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Les familles des victimes des écrasements de 737 MAX ne veulent pas d'un accord

durée 12h53
3 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

Les familles de certaines des 346 personnes tuées dans les accidents des Boeing 737 MAX ont tenu des photos de leurs proches décédés mercredi devant un tribunal fédéral du Texas, où un juge entend les arguments du gouvernement américain visant à rejeter une accusation de complot contre l'entreprise aérospatiale en lien avec les deux catastrophes.

Le juge Reed O'Connor a réservé du temps aux proches des victimes de l'écrasement pour qu'ils puissent s'exprimer lors de l'audience. Certains sont venus du Canada, ainsi que de pays d'Europe et d'Afrique, pour saisir ce qui pourrait être leur dernière chance d'exiger que l'entreprise soit poursuivie au pénal pour les accidents survenus au large des côtes indonésiennes et éthiopiennes.

Chris et Clariss Moore, de Toronto, dont la fille de 24 ans, Danielle, est décédée dans l'écrasement d'un 737 MAX peu après son décollage de l'aéroport international Bole d'Addis-Abeba, en Éthiopie, ont déclaré dans un communiqué qu'un accord en cours permettrait à Boeing d'échapper à la justice.

En accusant Boeing de complot en vue de frauder le gouvernement, les procureurs ont allégué que l'entreprise avait trompé les régulateurs de la Federal Aviation Administration (FAA) au sujet d'un système de commandes de vol. Celui-ci a ensuite été impliqué dans les vols mortels, survenus à moins de cinq mois d'intervalle, en 2018 et 2019.

L'audience de Fort Worth intervient plus de quatre ans après que le ministère de la Justice a annoncé avoir inculpé Boeing et conclu un accord à l'amiable de 2,5 milliards $ US avec l'avionneur. Cet accord aurait protégé Boeing de poursuites pénales à condition de renforcer ses programmes d'éthique et de conformité juridique.

Les procureurs ont relancé l'accusation l'année dernière après avoir conclu que l'entreprise avait violé certaines dispositions de l'accord. Boeing a décidé de plaider coupable dans le cadre d'un nouvel accord, mais le juge O'Connor a rejeté cet accord en décembre.

Le refus du juge d'accepter la réponse à l'accusation a permis à l'entreprise de contester les motifs invoqués par le ministère de la Justice pour poursuivre Boeing en tant que société. Cela signifiait également que les procureurs devaient obtenir un nouvel accord sur la réponse à l'accusation, et ils ont passé six mois à renégocier avec Boeing.

Un accord à plus de 1 milliard $ US

Fin mai, les deux parties ont conclu un accord de non-poursuite, écartant l'accusation pénale et le plaidoyer de culpabilité de Boeing. En échange, Boeing s'est engagé à payer ou à investir 1,1 milliard $ US supplémentaires en amendes, en indemnisations pour les familles des victimes et en mesures internes de sécurité et de qualité.

Le ministère de la Justice a dit avoir proposé ces conditions compte tenu des «changements importants» apportés par Boeing à ses programmes de contrôle qualité et de lutte contre la fraude depuis l'été dernier. Il a déclaré que la certitude de l'accord servait également l'intérêt public plus efficacement que de porter l'affaire devant un tribunal.

«Ma fille est décédée à bord d'un avion neuf défectueux et en service parce qu'il ne respectait pas la réglementation et à cause d'une fraude», a argué Nadia Milleron, une résidente du Massachusetts dont la fille de 24 ans, Samya Stumo, figurait parmi les 157 personnes tuées dans l'écrasement en Éthiopie.

Près de 100 familles s'opposent à l'accord. Elles souhaitent que le juge nomme un procureur spécial pour reprendre l'affaire, le ministère de la Justice ayant déclaré qu'il ne donnerait pas suite à l'accusation, même si le juge refusait de la classer sans suite, selon les documents judiciaires.

Les avocats du ministère de la Justice ont déclaré que les familles des 110 victimes de l'écrasement étaient soit favorables à la résolution de l'affaire avant le procès, soit favorables au nouvel accord. Le ministère de la Justice a demandé au juge de laisser ouverte la possibilité de déposer à nouveau l'accusation de complot si l'entreprise ne respecte pas sa part du contrat dans les deux prochaines années.

Si les juges fédéraux s'en remettent généralement à l'appréciation des procureurs dans de telles situations, l'approbation du tribunal n'est pas automatique.

Un capteur défectueux au coeur de l'affaire

Cette affaire, qui dure depuis des années, porte sur un système logiciel développé par Boeing pour le MAX, qui a commencé à voler en 2017.

Lors des accidents de 2018 et 2019, ce logiciel a fait piquer l'avion à plusieurs reprises sur la base de relevés erronés provenant d'un seul capteur, et les pilotes des avions, alors neufs, de Lion Air et d'Ethiopian Airlines n'ont pas pu reprendre le contrôle.

Après l'écrasement d'Ethiopian Airlines, les avions ont été immobilisés au sol dans le monde entier pendant 20 mois, le temps que l'entreprise repense le logiciel.

Les enquêteurs ont constaté que Boeing n'avait pas informé le personnel clé de la FAA des modifications apportées au logiciel avant que les régulateurs ne fixent les exigences de formation des pilotes pour le MAX et ne certifient l'avion de ligne pour le vol.

Sur la base d'informations incomplètes, ont déclaré les procureurs, la FAA a approuvé une formation minimale sur ordinateur pour les pilotes de Boeing 737, évitant ainsi le recours à des simulateurs de vol qui auraient rendu plus coûteuse l'adoption de la dernière version de l'avion de ligne par les compagnies aériennes.

L'accord initial de 2021 était sur le point d'expirer l'année dernière lorsqu'un panneau recouvrant une issue de secours inutilisée s'est détaché d'un 737 MAX lors d'un vol d'Alaska Airlines au-dessus de l'Oregon. Personne n'a été grièvement blessé, mais le bilan de sécurité de Boeing a été remis en question.

Jamie Stengle et Rio Yamat, The Associated Press

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