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Les jeunes sont plus heureux au Québec qu'ailleurs au pays

durée 13h28
15 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTREAL — Joshua Bujold, un étudiant en psychologie optimiste qui en est à sa première session au Collège Dawson, à Montréal, a été surpris d'apprendre que le bonheur des jeunes Canadiens avait chuté.

C'est que la situation est bien différente au Québec.

La province natale de Joshua Bujold fait figure d'exception parmi les données montrant que le bonheur des Canadiens de moins de 30 ans a chuté si rapidement qu'ils sont passés en moins de 15 ans du groupe d'âge le plus heureux du pays au plus malheureux.

Cette baisse, décrite dans le Rapport mondial sur le bonheur de 2024, publié par le Centre de recherche sur le bien-être de l'Université d'Oxford, était une nouvelle pour le jeune homme.

Les chercheurs de l'Université de Toronto, auteurs d'un rapport subséquent sur le bonheur au Canada en 2024, ont noté que le déclin observé au Québec était moins notable selon divers indicateurs.

Depuis 2014, ont-ils relevé, l'évaluation du niveau de bonheur par les jeunes Québécois s'est légèrement améliorée dans les sondages Gallup, tandis que la forte baisse de la santé mentale est beaucoup moins marquée au Québec, selon les données de Statistique Canada.

Le rapport indique que des facteurs culturels et linguistiques pourraient expliquer pourquoi les jeunes Québécois pensent que leur situation est plus enviable.

Cela tient peut-être au sentiment de fierté collective que partagent les francophones, a avancé M. Bujold. Le jeune de 17 ans a remarqué qu'il trouve les gens plus heureux hors de Montréal, là où il y a plus de francophones.

Peut-on quantifier la fierté?

Anthony McCanny, auteur principal du rapport de 2024 sur le bonheur au Canada, a déclaré que, même si cela n'est pas facile à prouver, il semble que des différences culturelles puissent changer la donne, d'autant plus que les anglophones du Québec ont tendance à obtenir des scores plus proches de la moyenne nationale en matière de santé mentale autodéclarée.

«C'était une information très importante pour nous, qui nous a amenés à réfléchir aux causes de cette différence entre le Québec et le reste du Canada», a-t-il indiqué.

Le Rapport mondial sur le bonheur de 2024 a révélé que les pays occidentaux anglophones connaissent tous une baisse du bien-être des moins de 30 ans. Il se pourrait donc que les jeunes francophones soient exposés à un paysage médiatique différent, a noté M. McCanny.

«Cela suggère qu'il y a quelque chose de particulier dans la sphère anglophone, a-t-il expliqué. Peut-être que la culture des jeunes anglophones, ou les réseaux sociaux anglophones, créent des attentes difficiles à satisfaire.»

Mais M. McCanny remarque qu'il est également possible que les conditions de vie différentes au Québec jouent un rôle.

John Helliwell, professeur émérite d'économie à l'Université de Colombie-Britannique et rédacteur en chef fondateur du Rapport mondial sur le bonheur, suggère également que les réseaux sociaux francophones pourraient être un facteur.

«Cette différence entre le Québec et le reste du Canada dans l'importance de cette baisse prouve que ce n'est pas seulement l'accès aux réseaux sociaux et l'utilisation d'internet (qui rendent les jeunes Canadiens moins heureux)», a déclaré M. Helliwell, l'un des plus grands experts mondiaux en matière de bonheur.

«C'est la façon dont on les utilise, ce qu'on y entend et y voit, et le type de liens qu'on y tisse avec les autres.»

Jacques Forest est psychologue et professeur à l'UQAM. Il s'intéresse de près au Rapport mondial sur le bonheur depuis des années et n'est pas surpris de constater que les jeunes Québécois semblent plus heureux que les autres Canadiens.

Le Rapport mondial sur le bonheur, publié en mars, a révélé que le Québec regardé individuellement se classerait sixième sur les 147 pays étudiés, tandis que le Canada dans son ensemble se classait 18e parmi tous les groupes d'âge.

Les pays comme la Finlande, le Danemark, l'Islande, la Suède et les Pays-Bas, qui se classent encore mieux, disposent tous de solides filets de sécurité sociale, tout comme le Québec, a-t-il remarqué.

Le Québec a également les frais de scolarité universitaires les plus bas d'Amérique du Nord.

M. Forest ajoute que le système de garderies abordables de la province et l'assurance-emploi qu'elle offre aux nouveaux parents envoient le message que le gouvernement les soutient.

L'idée que c'est la culture québécoise même qui expliquerait cette joie de vivre est cependant une interprétation exagérée, selon le professeur.

S'il croit qu'il y a au Québec une certaine conscience du fait que l'identité francophone est précieuse dans un océan anglophone, cela relève davantage de l'anecdote que de la science, a-t-il précisé.

Heureux, mais anxieux

Malgré cet écart apparent dans les études sur le bonheur, les jeunes Québécois ont leur lot de problèmes.

Près de 45 % des étudiants collégiaux et un peu plus de 40 % des étudiants universitaires déclaraient des symptômes associés à un trouble anxieux, selon des enquêtes menées en novembre 2024 auprès de plus de 32 000 étudiants.

Près de la moitié des étudiants collégiaux interrogés et plus de 42 % des étudiants universitaires ont déclaré des symptômes d'épisode dépressif.

Un résultat très préoccupant, selon Julie Lane, professeure au département d'éducation de l'Université de Sherbrooke, qui a dirigé cette étude.

Les données ont également révélé que les personnes dont l'anglais est la langue maternelle ont obtenu des scores plus élevés en matière de symptômes d'anxiété et de dépression auto-déclarés, et qu'elles étaient plus nombreuses à décrire leur santé mentale comme mauvaise.

Néanmoins, les données montrent que beaucoup ont une opinion positive de leur santé mentale, a souligné Mme Lane. Près de 89 % l'ont décrite comme «modérée» ou «florissante», ce qu'elle trouve très encourageant.

Jessica Proulx est en deuxième année à l'Université du Québec à Montréal, où elle suit des études pour devenir enseignante au secondaire.

Elle a déclaré que le coût de la vie pesait lourdement sur sa génération.

La jeune femme a raconté devoir cumuler quatre emplois pour joindre les deux bouts, ne pouvant pas compter sur des membres de sa famille pour l'aider financièrement.

La pression pour réussir ses études est également une source importante d'anxiété, surtout que les ressources ne sont pas toujours là pour aider les étudiants, a-t-elle indiqué.

Mais elle dit trouver des moyens de faire face à son anxiété, lui permettant de se décrire comme une personne heureuse.

Miriam Lafontaine, La Presse Canadienne

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