre géographique de la province.

«Pouvoir envoyer une notification en temps réel change tout.»

D'autres applications, comme Google Maps, fonctionnent désormais également via le satellite de Rogers, et la société prévoit d'activer les appels traditionnels sur téléphone portable, y compris les services vocaux d'urgence 911, l'année prochaine.

Une technologie «complémentaire»

Pour Rogers, le déploiement de la connectivité par satellite se fait «bien plus tôt que prévu», a déclaré le président et chef de la direction, Tony Staffieri, lors d'une entrevue ce mois-ci. Non seulement la technologie évolue plus vite que prévu par Rogers, mais l'entreprise a également été surprise par le nombre impressionnant d'utilisateurs durant sa période d'essai, avec plus d'un million de messages textes envoyés en six mois environ.

Rogers présente ce service comme une solution de connectivité dans les zones non couvertes par les réseaux cellulaires traditionnels, mais M. Staffieri a indiqué que son utilisation ne se limitait pas à ces régions.

«Nous pensions que l'accent serait mis sur les zones rurales et éloignées», a-t-il expliqué.

«Or, nous avons constaté que les Canadiens l'ont adoré, non seulement pour ses applications pratiques, mais aussi pour la tranquillité d'esprit qu'il leur procure. Même en milieu urbain, sur les grands axes routiers, il y a toujours des zones sans aucune couverture.»

Rogers Satellite fonctionne actuellement en partenariat avec SpaceX, la société d'Elon Musk. Les satellites Starlink en orbite terrestre basse de SpaceX, combinés au réseau sans fil de Rogers, permettent de connecter automatiquement les téléphones cellulaires dans les zones non couvertes.

Le consultant en télécommunications Mark Goldberg a indiqué que l'avantage de la couverture par satellite, qu'il qualifie de «technologie complémentaire», est qu'elle permet à l'industrie de «couvrir des zones qu'il est impossible de desservir économiquement avec les antennes-relais terrestres traditionnelles».

La construction d'une infrastructure réseau peut s'avérer coûteuse, surtout dans un pays aussi vaste que le Canada.

En revanche, les constellations en orbite basse de Starlink agissent comme un «oiseau dans les airs» capable de voir de vastes territoires, a expliqué M. Goldberg. Ils établissent des connexions à faible latence, c'est-à-dire le temps nécessaire à un signal pour aller de la Terre au satellite et revenir.

«C'est un atout précieux pour assurer une couverture de communications quasi universelle dans un pays de la taille du Canada», a-t-il soutenu.

Bien que Rogers ait été impressionné par l'intérêt des clients pour une utilisation urbaine, M. Goldberg a indiqué que cette technologie reste plus performante en milieu rural. Il a précisé qu'elle n'est «pas idéale dans les zones densément peuplées», car la vitesse des applications pourrait être affectée par un trop grand nombre d'utilisateurs connectés simultanément.

Développement de partenariats

Rogers a été le premier opérateur à proposer une couverture par satellite au Canada, mais d'autres entreprises de télécommunications pourraient bientôt suivre.

Bell a annoncé un partenariat avec AST SpaceMobile pour offrir un service de téléphonie cellulaire par satellite. Un premier lancement est prévu pour la fin de 2026, a déclaré le président et chef de la direction, Mirko Bibic, lors d'une conférence téléphonique sur les résultats financiers en novembre.

Telus a testé la technologie satellitaire à la fin de 2023 en partenariat avec l'entreprise montréalaise de télécommunications TerreStar Solutions et le fournisseur de services non terrestres Skylo. Le chef des services financiers, Doug French, a refusé de commenter les échéanciers potentiels d'un lancement commercial, mais a déclaré dans une récente entrevue: «Ce ne sera plus très loin.»

La couverture cellulaire par satellite deviendra probablement la norme au cours de la prochaine décennie, selon Halim Yanikomeroglu, professeur à l'Université Carleton et spécialiste des réseaux de communication mobile.

«La pertinence de cette technologie est très différente au Canada par rapport à d'autres pays développés où les infrastructures spatiales ne seront qu'un complément, beaucoup moins cruciales», a-t-il fait valoir.

«Mais au Canada, je ne vois pas d'autre pays où cette discussion soit plus pertinente. Ce n'est pas une hypothèse. Cela pourrait avoir des répercussions importantes pour le Canada.»

La qualité en évolution

M. Myanikomeroglu a déclaré qu'il faudra du temps pour que la qualité du service atteigne le niveau attendu par les consommateurs canadiens lorsqu'ils passent des appels ou utilisent des applications via leurs données cellulaires et le Wi-Fi. Toutefois, à mesure que la technologie évolue, a-t-il dit, les entreprises seront économiquement incitées à corriger ces problèmes.

«D'un point de vue technologique, aucun de ces problèmes n'est fondamentalement insoluble si les investissements sont suffisants», a-t-il affirmé.

M. Staftieri a indiqué que c'est une priorité pour Rogers, compte tenu de l'expansion de son offre par satellite et de l'augmentation du nombre d'utilisateurs. Il a reconnu que, comparativement à un réseau 5G+, «les vitesses et la capacité par satellite sont moindres».

Il existe d'autres limitations, a-t-il précisé, notamment pour l'utilisation du service satellite de Rogers à l'intérieur des bâtiments, car certaines fonctionnalités nécessitent une visibilité directe avec le satellite, mais M. Staffieri s'est dit persuadé que ces problèmes pourront être surmontés.

Pour l'instant, selon lui, le satellite demeure «une technologie complémentaire» du point de vue de Rogers.

«Je pense que les Canadiens s'y attendent et comprennent la nature de cette technologie. Ils savent aussi qu'avec le temps, à mesure que le nombre de satellites augmentera et que la capacité s'améliorera, le service ne cessera de s'améliorer.»

Cette augmentation de capacité devrait se concrétiser avec le déploiement de nouvelles constellations.

M. Staffieri a rapporté avoir rencontré la direction de l'opérateur canadien Telesat ces dernières semaines afin de faire le point sur les préparatifs en vue du lancement du premier des 198 satellites en orbite basse, prévu pour fin 2026.

Parallèlement à Telesat, M. Staffieri a précisé que Rogers a conclu des accords avec «plusieurs» fournisseurs de services satellitaires dont la technologie est encore en développement. L'objectif est que différentes constellations fonctionnent à terme de concert.

«Cela nous permettra d'offrir une meilleure couverture dans des régions comme le Grand Nord, tout en assurant une redondance», a-t-il déclaré.

«Dès que l'une de ces technologies sera disponible et opérationnelle, nous la mettrons en œuvre.»

Entreprises mentionnées dans cette dépêche: (TSX : RCI.B, TSX : BCE, TSX : T)

Sammy Hudes, La Presse Canadienne

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